Dauphinews - Le magazine de la #D-Family - N°3 - Octobre 2020 - 34

FOCUS

Mission :

FAIRE DIALOGUER
ÉCONOMIE ET SANTÉ
Après l'ENS Cachan, Florence Jusot (12) s'est spécialisée sur les questions
d'économie de la santé. Professeure des universités, elle est aussi vice-présidente
du Collège des économistes de la santé et membre du Comité consultatif national
d'éthique. Elle est par ailleurs responsable de la partie française de l'enquête
européenne Share sur le vieillissement.

En tant que membre du Collège
des économistes de la santé,
pouvez-vous nous parler des
travaux réalisés par l'association ces derniers mois ?
Le Collège des économistes de la
santé a réfléchi aux conséquences
du confinement. Nous avons par
exemple travaillé avec des épidémiologistes, afin d'estimer la

/

NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ EST TRÈS BON
POUR SOIGNER INDIVIDUELLEMENT
DES PATIENTS, MOINS POUR PENSER
LA PRISE EN CHARGE DE LA SANTÉ GLOBALE
DE LA POPULATION.

mortalité, selon différents scénarios
de déconfinement, en fonction de la
date choisie, des classes d'âge, des
travailleurs vulnérables atteints de
pathologies les exposant davantage
à des formes graves de Covid...
Notre enjeu était de faire prendre

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Numéro 03 // octobre 2020

conscience du fait que l'épidémie
aurait des conséquences sanitaires
autant qu'économiques. À partir de
là, un arbitrage a dû justement être
fait entre pertes sanitaires et pertes
économiques. Si l'on confinait plus
longtemps, on retardait les effets du
Covid, mais avec le risque d'entrer
dans une crise profonde. Un choix
compliqué : comment sauver un
maximum de vies, mais aussi
l'économie ?
Quelles ont été les conséquences sanitaires à court
terme de la pandémie ?
Une priorité a été donnée aux
patients atteints du Covid, par
rapport à tous les autres patients.
Beaucoup de cabinets ont fermé, les
services d'urgence étaient débordés
et de nombreuses opérations ont
été déprogrammées. Dans le cadre
de l'enquête européenne Share,
dont le volet français est réalisé par
Dauphine, nous avons observé les
conséquences de la pandémie sur
les patients âgés. Une enquête par
téléphone a permis de les questionner sur le recours aux soins,
l'isolement, l'aide à domicile... J'ai

Florence Jusot
(12)
Professeure de
sciences
économiques

également participé à d'autres
enquêtes en partenariat avec
l'INSERM et l'INSEE menées en
population générale : les enquêtes
Sapris ou Epicov. Même si les
résultats ne sont pas définitifs, deux
éléments nous frappent : d'une part,
le confinement a accru les vulnérabilités, les personnes les plus
modestes ayant connu plus de
difficultés économiques et sociales ;
d'autre part, nous avons l'impression
qu'il y a eu moins d'inégalités
sociales d'accès aux soins pour les
personnes atteintes du Covid que
pour les autres patients. Pour les
patients atteints du Covid, une
grande organisation du système de
santé a été effectuée. Tout n'a pas
été parfait, mais une véritable
politique de santé publique a été
mise en œuvre et le système s'est
collectivement réorganisé pour les
prendre en charge. En revanche,
l'organisation des soins, en particulier non urgents, de tous les autres
patients, et notamment des soins
qui ont été reportés pendant le
confinement, a été nettement moins
bien pensée collectivement. Des
inégalités sont apparues : ceux qui
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