MINES LA REVUE DES INGÉNIEURS #515 - Mars 2022 - 79

NANCY
La dette COVID et les jeunes générations
Par JEAN BENASSAYA (N20)
Le 30 novembre dernier, Mines Nancy, ses élèves et ses alumni, en
compagnie de Natixis, Winn, Sciences-Po Finance, la Société
d'encouragement pour l'industrie nationale et l'ACADI, ont eu le plaisir
d'organiser une conférence-débat en présence de Natacha Valla,
doyenne de l'école de management et de l'innovation de Sciences-Po,
et de Jean-Claude Trichet (N61), ancien gouverneur de la Banque
Centrale Européenne, sur le sujet : la dette COVID et les jeunes
générations, impacts et solutions.
Si la dénomination dette COVID en dit long avant même le début des
échanges, il est important de garder à l'esprit que ce qui se réfère à la
dette COVID est, avant tout, de la dette publique. Cette mise à part a
priori des dépenses publiques émanant de la crise sanitaire provient
de la levée rapide et conséquente de fonds sur les marchés financiers.
Cela correspond à plusieurs dizaines de points de PIB. Pour éviter
l'effondrement, l'explosion du chômage et maintenir la croissance, un
soutien public était nécessaire. Ce n'est pas un phénomène propre à la
France ni même à l'Europe, mais plus global. L'ensemble des pays en
capacité financière de lever de tels fonds, des pays riches et crédibles,
pas forcément émergents ni en développement, ont contracté une
dette importante.
La souscription de ces dettes s'inscrit dans un contexte économique
et budgétaire permissif. La crise de 2008 a eu pour conséquence la
mise en place de politiques monétaires très accommodantes et
non-conventionnelles, tant en termes de taux d'intérêt qu'en termes
d'acquisition d'actifs de valeur de trésor. Depuis la mise en place de
pareilles politiques, les banques centrales européennes se portent,
d'abord modérément puis de plus en plus massivement, acquéreurs
de dette publique des pays membres.
Natacha Valla et Jean-Claude Trichet préviennent immédiatement, il
serait profondément absurde de simplement " effacer " la dette
contractée. Ces solutions, populaires dans l'opinion publique
française, sont également proposées pour traiter les dépenses liées à
la transition verte, ne pas considérer telle ou telle dépense dans un
bilan serait absurde. En Europe, on envisage la dette publique comme
le ratio de cette dernière sur le PIB, il s'agit d'une convention qui a été
choisie dans un certain contexte historique et macro-économique et
qui n'est cependant pas idéale puisqu'il s'agit du ratio d'un stock sur
un flux. Faire augmenter le dénominateur du ratio cité ci-dessus est
une piste pertinente. Produire de la croissance s'avère être un
paramètre sur lequel il est possible de jouer grâce notamment à de
profondes réformes structurelles visant à se concentrer sur l'innovation,
une partie vivante de l'économie. La croissance ainsi créée finirait
par servir le bien-être des générations futures.
L'inquiétude des jeunes générations, soulignée par les questions des
différents panélistes au terme d'une première présentation du sujet
par Natacha Valla et Jean-Claude Trichet, est justement conséquence
de cette nécessité de production de croissance. Malgré la confiance
que Jean-Claude Trichet confère à l'État, une hausse des impôts
semble inéluctable. Vers qui se portera cette hausse ? D'après
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Natacha Valla, il serait plus logique que cette hausse ne portât pas
sur les jeunes actifs ou jeunes entrepreneurs. Mais cet aspect
politique du problème oblige à prêter attention à notre environnement
et à notre attractivité. La qualité des services publics en
fonction des prélèvements est également à surveiller. Le retour de
bâton post-crise sanitaire inquiète. Les taux d'intérêts bas ne le
resteront pas éternellement et une augmentation des taux d'intérêt
réels nous poussera à faire face à un contexte plus exigent. Il faut faire
en sorte que les jeunes français trouvent intérêt à matérialiser leur
imagination en France plutôt qu'à l'étranger. La politique financière
française, très favorable à la création de société, doit maintenant
s'équilibrer afin de permettre aux jeunes entrepreneurs de croître en
France et ainsi éviter une fuite conséquente de talents vers l'étranger.
Un dernier aspect, tenant particulièrement à cœur aux jeunes
générations, est la transition énergétique et écologique. D'après
Jean-Claude Trichet, trois points sont importants à prendre en
compte. Tout d'abord, nous sommes un grand pays nucléaire et nos
émissions de C02
sont deux fois inférieures à celles des Allemands et
jusqu'à trois fois inférieures à celles des américains et canadiens.
Ensuite, dans les domaines restants, il est primordial d'organiser la
transition et de ne pas prendre des virages trop serrés et erratiques.
Finalement, et pour réaliser les différents objectifs, il est nécessaire de
définir ou redéfinir les normes mondiales qui s'imposent aux entités
internationales afin d'avoir une égalité dans la concurrence et une
justesse dans les différentes comptabilités. Le système comptable
étant tellement normatif sur la façon de comptabiliser et catégoriser
l'investissement, il est nécessaire aujourd'hui de définir les valeurs
que nous voulons souligner dans ces normes. La transition verte est,
en soit, un élément majeur qui va conduire le monde entier à investir
davantage dans l'ensemble de cette transformation structurelle de
l'économie, à laquelle les jeunes sont tant attachés. 
Jean-Claude Trichet (N61), ancien gouverneur
de la Banque Centrale Européenne
Natacha Valla, doyenne de l'école
de management et de l'innovation
de Sciences-Po
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