Arts&MétiersMag - N°424 - Février 2021 - 17

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PARCOURS

oseph Varoqui a été marqué très tôt, dès 1974, par la
capacité d'engagement des salariés envers leur entreprise. Il travaillait alors dans une PME de la construction navale sur les bords du bassin d'Arcachon.
«Quand l'usine a brûlé, le personnel a relevé les manches
et l'a remise d'aplomb en quelques jours. J'ai compris alors
que lorsque les enjeux sont clairs et qu'on leur fait confiance,
les Hommes peuvent réaliser l'impossible.» C'était sa
première grande leçon de manageur.

AU PLUS PRÈS DES CLIENTS
Un an plus tard, dans la division cars & bus de Renault
véhicules industriels (RVI), le Gadzarts est chargé de l'aménagement personnalisé des véhicules acquis par les clients
publics ou privés. Le traitement par les services habituels
(commercial, BE, achats, production...) était trop lourd. Il
a proposé la création d'une entité autonome regroupant
toutes les fonctions, en contact direct avec les clients : une
sorte de PME de 35 salariés travaillant au service du client.
Un succès : «Les délais et les coûts étaient maîtrisés. La
direction était ravie», raconte Joseph Varoqui. Deuxième
leçon : donner aux salariés de l'autonomie, ça paye.
Il a vécu ensuite la fusion Berliet-Saviem de l'intérieur. «J'ai
connu les plans de dégraissage successifs pour revenir de
36 000 à moins de 30 000 salariés. Je constatais que plus les
structures s'allégeaient, plus la communication devenait
fluide et efficace.» Troisième leçon : plus il y a de niveaux
hiérarchiques, moins il y a de sens.
En 1981, il part en mission au Japon pour étudier le phénomène Toyota Production System : «J'ai vu un autre monde.
Les Japonais avaient réussi à mobiliser toutes les forces vives
de l'entreprise dans la recherche continue du progrès. Après

PHOTO DR

Joseph Varoqui (Ai. 167), président du
Comptoir général du ressort, a libéré ses
salariés des contraintes managériales
venues d'en haut en instaurant des unités
autonomes de production en prise directe
avec les attentes des clients. Voici le
parcours qui l'a mis sur cette voie.

l'effet de surprise, je me suis dit que nous étions aussi
capables qu'eux, même si nos fondamentaux étaient différents.» Quatrième leçon : une organisation conçue en partenariat avec les salariés est plus efficace.
En 1982, Renault lui propose de passer un MBA, à l'Insead,
puis lui confie la direction de l'usine d'Annonay (Ardèche).
En 1986, il est chassé par Harris Graphics (États-Unis),
leader mondial des rotatives offset, pour prendre la direction
de sa filiale européenne. Une expérience enrichissante par
sa dimension internationale. En 1989, changement d'actionnaire, il perd son autonomie et reprend sa liberté. Cinquième
leçon : mieux vaut être le maître à bord.

CLARTÉ, AUTONOMIE ET CONFIANCE
En 1990, il reprend le Comptoir général du ressort (CGR),
un groupe d'une dizaine d'usines en France réalisant
20 millions d'euros de chiffre d'affaires et employant
300 personnes(1). Aujourd'hui, CGR compte 19 usines, dont
8 à l'étranger, emploie 1 500 salariés et réalise 182 millions
de CA (2019). Chaque usine est structurée en unités autonomes de production gérant leurs performances et participant à l'élaboration de la stratégie du groupe. Entre le PDG
et un opérateur, il n'y a que deux niveaux hiérarchiques.
Que conclut le patron iconoclaste ? «Les révolutions technologiques modifient en permanence la physionomie de nos
usines, mais les attentes des hommes qui la composent ont
une constante : si l'entreprise leur offre un projet clair, de
l'autonomie et de la confiance, ils sont heureux de donner
en retour le meilleur d'eux-mêmes.» Djamel Khamès

JOSEPH
VAROQUI (Ai. 167)
1973 Chef de
fabrication chez
Yachting France
à Arcachon.
1975 Chef du service
aménagements
particuliers de
Renault véhicules
industriels (RVI) à
Lyon.
1977 Chef du service
industrialisation et
méthode du site RVI
d'Annonay.
1983 Directeur du
site RVI d'Annonay.
1986 Directeur
général de la filiale
européenne de
Harris Graphics
Group.
1990 PDG, puis
président (à partir de
2015) du groupe
Comptoir général du
ressort (CGR).

Lire «Les ressorts humains du CGR», dans AMMag n° 423 de décembre
2020-janvier 2021, p. 24.

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