NEOMA Alumni Mag - N°33 - Décembre 2022 - 42

MAGAZINE
❱❱❱
pour qu'elle diminue drastiquement ses investissements
et lance un plan de licenciement économique.
Sonia Dubès tient bon. « J'ai refusé. J'ai
monté un dossier, argumenté. Notre activité a
ralenti mais quand le marché a redémarré en 2010,
nous étions prêts alors que Fenwick a mis du
temps à retrouver son rythme de croisière »,
témoigne la dirigeante. « L'entreprise familiale est
un vrai amortisseur », conclut-elle.
MOINDRE VOLATILITÉ
La structure familiale est généralement appréciée
des clients, qui tendent à considérer ces sociétés
comme plus fiables et proposant des produits et
services de meilleure qualité. « Les entreprises
familiales tendent à prendre le temps de la
réflexion, à éviter les changements brutaux de
stratégie. Elles affichent une moindre volatilité »,
affirme Viviane Neiter. « Une grande partie de nos
clients sont également des grandes sociétés familiales
avec qui nous travaillons sous forme de partenariats.
Nous nous identifions à eux, et eux à
nous », ajoute Alexandre Bernardi.
Les clients savent que ce n'est pas seulement
l'image de marque qui est en jeu, mais celle de la
famille. « Quand une enseigne porte le nom d'une
dynastie, on ne fait pas un rebranding du jour au
QUEL NETWORKING ?
Les sociétés familiales ont leur fédération. Créée en 1998, la section
française du réseau mondial Family Business Network (FBN), le réseau
de référence, accompagne ses membres dans la structuration de leur
gouvernance, le partage de bonnes pratiques et l'aide à la transmission.
Avec deux valeurs fondamentales : la confidentialité et la non-sollicitation.
FBN France, qui compte 1 500 membres, sert aussi de porte-parole des
entreprises familiales auprès des pouvoirs publics. « Il existe d'autres
associations familiales très fermées où il faut vraiment montrer patte
blanche. Parmi elles, celle des Hénokiens, créée en 1981 par un Français,
regroupe une petite cinquantaine d'entreprises familiales centenaires qui
défient le temps », indique la consultante Viviane Neiter (PGE 80). Nous
n'en saurons pas plus...
POUR EN SAVOIR PLUS
Esprit de famille, es-tu là ? Les pratiques stratégiques associées à la
mobilisation des fantômes organisationnels dans les entreprises
familiales par Hervé Colas (CNAM) et Antoine Souchaud (NEOMA
Business School). Une étude de 9 pages, disponible gratuitement
sur Internet - https://bit.ly/NAM33-familles
- 42 - NEOMA ALUMNI mag DÉCEMBRE 2022
lendemain pour faire oublier les difficultés », précise
Patrick Lê. On se souvient de la Compagnie
générale des eaux qui devint Vivendi pour faire
oublier les affaires d'entente sur les tarifs ; de
Thomson-CSF rebaptisé Thales pour tourner la
page des pots-de-vin liés à la vente des frégates
taïwanaises ; d'Andersen Consulting renommé
Accenture à la suite du scandale Enron ; du Crédit
Lyonnais transformé en LCL, d'Elf devenu Total, de
Spanghero muté en La Lauragaise ou encore de
Facebook rebaptisé Meta... De telles manœuvres
seraient impensables pour un groupe familial attaché
à son nom.
Les chercheurs se sont également intéressés aux
relations qu'entretiennent les sociétés familiales
avec leurs fournisseurs. « Comme elles cherchent à
livrer des produits de qualité, elles soignent le lien
avec leurs fournisseurs. On parle ainsi de " famille
étendue " pour désigner l'ensemble des parties
prenantes de l'entreprise », décrit Patrick Lê. Cette
attitude se traduit aussi par un attachement au
territoire. « Nous participons aux instances de
notre département et de notre région », illustre
ainsi Sonia Dubès chez Normandie Manutention.
Le Covid-19 a renforcé cette tendance. Selon le
rapport 2021 de l'Observatoire National de l'Entrepreneuriat
Familial d'Audencia5
, 81 % des dirigeants
d'entreprises familiales estiment avoir été plus performants
dans leur politique RSE en 2021, contre
63 % en 2019.
« RÉSILIENCE »
La solidité du lien avec les fournisseurs a pu sauver
des sociétés familiales. C'est le cas du Moulin
Rouge, qui a traversé une période difficile à partir
de 1995 : le cabaret a vu sa fréquentation s'effondrer
suite à l'attentat du RER B à Saint-Michel et
au boycott du Japon consécutif aux essais
nucléaires de la France dans le Pacifique Sud.
« Nous étions assez dépendants de la clientèle nipponne
», relate Jean-Victor Clérico. « À la fin des
années 90, nous avons déposé le bilan. Heureusement,
tous nos fournisseurs et partenaires nous
ont accompagnés dans le plan de continuation.
Nous avons lancé un nouveau spectacle qui a bien
fonctionné et nous avons remboursé en deux ans
nos créances, en anticipant sur le plan de continuation
», poursuit le codirigeant.
CULTE DU SECRET
Si les entreprises familiales montrent de nombreux
atouts, elles tendent néanmoins à cultiver le secret,
ce qui est de moins en moins bien accepté à notre
https://www.annales.org/gc/2022/gc147/2022-03-02.pdf
NEOMA Alumni Mag - N°33 - Décembre 2022

Table des matières de la publication NEOMA Alumni Mag - N°33 - Décembre 2022
