Arts&MétiersMag - N°435 - Avril 2022 - 58

HISTOIRE & PATRIMOINE GRANDES FIGURES
NAISSANCE
Ernest Jouvet (Ch. 1853)
Le 21 juillet 1837,
à Montivilliers
(Seine-Maritime).
CARRIÈRE
1856 Dessinateur en chef
des établissements
Augustin-Normand
au Havre.
1867 Ingénieur aux
Chantiers Nillus.
1869 Ingénieur aux
Chantiers et Ateliers
de l'Océan.
1872 Ingénieur en chef
à l'arsenal de Fuzhou,
province du Fujian,
en Chine.
1877 Ingénieur conseil,
expert auprès des
tribunaux à Paris.
1882-1888 Conseiller
municipal du Havre.
1894 Usine pyrotechnique
à Feuquières-en-Vimeu
(Somme).
INHUMATION
Le 28 octobre 1907,
à Feuquières-en-Vimeu
(Somme).
Un Normand
devenu mandarin
Expert de la construction navale, Ernest Jouvet accompagna pendant
cinq ans un transfert de technologie vers la Chine du XIXe
E
rnest Adolphe Jouvet naît durant
l'été 1837 à Montivilliers, village
proche de Harfleur, en SeineMaritime,
de parents jardiniers. Il
entre à l'École impériale d'Arts et
Métiers de Châlons à 16 ans et devient trois
ans plus tard le dessinateur en chef des établissements
Augustin-Normand au Havre.
La construction navale connaît alors la
double révolution de la coque «en fer» et de
la propulsion à la vapeur.
En 1867, Ernest change d'entreprise pour les Chantiers
Nillus, toujours au Havre, dont la vocation première est
la fabrication de machines à vapeur mais qui ne tardent
pas à construire des navires complets. En 1869, il entre
aux Chantiers de l'Océan, dirigés par Pierre Cody
(Ch. 1839). Ses compétences en construction navale lui
valent de devenir membre de la commission de surveillance
des bateaux à vapeur, examinateur des candidats
au grade de mécanicien de la marine de commerce et
expert de l'État près l'administration des Ponts et ChausTransfert
de technologie militaire
, le gouvernement chinois décide, dès 1861,
siècle. Rentré en
France à 40 ans, il devint ingénieur conseil pour compagnies maritimes
avant de fonder une usine pyrotechnique dans la Somme.
Groupe du personnel européen (en majorité) de l'arsenal
chinois de Fou-Tchéou créé par le lieutenant de vaisseau
Prosper Giquel. Parmi eux, figure sans doute Ernest Jouvet.
sées. L'entreprise est rachetée en 1871 par les Forges et
Chantiers de la Méditerranée, ce qui incite sans doute
le Gadzarts à prospecter ailleurs.
Sa notoriété et, peut-être, l'appui de son camarade de
promotion Désiré Legat, lui valent d'être recruté, à
35 ans, par le directeur français de l'arsenal de FouTchéou
(1)
, au centre est de la Chine : le lieutenant de
vaisseau Prosper Giquel.
FORMATEUR D'ÉLÈVES CHINOIS
Après les défaites subies lors des deux guerres «de l'opium», entre 1839
et 1860, face à l'Occident (1)
de renforcer les capacités militaires du Céleste Empire par transfert de
technologie : c'est le mouvement d'auto-renforcement.
La Chine fait appel à la France et au Royaume-Uni, momentanément ses
alliés, avec l'intention d'échapper, à terme, à cette encombrante double tutelle.
Personne n'est dupe. Côté français, la mission est confiée à deux officiers de
marine qui, jusque-là, combattaient en Chine : Prosper Giquel et Paul
d'Aiguebelle. Ils sont secondés par une équipe de quelque 80 Européens pour
construire l'arsenal de Fou-Tchéou, des navires de guerre et des écoles en vue
de former le personnel chinois qui pérennisera l'ambitieux projet. La Chine
fournit la main-d'œuvre ainsi que les matériaux.
(1) La Chine voulait interdire le commerce de l'opium, aux mains des Britanniques et leurs alliés (France, États-Unis).
Quand Ernest débarque en 1872 en Chine, les grands
travaux de génie civil, commencés cinq ans plus tôt (lire
l'encadré ci-contre), sont achevés : assèchement d'une
rizière, élévation du niveau du sol de 1,50 mètre pour
parer les crues du fleuve Min, réalisation de trois cales
de construction de navires et d'une cale de mise au sec.
Les bâtiments couvrent près de 50 000 m2
. Ils abritent
sept pilons de 7 tonnes, deux pilons de 300 kilogrammes,
seize feux de forge, quatre trains de laminoirs,
une fonderie avec trois cubilots, une chaudronnerie,
des zones d'ajustage et de montage, etc. Ernest est chargé
de la formation d'élèves chinois à la construction de
machines à vapeur de quelques centaines de chevaux :
58 Arts&MétiersMAG
N°435 / avril 2022
PHOTO COLECTION PRIVÉE HERVÉ BERNARD, HISTORIEN

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