NEOMA Alumni Mag - N°33 - Décembre 2022 - 30

PROFILS - ENTRETIEN -
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Comment envisagez-vous l'avenir de
la joaillerie en général et de Mauboussin
en particulier ?
Les femmes continueront à venir chercher chez
Mauboussin des bijoux qui leur ressemblent,
qu'elles s'achèteront majoritairement elles-mêmes
et qu'elles offriront à leurs compagnons ou à leurs
compagnes. Mais il y aura toujours des seigneurs
de la guerre qui iront acheter des trophées chez
mes confrères, ou même chez nous, pour leurs
conquêtes ! (rires) Le bijou reste un véhicule de
plaisir et même d'auto-plaisir : vous offrez ce que
vous aimez.
Vous êtes directeur artistique de Mauboussin
depuis 2007. Joaillier, c'est un métier
qui s'apprend facilement ?
Rien ne s'apprend mais tout s'exerce. Mes compétences
en dessin étaient celles d'un gamin de
quinze ans. Mais j'ai eu la chance, à cinquante ans,
de découvrir ce nouveau métier aux côtés de
Patrick Mauboussin, qui m'a tout expliqué : comment
monter un bijou en atelier, sertir une pierre...
Il m'arrive de créer des exemplaires uniques
comme cette gourmette en or type années 70 que
je porte à la main droite. Dans la joaillerie comme
dans la littérature, c'est l'art qui m'intéresse. Mes
deux livres Un rebelle place Vendôme et Le bonheur
sinon rien sont des performances artistiques,
pas des traités d'idées. Être directeur artistique
d'une entreprise, c'est aussi courir le risque de la
page blanche. Aujourd'hui, je sais ce que je vais
sortir pour la prochaine fête des Mères. Mais la
route de l'inspiration est sinueuse. Le futur d'un
créatif est aléatoire... Comme celui de tout un chacun.
Tout peut basculer du jour au lendemain.
Une recommandation aux étudiants
de NEOMA ?
N'avoir aucune certitude sur le lendemain... Et ne
pas prendre des paris professionnels trop élevés !
C'est vous qui dites cela ?!
Oui, à cause des maux d'aujourd'hui : le burn-out,
la dépression. Nous ne les évoquions jamais autrefois
: ils ne faisaient pas partie de notre univers. La
génération de mes parents a commencé à travailler
très jeune, puis a traversé la guerre : cela nous
donnait une autre vision de l'existence. L'époque
sublimait le sacrifice ; les idéologies nourrissaient
l'espoir de changer la vie. À quinze ans, j'avais une
revanche à prendre sur la vie : je me sentais
médiocre, je ne possédais rien, il fallait que je m'en
sorte. Je ressentais l'obligation de me tenir droit et
de marcher, sans m'arrêter. C'est ma fierté d'y être
parvenu. Mais le contexte était radicalement différent.
Nous étions libres. Les diplômés d'école d'aujourd'hui
entrent dans une société totalement
autre, qui a moins d'oreillers protecteurs - idéologiques,
sentimentaux - et est bardée d'interdits.
MAUBOUSSIN EN CHIFFRES
* 85 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2021, dont 80 % réalisé
en France
* 65 % de bijoux de fabrication française, les 45 % restant étant
produits en Europe
* 97 boutiques en propre, dont 56 en centre-ville et 9 au sein
de grands magasins
* 130 détaillants multimarques
- 30 - NEOMA ALUMNI mag DÉCEMBRE 2022
Prévoyez-vous d'écrire un troisième ouvrage ?
J'ai déjà rédigé un autre texte : un pamphlet sur la
servitude. Mais un ami éditeur m'a prévenu que
j'allais me fâcher avec toute la planète économique
et sociale si jamais je le publiais. (rires) J'envisage
d'écrire un troisième ouvrage - publiable - sur
l'identité et ses différentes composantes. Contrairement
à Marx, je pense que dans la vie nous
sommes libres d'adopter l'identité que nous souhaitons.
Quand je suis entré à NEOMA, personne
ne me connaissait, je n'avais aucun affichage communautaire,
parce que cela ne correspondait pas à
mes envies : j'étais libre de mener la vie que je
désirais. Puis j'ai tour à tour voulu être reconnu
comme enseignant d'école de commerce et
comme gestionnaire efficace. Enfin j'ai souhaité
devenir joaillier pour ne pas rester enfermé dans
l'identité de celui qui était capable de redresser
Boussac en dix-huit mois. Ma décision de rejoindre
Mauboussin a marqué un tournant dans ma vie.
Peu de personnes ont compris ce choix : je n'avais
aucune raison apparente de sortir du territoire de
la gestion pure. Mais tout ce que j'avais fait les
vingt-cinq années précédentes, au fond, c'était
pour montrer à mes parents de quoi j'étais capable.
En choisissant Mauboussin, je ne cherchais pas la
permanence mais la liberté. ❚
Propos recueillis par Marianne Gérard
https://www.mauboussin.fr/
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