ON LINE BRUXELLES PATRIMOINES – ACTES DE LA JOURNÉE D’ÉTUDE – 11/12/2014
LA TOUR BRUNFAUT PRÉSENTATION DE L’ÉTUDE DE DÉFINITION DES ENJEUX D’UNE RÉHABILITATION
VINCENT DEGRUNE
INGÉNIEUR ARCHITECTE, COMMUNE DE MOLENBEEK-SAINT-JEAN
CETTE ÉTUDE DE CAS POSE LA QUESTION DE L’AVENIR DES TOURS DE LOGEMENT DONT LA VALEUR PATRIMONIALE SEMBLE À PREMIÈRE VUE MOINS ÉVIDENTE. PASSÉES DE MODE, ELLES SONT NOMBREUSES AUJOURD’HUI, ET PAS SEULEMENT À BRUXELLES, À ÊTRE MENACÉES DE DÉMOLITION. FACE À CETTE ÉVENTUALITÉ, LA COMMUNE DE MOLENBEEK-SAINT-JEAN A COMMANDÉ UNE ÉTUDE DE DÉFINITION AU BUREAU PARISIEN LACATON-VASSAL ET DRUOT, AFIN D’ÉVALUER L’IMPACT ET LA FAISABILITÉ DE DIFFÉRENTES OPTIONS DE RÉHABILITATION.
Je me passionne pour ce projet de réhabilitation de la tour Brunfaut (fig. 1) et ses problématiques depuis plus de quatre ans ; ce travail apporte plus de questions que de réponses… et c’est probablement très bien ainsi. Mon intervention sera peu technique, mais aura pour ambition d’élargir la notion de patrimoine à celle de culture et la notion de performance énergétique à celle de durabilité.
La tour Brunfaut n’a pas la chance de porter la signature d’un architecte célèbre. C’est l’architecte J. Roggen, peu connu, et son ingénieur- conseil M. Van Wetter, qui ont conçu ce bâtiment. Ce manque de notoriété a probablement contribué au fait que l’on porte aujourd’hui un regard aussi critique, pour ne pas dire méchant, sur cette architecture. Dans le quartier, on l’appelle d’ailleurs le kartonenblok, ou « la boîte en carton ». Cette construction est ainsi plutôt perçue comme le symbole d’une époque où on punissait les gens en les entassant dans des bâtiments de bureaux. Nous avons essayé de nous replonger dans le contexte de son édification, ce qui est important quand on parle de patrimoine. La tour Brunfaut est édifiée en 1966. À cette époque, c’est un peu le rêve de la modernité qui débarque en Belgique, et en particulier à Bruxelles, mais avec vingt ou trente ans de retard sur les États- Unis et la France, qui construisait sur le modèle corbuséen depuis la fin de la guerre avec l’idée simple et forte que la construction en hauteur serait une solution tant à l’étalement des villes qu’à la préservation de l’espace au sol. Aujourd’hui, la question des tours réapparaît, mais il semble qu’on ne se soucie plus de cette deuxième notion, alors qu’elles sont indissociables l’une de l’autre.
On vit aussi en ces années 1960 une période d’enthousiasme au regard de la mobilité. Par exemple, le viaduc Léopold II fut construit pour faire le lien entre le site de l’Expo 58 et le centre-ville (fig. 2). Cette structure fut ensuite démontée et reconstruite à Bangkok, où elle vient d'ailleurs d'être rénovée. Cette récupération assez géniale était tout-à-fait avant-gardiste sur la question du recyclage.
Un article de presse daté du 9 octobre 1966 nous a été très utile pour nous rendre compte de l’aspect extrêmement novateur et ambitieux que revêtait la tour sur le plan technique, mais aussi social, puisque son édification visait à répondre efficacement à un problème de salubrité dans « cette proche banlieue bruxelloise ». Le processus constructif y est également décrit. On s’aperçoit que ce bâtiment a été élevé en moins de huit mois, avec une extraordinaire économie de moyens et de matériaux. Aujourd’hui, la culture de la performance prédomine alors qu’il y a cinquante ans, c’était la culture de l’efficacité qui primait : on inter-
78 | La tour Brunfaut. Présentation de l’étude de définition des enjeux d’une réhabilitation.