NEOMA Alumni Mag - N°33 - Décembre 2022 - 41

OÙ SONT LES FEMMES ?
TROIS CERCLES
Le monde académique s'intéresse aux entreprises
familiales. Elles présenteraient l'avantage de
superposer trois « cercles » : celui de la famille, celui
de l'entreprise et celui de l'actionnariat. « Cette
superposition réduit l'asymétrie d'informations »,
expose Viviane Neiter. « Les intérêts des dirigeants
sont alignés avec ceux des propriétaires de la
société », complète Patrick Lê. Ce dernier cite
l'exemple du groupe belge Solvay. La multinationale,
dirigée par la huitième génération du fondateur
Ernest Solvay, a décidé en 2020, en pleine
crise du Covid-19, de maintenir le dividende prévu
tout en invitant ses actionnaires à consacrer un
tiers du montant à un fonds de solidarité pour les
salariés. Par ailleurs, les cadres dirigeants « se sont
portés volontaires unanimement pour contribuer
à hauteur de 15 % de leur salaire du reste de l'année.
» Une initiative qui, d'après Patrick Lê, aurait
été plus difficile à obtenir dans un groupe coté
« classique ».
Le professeur observe également que des entreprises
familiales ont su faire preuve d'une réactivité
notable lors de la crise sanitaire. L'enseigne Decathlon,
détenue par les familles Mulliez (51 %) et
Leclercq (49 %), a annoncé le 30 mars 2020 qu'elle
faisait don de tous ses masques de plongée Easybreath,
qui couvrent l'ensemble du visage, aux
hôpitaux et soignants.
« Notre société a une structure plate, ce qui nous
permet de prendre des décisions rapides », confie
Sonia Dubès chez Normandie Manutention. On ne
saurait toutefois en faire une généralité. Les propriétaires
de l'entreprise, fussent-ils frères ou cousins,
n'ont pas toujours des intérêts convergents.
« Des actionnaires familiaux peuvent être très
impliqués dans les prises de décision sans avoir de
rôle opérationnel, donc de connaissance de la réalité
du terrain », tempère ainsi Jean-Victor Clérico.
Ce qui peut ralentir ou compliquer la prise de
décision.
Le codirigeant du Moulin Rouge insiste par ailleurs
sur la force du lien qui unit les collaborateurs du
cabaret. Au plus fort de la pandémie, 90 % des
450 collaborateurs se sont retrouvés au chômage
partiel. Logique : les salles de spectacle étaient fermées.
« Les salariés passaient spontanément au
cabaret pour prendre des nouvelles, voir les
équipes en place et se voir les uns les autres
quand c'était possible, tout simplement », raconte
Jean-Victor Clérico. Chez Normandie Manutention,
l'activité de chariots élévateurs relevait des
services essentiels puisque l'industrie pharmaceuLes
transmissions d'entreprises familiales se font souvent au
bénéfice des fils, et non des filles.
Moins de 10 % des reprises d'entreprise sont menées par des femmes.
Un article du quotidien Les Echos publié en septembre8
tente d'expliquer
pourquoi. « Le fils est souvent vu par la famille, les banques, les
parties prenantes comme le successeur légitime », expliquent deux
chercheuses en management. Elles soulignent la nécessité de faire
évoluer la relation père-fille en relation d'adulte à adulte, en l'occurrence
de cédant à repreneuse. Deux pistes permettraient de faciliter la reprise
de l'entreprise familiale par une femme : exposer celle-ci dès son plus
jeune âge, en lui proposant par exemple un job d'été, et faire accompagner
la famille par un tiers pour faciliter le dialogue. « La confrontation
s'avère parfois nécessaire. La femme devenue adulte met un terme
symbolique à une relation père-fille et exprime ainsi son intention de
faire évoluer l'entreprise familiale comme elle l'entend », explique la
chercheuse Audrey Missonier.
Présidente de Normandie Manutention, Sonia Dubès (PGE 90) est
consciente d'avoir fait un choix de carrière qui détonne parmi ses amies
de NEOMA. « L'équilibre famille-travail est parfois limite, il faut avoir un
conjoint qui comprenne cela », note-t-elle. La dirigeante évoque aussi les
stéréotypes de genre auxquels elle se heurte encore en 2022. « Dans
certains événements auxquels je participe, on me demande si mon
patron est là... », raconte-t-elle. Cinq ans après #MeToo, les inégalités
femmes-hommes sont loin d'avoir disparu.
tique fait partie de la clientèle. « Tous les collaborateurs
étaient volontaires pour travailler. Après
trois semaines de confinement, 100 % des équipes
étaient opérationnelles », mentionne Sonia Dubès.
Lors de la crise précédente, celle de 2008, le
constructeur de chariots élévateurs Fenwick, dont
Normandie Manutention est le concessionnaire
exclusif, faisait pression sur la société familiale
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