Arts&MétiersMag - N°430 - Octobre 2021 - 28

EXPERTISE ASSURANCES
MULTIPLICATION
DES ACTES DE
CYBERPIRATERIE
Les victimes des rançongiciels ont quadruplé en 2020.
Or, si la majorité des grandes entreprises est couverte par un contrat d'assurance
contre la piraterie informatique, seules 8 % des ETI et 0,0026 % des PME le sont.
Certes, le sujet est complexe pour les assurés, mais il l'est aussi pour les assureurs.
D
urant l'été 2018, AMMag faisait un tour d'horizon
des différents types de cyberattaque et des solutions
assurantielles permettant de minimiser
leurs impacts sur l'activité économique des
entreprises protégées (1)
. Cet article paru il y a
trois ans évoquait déjà une explosion des attaques. «Les
Échos» confirmaient, en informant que 37 % des entreprises
françaises avaient subi un tel événement en 2017 (2)
.
Pourtant, l'ampleur du phénomène n'était rien en comparaison
de celle que la crise sanitaire a contribué à générer.
En effet, la transformation numérique qu'ont imposée les
confinements par le recours au télétravail a augmenté l'exposition
des entreprises de tous les secteurs aux cyberincidents
: le Club des experts de la sécurité de l'information et
du numérique évalue à 300 % l'augmentation en 2020 des
demandes de rançon (3)
. De son côté, le parquet de Paris
prévoit un doublement du nombre des saisines pour des
affaires de rançongiciels («ransomwares» en anglais) pour
2021. En avril 2021, via «les Échos», la Réserve fédérale
américaine faisait part, quant à elle, de sa vive inquiétude (4)
- confirmée le 2 juillet suivant par une cyberattaque d'envergure
aux États-Unis, qui a potentiellement affecté plus
de mille entreprises dans le monde, via un logiciel de gestion
de la société Kaseya.
UN RISQUE ENCORE MAL ÉVALUÉ
PAR LES ASSUREURS
Le sujet est complexe, tant du point de vue des assurés
que de celui des assureurs. En effet, bien qu'il
constitue un marché prometteur pour eux, le
cyber risque est dangereux pour les assureurs car
il est émergent : ne disposant que de maigres statistiques,
les actuaires manquent de recul pour
élaborer des modèles mathématiques suffisamment
robustes en vue d'anticiper les dommages et établir
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N°430 / Octobre 2021
La trop faible
couverture des PME
face à la flambée des
sinistres dans les grandes
entreprises bride la
mutualisation du risque
de cybermalveillance
entre assurés.
DANIEL AZARIAN
(Ai. 199) est associé
chez Assurances
Fiore Azarian et
agent exclusif MMA
basé dans la région
d'Aix-en-Provence.
des tarifs cohérents, satisfaisants pour les deux parties. Ainsi,
alors que le volume des primes d'assurance contre la cybermalveillance
a augmenté de 49 % en 2020, s'élevant à
130 millions d'euros, les indemnisations versées après un
sinistre ont triplé, atteignant 217 millions d'euros ! Le fameux
ratio sinistre sur primes (S/P), dont nous avons souvent
parlé dans ces colonnes, en prend un sacré coup puisqu'il
est de 167 %.
Ce chiffre est néanmoins à relativiser car quatre sinistres
majeurs ont fait flamber la sinistralité en 2020. Ces événements
intenses exacerbent à la fois les craintes côté entreprises
et la frilosité côté assureurs.
UN GROUPE DE TRAVAIL À BERCY
Si 87 % des grandes entreprises sont protégées des cyberpirates
par un contrat d'assurance, ce ne sont que 8 % des
ETI qui le sont. C'est pire pour les PME, puisque ce taux est
incroyablement bas, à 0,0026 % ! (5)
S'instaure dès lors un
cercle vicieux : la forte sinistralité de la branche cybermalveillance
des assureurs, mise à mal par des sinistres majeurs
survenant chez de grandes entreprises clientes, et la difficulté
de mutualiser ce risque à cause d'une trop faible et inégale
couverture, freine le développement de ces solutions. Le
secteur de l'assurance reste réticent à augmenter ses capacités
tant que le volume global de primes ne lui permet pas de
faire face aux sinistres de haute intensité (5)
.
Les assureurs tentent donc de convaincre ETI et PME.
Cependant, quand elles en ont connaissance, les
PME jugent l'offre assurantielle peu lisible. Quant
aux ETI, elles ont vu leurs primes augmenter de
30 % en moyenne. Pourtant, les offres de cyberassurance
sont relativement bien adaptées à ce
type d'entreprises et leurs primes demeurent raisonnables
- en tout cas, bien moins élevées que
celles appliquées aux grandes entreprises. Bercy et
PHOTO L. LENEPVEU / MMA
PHOTO P. LINFORTH / PIXABAY
https://www.linkedin.com/in/daniel-azarian/
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