Arts&MétiersMag - N°423 - Décembre 2020/Janvier 2021 - 85

PHOTOS ESPÉRANCE BANLIEUE ASNIÈRES - D. KHAMÈS / AMM

Chaque semaine, au cours Antoine-de-Saint-Exupéry d'Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine),
a lieu l'éloge public des élèves en présence des parents et des professeurs. C'est aussi le jour
de la remise des uniformes aux nouveaux venus : pantalon noir pour tous, mais polo bordeaux pour
les filles et vert pour les garçons. Au terme de la manifestation, tous entonnent «la Marseillaise»
pendant que certains hissent les drapeaux de l'école, de la France et de l'Europe.

par 40 bénévoles, comme Marie qui s'occupe de la communication et épaule la
personne chargée de la levée des fonds.
Aucun bénévole n'est parent d'élève. Les
enseignants viennent de l'Éducation nationale, des grandes écoles comme l'Ensam
ou d'autres secteurs d'activité. Certains
employés - tel l'ex-banquier Patrick d'Hérouville, directeur général de la structure
nationale d'Espérance banlieues - ont vu
leur salaire baisser d'un facteur de 3 à 5.
Tous disent, comme Geoffrey Williamson,
un jeune diplômé de HEC travaillant auparavant au Japon et professant aujourd'hui
à Saint-Exupéry, vouloir donner du sens à
leur vie professionnelle.

UNE ÉCOLE ACONFESSIONNELLE
Né il y a cinq ans, le cours Antoine-deSaint-Exupéry est l'établissement le plus
important du réseau Espérance banlieues(2).
La dynamique a été lancée en 2012 par Éric
Mestrallet pour «répondre concrètement
au risque d'échec scolaire massif des
enfants des quartiers difficiles, jusqu'à 40 %
d'une classe d'âge, échec qui met en danger
la communauté nationale.» Pour lui, «la
fracture n'est pas que sociale. Le mal-être
de certains est si profond qu'ils ont l'impression d'être étrangers. Des sondages
réalisés dans les classes révèlent que plus
de la moitié des élèves disent ne pas être
Français alors qu'ils en ont la nationalité.

Manquant de repères, ils n'arrivent pas à
se projeter dans l'avenir. Ils ont peur de
l'altérité. Malheureusement, la nation n'est
pas suffisamment bienveillante envers eux,
ce qui crée des réactions négatives. Oui,
nous n'avons pas su et nous ne savons pas
encore accueillir ces populations, majoritairement d'origine étrangère, et créer un
sentiment d'appartenance». C'est ce
constat qui a poussé Éric Mestrallet à s'éloigner de la société de conseil qu'il avait créée
pour fonder Espérance banlieues, notamment pour encourager les exclus de la
République à faire société avec les inclus.
Clé de cette réussite, ce travail est mené
avec le concours actif des parents d'élève.
L'inclusion passe aussi par l'emploi du mot
«aconfessionnel» et la levée des drapeaux.
Éric Mestrallet signale qu'il «préfère le mot
" aconfessionnel " à celui de " laïc " , de plus
en plus utilisé comme un étendard antireligieux, loin de son sens originel. Cela
permet aux établissements d'aborder la
question des religions à travers l'Histoire
et la culture et d'utiliser l'outil de la raison.
La levée du drapeau tricolore, c'est aussi un
symbole fort qui participe à l'adhésion à la
France et à ses valeurs».

Djamel Khamès
Aujourd'hui, il y a 17 écoles Espérance banlieues, que
fréquentent 800 élèves.
https://esperancebanlieues.org

(1)

(2)

Espérance banlieues

d'Harry Roselmack et d'Éric Mestrallet,
éd. du Rocher, 2015, 192 p.

Verbatim
Dans le livre «Espérance banlieues»,
le journaliste Harry Roselmack écrit :
«Sauvons la France ! [...] Ses ennemis
[...] veulent l'abattre pour des raisons
différentes, voire opposées. Ils
s'alimentent les uns les autres en haine,
en peur, prenant l'islam en otage et en
bouc émissaire. Et ils tentent de nous
transmettre ça. Il faut en être conscient.
Et il faut choisir. De résister ou de céder.
[...] Si, comme moi, vous voulez
combattre cet assassinat programmé,
alors il faut refuser la peur. [...] Il nous faut
déblayer le terreau de l'ignorance [...].
L'ignorance des faits historiques et des
règles qui régissent la vie de notre
communauté nationale, la
méconnaissance des peuples et des
cultures, c'est d'abord cela que nous
devons combattre. [...] L'éducation est
une forme d'information : la plus basique,
la plus profonde, la plus essentielle. [...]
Et l'information est émancipatrice. [...]
La proximité d'une école " sur mesure " ,
l'exigence et l'humanité d'une
communauté scolaire intégrant les
parents d'élève comme rarement ailleurs
font de ce projet éducatif unique [celui du
cours Alexandre-Dumas à Montfermeil(1),
NDLR] une voie possible pour les jeunes
des quartiers populaires en échec
scolaire. [...] J'ai pu constater à quel point
le rejet de l'institution scolaire peut être
combattu et vaincu chez certains
jeunes.»
Cette école fut la première du réseau Espérance banlieues
à voir le jour, en 2012. Elle n'a malheureusement pas
résisté à la crise provoquée par le Sras-Cov-2. Selon Éric
Mestrallet, le cours Alexandre-Dumas de Montfermeil avait
démarré avec un faible ancrage local, d'où sa fragilité.
Les écoles qui suivirent ont, elles, bénéficié de la
mobilisation de la société civile.
(1)

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N°423 / Décembre 2020-Janvier 2021

https://www.esperancebanlieues.org

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