ParaMag - n°303 - Août 2012 - 12

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Reflexions liconoclaste
Par Yves-Marie Guillaud

LE PLUS GRAND STADE DU MONDE
En direct à la télévision, en différé dans les journaux télévisés, puis dans la presse écrite, et maintenant dans les conversations de bistrot… Notre nouveau DTN s’est blessé le 14 juillet devant tout ce que la France compte de personnalités civiles et militaires. Ah malheur ! Pas lui, pas là ! Il n’y a pas à faire, ici et maintenant, le panégyrique de Jean-Michel Poulet, mais tout de même il s’agit non seulement d’un multiple champion du monde de voile-contact, mais surtout d’un parachutiste raisonnable qui n’est pas un fanfaron prêt à faire le mariole pour impressionner la galerie. D’ailleurs les circonstances techniques très difficiles de ce saut suffisent à expliquer l’accident. Tout le monde souhaite bien entendu à Jean-Michel un rétablissement complet et le moins douloureux possible. On lui fait part ici de l’émotion qui nous a étreint de le voir ainsi blessé, mais également de l’admiration que sa dignité dans la souffrance a suscitée. Cet accident génère une réflexion qui dépasse le simple fait divers accidentel comme il s’en passe chaque année sur les terrains de saut. Par la symbolique du lieu, les Champs-Élysées. Par la symbolique du moment : le défilé du 14 juillet. Par la symbolique de l’environnement : le Président de la République et les plus hautes autorités de l’État. Par la symbolique de la personne : le Directeur Technique National, champion international hors pair. Quelques jours plus tard, un éminent moniteur PAC ancien membre de équipes de France, qui doit avoir dans les 10.000 sauts ou plus, évoquait cet accident en disant : «Tu te rends compte, si c’est arrivé à lui alors ça peut nous arriver à nous aussi». La réponse, un banal «oui bien sûr», n’empêchait pas d’être plutôt sidéré qu’un parachutiste de ce niveau ait pu oublier à ce point que le parachutisme est une activité présentant des risques de blessures. Un peu d’histoire pour comprendre. Au début des années 80, le parachutisme était encore très formaté, tant dans son fonctionnement que dans ses matériels, par ses origines militaires. Les nouveaux types de matériels, tout-dans-le-dos avec ailes principales puis de secours, à drisse ou à glisseur, avec pull-out ou hand-deploy, puis les déclencheurs électroniques en fin de décennie, ont modifié radicalement l’approche de la pratique du parachutisme. Une nouvelle génération, dont la bande des «Lyonnais», y a contribué en apportant un nouvel état d’esprit. Avec la naissance du tandem entraînant une recherche d’adeptes pour des sauts en biplace, est né un slogan fédéral : «le ciel : le plus grand stade du monde».

La sécurité accrue des matériels et la généralisation du tour de manège en biplace n’ont-ils pas fini par faire accroire que le parachutisme n’est finalement pas plus risqué que n’importe quelle activité sportive pratiquée dans un stade ? Loin de nous l’idée que le DTN ait pu se laisser berner par l’habitude. Bien au contraire, il fait partie des personnes les plus avisées et son accident est de nature vraiment accidentelle, c'est-àdire qu’il ne résulte pas d’une imprudence commise par légèreté. En revanche, que son accident puisse révéler, ou à tout le moins rappeler, à des moniteurs très expérimentés et compétents que eux aussi peuvent être vulnérables, interpelle. D’ailleurs au vu du posé de certains moniteurs en grande survitesse, l’interpellation ne concerne pas seulement le risque encouru à l’atterrissage mais également l’exemple donné. Si des moniteurs de haut niveau peuvent en être là, qu’en est-il des pratiquants à l’issue de l’école de parachutisme (souvent 6 sauts en PAC, pas plus) et aussi des plus anciens dans la pratique sportive ? La direction technique nationale est consciente de la problématique de la conduite sous voile, mettant en place et/ou ayant des projets pour améliorer la sécurité par l’apprentissage. Au dernier congrès technique national a été présenté un projet de réforme des brevets, certes totalement en chantier et trop compliqué pour être applicable tel quel, mais qui prend en compte les connaissances de conduite sous voile. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles il est particulièrement cruel que le DTN soit celui par lequel arrive indirectement l’illustration d’une certaine perte de conscience de ce que l’atterrissage reste et restera toujours un moment clé du saut. De cet évènement négatif, il faut faire un évènement positif, un exemple pédagogique : oui, ça peut toujours arriver, même aux meilleurs. C’est pourquoi il faut soutenir l’effort en faveur de la formation sous voile et l’incorporation dans les brevets d’une vraie compétence, et relayer au niveau local les initiatives de la direction technique nationale dans ce sens. Ces propos sont illustrés par un exemple récent, postérieur au fameux et funeste 14 juillet dernier. A l’issue d’un saut de VR4 de loisir pratiqué par des coéquipiers habituels, l’équipe s’est trouvée larguée trop loin de la zone et donc dans l’obligation d’atterrir en dehors du terrain. L’une des coéquipières, d’expérience moyenne mais largement suffisante, s’est blessée assez sérieusement en percutant un obstacle visible. La zone de posé n’était pas spécialement difficile, ni remplie d’obstacles, de sorte qu’il n’y a pas de raison objective pour que cette parachutiste ait subi cette zone et n’ait pas pu gérer la situation. Il s’avère qu’elle n’avait tellement aucune confiance en elle quant à ses capacités de conduite sous voile qu’elle avait pris l’habitude de suivre et d’imiter le trajet sous voile d’un de ses coéquipiers. Livrée à elle-même hors zone, elle n’a pas pu gérer correctement cette situation. Alors oui, vraiment, ça peut toujours arriver, et pas seulement aux meilleurs. Et non, le ciel n’est pas le plus grand stade du monde. n

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Août12:303 paramag.fr

Banalisant volontairement le saut en parachute, ce slogan accrocheur et assez pertinent sur le plan marketing a mis l’acte de saut d’un aéronef au niveau de la pratique du football ou de l’athlétisme. Sauf que sauter pour mettre un but de la tête ou passer une barre à 2 mètres n’a évidemment pas la même implication en termes de risques qu’un saut d’aéronef avec un morceau de tissu plié, puis déplié, dans le dos.

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