NEOMA Alumni Mag - N°25 - Décembre 2020 - 30

MAGAZINE

Mathieu Chérubin
(PGE 11)

LE BONHEUR AU TRAVAIL
Le bonheur au travail est un sujet souvent abordé et de plus en plus
considéré comme un enjeu pour les entreprises et particulièrement les
ressources humaines. Beaucoup de moyens sont dès lors investis afin
d'organiser ce bonheur au travail ou de l'installer à travers différentes
actions, programmes ou encore activités diverses (team buildings,
afterwork...). Le problème n'est pas tant d'animer la vie sociale en
entreprise car cela est tout à fait sain pour le développement des
personnes et leur épanouissement dans l'organisation. Mais comme
pour la marque employeur, le malaise s'installe lorsque l'on constate un
décalage entre le discours et le ressenti réel des salariés. Le sujet du
bonheur au travail est un leurre qui vient masquer le vrai fond du
problème : le manque de sens au travail ou de reconnaissance. Un
salarié motivé, reconnu et qui comprend l'impact qu'apporte son travail
à l'organisation, à ses clients ou même à la société, ne se posera jamais
la question du bonheur au travail (excepté en cas de problèmes de
relations interpersonnelles bien entendu). En revanche, vouloir apporter
du bonheur au travail par des artifices et souvent avec des investissements importants n'est pas une solution. Avant la crise sanitaire, ces
questions étaient déjà très présentes dans l'esprit des salariés ; la crise
n'a fait qu'accentuer cette quête de sens, cette quête de reconnaissance
qui est finalement la clef du bonheur au travail. Ce dernier ne s'impose
pas, il est inhérent à la nature du travail et de l'organisation. Par ailleurs,
il faut aussi se demander si tous les salariés cherchent absolument à
être heureux au travail : ce n'est pas une réalité, pour certains le travail
reste un moyen et non une fin. Pour ceux-là, ni le sens ni les artifices ne
leur apporteront ce qu'ils recherchent, et ce n'est pas un problème.
Le bonheur au travail ne doit pas être vu comme résultant d'un plan
d'action ou d'un programme mais plutôt comme un sujet de fond sur
la culture d'entreprise, la confiance, le sens donné au travail et le type
de management en place.
Mathieu Cherubin (PGE 11), consultant senior secteur public chez CleverConnect

❱❱❱ de découragement. Comme l'a écrit Félicité de

Genlis, femme de lettres du XVIIIe siècle : « C'est
dans notre famille qu'on trouve nos meilleurs soutiens. »
L'ENNUI ET LA PERTE DE SENS AU TRAVAIL
Qui de la poule ou de l'œuf était là le premier ?
L'ennui entraîne-t-il la perte de sens, ou la perte de
sens conduit-elle à l'ennui ? Ce dernier survient en
tout cas souvent de la routine et de l'absence de
challenge. Après avoir atteint un objectif (le plus
souvent, trouver en emploi), un relâchement peut
survenir, comme en témoigne Anaïs Akakpo :
« J'avais fait le tour des sujets qui étaient les
miens. » L'ennui vient également du manque d'apprentissage, de découvertes. On n'apprend plus
dans son travail, on duplique les mêmes process.
Ceux-ci justement interdisent de créer, de dével-

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opper une touche personnelle ou un savoir-faire.
C'est le facteur humain du travail. L'accroissement
de soi-même par le travail devient inexistant. On
doit suivre la procédure, la créativité devient un
défaut. À ce moment le travail peut/va perdre de
son sens et l'organisation du travail va y contribuer.
Ainsi, comme l'explique Anaïs Akakpo : « Je ne
comprenais pas les décisions, on me demandait de
prendre un avion Paris-Rome pour une réunion, et
arrivée sur place j'apprenais que la réunion était
annulée. » Un autre exemple : « On avait travaillé
deux années sur un gros projet, puis on apprend
que le prestataire a été choisi sans que personne
de l'équipe n'ait été consulté. » Cyril Blanchard
explique : « J'ai travaillé dans un grand cabinet
d'audit, et là j'ai découvert que beaucoup de métiers n'avaient pas de sens, on ne comprend pas le
but de son action. » Le sens au travail c'est la
cohérence que l'on donne à son action, et à travers
ces deux exemples on comprend fort bien que le
sens ait disparu. Le sens c'est aussi la signification
que l'on donne au travail : 40 % des Français estiment que leur travail est bâtisseur de leur identité.
Alors lorsque le travail perd son sens, on comprend
que cela soit facteur d'inconfort, voire de mal-être.
Cyril Blanchard explique ce sentiment : « Le sens de
mon métier, ce sont mes clients, ma salariée, les
projets que l'on monte dans mon village. Cela a du
sens pour moi d'aider ma communauté, de faire
bouger mon village. Je crée du lien social, j'aide les
personnes, je redonne vie à mon village. » Anaïs
Akakpo confirme : « Dans ma boulangerie, tout
était hyper réactif, on prenait les décisions et tout
de suite on voyait si cela marchait ou pas... On
voyait concrètement les ventes, les retours clients,
l'ambiance dans l'équipe, alors qu'à la banque on
passait beaucoup de temps en réunion pour rien. »
Aujourd'hui Anaïs a revendu sa boulangerie, elle
est responsable du développement stratégique et
commercial de Chez Meunier (groupe de boulangeries bio). Là elle retrouve le sens, puisqu'elle est
au contact de boulangers avec lesquels elle peut
partager son expérience, sa passion pour la boulangerie, et elle voit les retombées concrètes de
ses actions.
LA CONFIANCE, MOTEUR DE TOUT
Le dénominateur commun à Anaïs, Sarah, Cyril et
à tous les autres diplômés rencontrés est la confiance, comme l'explique Anaïs Akakpo : « J'ai les
pieds sur terre, j'ai toujours un plan B et je sais que
j'ai les capacités à rebondir. Finalement dans ma
boulangerie, je ne pouvais perdre que le financier.
Alors, j'ai essayé. » D'où vient cette confiance ? D'où
vient ce sentiment que quoi qu'il arrive on retombera toujours sur ses pieds ? C'est ce qu'on appelle
le multi expérientiel. « À l'école, explique Cyril
Blanchard, je me suis occupé de la Junior Entre-

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