NEOMA Alumni Mag - N°33 - Décembre 2022 - 40

MAGAZINE
L'actionnaire familial ne réclame
Alexandre Bernardi
(BSc IFI 12 et PGE 15)
pas forcément un dividende immédiat.
Il lui importe avant tout de transmettre
l'entreprise à la génération suivante.
QUAND LES DESCENDANTS SE DÉCHIRENT...
Les rivalités au sein d'une famille constituent un risque majeur
pour l'avenir de leur entreprise.
Si notre dossier démontre la supériorité financière des entreprises
familiales sur les autres, cette tendance moyenne n'exclut pas les faux
pas et les histoires qui tournent mal. « Une société détenue par une
dynastie désunie, c'est pire qu'une entreprise classique », met en
garde Patrick Lê, professeur à NEOMA Business School. Le chercheur
note d'ailleurs qu'il existe une forte variance de performance au
sein des entreprises familiales.
La presse se délecte d'histoires de dynasties qui tournent mal. En
2012, Sophie Lacoste Dournel prend la succession de son père Michel
à la présidence de Lacoste SA, doublant sa cousine Béryl qui était
pressentie pour la fonction. Le journal Le Monde décrit les « haines
recuites chez la vingtaine d'héritiers du fondateur du groupe (NDLR :
le tennisman René Lacoste) qui ressemblent à un furieux combat de
crocodiles dans un marigot. »
Chez Gallimard, l'éviction de Christian au profit de son frère Antoine,
le président actuel, a « signé une rupture indéfectible entre les deux
hommes », relate aussi le quotidien dans son article sur « le roman vrai
d'un conflit fratricide »6
. Quant à Arnaud Lagardère, il s'est appliqué à
« démanteler l'empire de son père », Jean-Luc, qui semblait douter de
ses capacités à lui succéder. « Cette succession Lagardère est pour
tous les grands patrons le repoussoir absolu », témoigne la journaliste
Vanessa Schneider sur France Inter7
. « C'est la catastrophe à éviter. »
Rappelons-nous le dicton : il faut laver son linge sale en famille.
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❱❱❱ suivante dans un état meilleur que lorsqu'il l'a
" reçue " », appuie Antoine Souchaud, enseignant-chercheur
à NEOMA Business School.
L'expert a théorisé le concept de « fantômes organisationnels
», qui désigne la présence des ancêtres
à travers des anecdotes et des récits. Il y aurait
1 400 entreprises familiales centenaires en France,
essentiellement des PME. « Ce genre d'entreprise
a traversé plusieurs crises dans son histoire. Elle a
une âme. Cela rassure », poursuit Antoine Souchaud.
Présidente de Normandie Manutention, à
Saint-Étienne-du-Rouvray, Sonia Dubès (PGE 90)
a la lourde responsabilité de poursuivre l'héritage
de son père, créateur de la société en 1979.
« Comme je ne veux pas détruire le patrimoine
familial, je suis très prudente dans mes investissements
et recrutements », confie la dirigeante à la
tête de 250 salariés.
Une telle attitude n'empêche pas la prise de risque,
tant que celle-ci est calculée et conforme à la
vision de la famille. Le cas Huttopia l'illustre bien.
Quand Céline et Philippe Bossanne ont lancé leur
concept de camping fondé sur le retour à la nature,
« ils étaient en avance sur le marché. Je ne suis pas
sûr qu'un actionnaire classique aurait validé cette
stratégie. Les premiers résultats n'ont pas été
mirobolants, mais la famille Bossanne s'est donné
le temps de convaincre le marché », témoigne Stéphane
Duc.
EFFET D'APPRENTISSAGE
Transmises de génération en génération, les sociétés
familiales traversent les guerres et les crises.
« Cette expérience crée un effet d'apprentissage
qui développe la confiance des salariés et des
clients dans l'entreprise », explique Patrick Lê. Illustration
avec la famille Bernardi, une PME de 200
collaborateurs spécialisée dans le transport routier
et la logistique, qui génère 40 millions d'euros de
chiffre d'affaires. En mai 2022, Alexandre Bernardi
(BSc IFI 12 et PGE 15) a été nommé responsable
développement du groupe. « L'entreprise a été
créée par mon arrière-grand-père dans les années
1930. Je représente donc la quatrième génération.
Je ressens une responsabilité vis-à-vis de l'histoire
de la société et j'ai un héritage à préserver », décrit
le jeune homme, qui a fait ses armes dans plusieurs
start-up comme Legalstart ou Quitoque
avant de les rejoindre. Il connaît bien les quatre
principaux actionnaires de sa société puisque ce
sont son père, son oncle et ses deux cousins.
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