Arts&MétiersMag - N°423 - Décembre 2020/Janvier 2021 - 64

CONFÉRENCES & DÉBATS MÉGADONNÉES

ILLUSTRATION FREEPIK

L'ADN permet
des densités
d'informations
dix millions de fois
supérieures à celles
des mémoires
traditionnelles : ainsi,
la sphère globale des
données actuelle
tiendrait dans une
simple fourgonnette.

mille milliards d'euros. Ils couvrent un millionième de
la surface émergée du globe ; au rythme actuel, ils couvriraient un millième vers 2040. En 2025, il est estimé que les
trois quarts d'entre nous seront connectés et que nous interagirons chacun avec des données toutes les dix-huit secondes en moyenne. Le calcul est sans appel !
Une alternative prometteuse est offerte par les supports
moléculaires porteurs d'information, tel que l'ADN utilisé
ici comme agent chimique en dehors du vivant. Potentiellement, l'ADN permet des densités d'informations dix
millions de fois supérieures à celles des mémoires traditionnelles : toute la SGD actuelle tiendrait ainsi dans une simple
fourgonnette. L'ADN est stable à température ordinaire
durant plusieurs millénaires, sans consommation énergétique. Il peut être aisément multiplié ou détruit à volonté.
Enfin, la technologie ne risque pas de devenir obsolète car
l'ADN constitue notre matériel héréditaire.

de marchés de niche vers des marchés plus globaux. Dans
le futur proche, son usage se cantonnera à l'archivage de
données nécessitant d'être conservées longtemps, où ses
avantages sont évidents, en compétition ou complémentarité avec l'actuelle solution, la bande magnétique.

UN ENJEU À L'ÉCHELLE EUROPÉENNE
Plusieurs laboratoires académiques, des jeunes pousses et
quelques grandes entreprises se sont explicitement positionnés sur ce défi, au Royaume-Uni, en Allemagne, Irlande,
Suisse, et probablement en Chine. Les États-Unis y investissent environ 150 millions de dollars, avec des objectifs
techniques précis à deux et quatre ans. En France, au moins
un laboratoire et deux petites entreprises (dont l'une vient
d'être dotée par une agence des États-Unis) y ont des positions originales et fortes dans les segments clés que sont les
polymères non-ADN, la synthèse enzymatique de l'ADN et
son stockage de très longue durée. Au-delà, il existe en
France un gisement de compétences pertinentes en biologie,
chimie, informatique et sciences de l'ingénieur, qui pourraient être mobilisées dans une nécessaire synergie entre
secteurs public et privé.
«L'archivage moléculaire de données constitue un enjeu
majeur et stratégique à horizon proche. Il serait donc souhaitable de capitaliser sur le laboratoire et les deux sociétés
identifiées, et sur le gisement plus large de compétences,
afin de permettre à ces entités françaises de devenir des
acteurs significatifs et d'ouvrir une perspective européenne»,
soutiennent les auteurs du rapport. Dans ce but, ils avancent
deux recommandations : lancer une action concertée au
plan national, qui passerait par une vigoureuse programmation pluriannuelle de subventions publiques explicitement
dédiées, et proposer une programmation européenne.

Éric Roubert

Pour archiver et retrouver des données dans l'ADN, il
convient d'enchaîner cinq étapes : coder le fichier de données
binaires dans l'alphabet de l'ADN qui possède quatre lettres,
puis écrire, stocker, lire l'ADN et, enfin, décoder l'information lue. Un prototype réalisant ces opérations fonctionne
depuis mars 2019 chez Microsoft aux États-Unis. Actuellement, plusieurs ordres de grandeur manquent pour atteindre
la viabilité économique de cette approche : un facteur de
mille environ pour le coût et la vitesse de lecture, et de cent
millions pour ceux de l'écriture. Ces facteurs peuvent sembler colossaux, mais sont à mettre en regard des progrès des
technologies ADN, proches d'un facteur mille tous les cinq
ans, donc bien plus rapides que dans les domaines de l'électronique et de l'informatique.
Le rapport de l'Académie estime que la technologie moléculaire d'archivage des mégadonnées a le potentiel de devenir économiquement viable entre 2025 et 2040, progressant

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N°423 / Décembre 2020-Janvier 2021

PHOTO ADOBESTOCK

UNE MONTÉE EN PUISSANCE PRÉVUE
ENTRE 2025 ET 2040

Il existe en France un gisement de compétences pertinentes en biologie, chimie,
informatique et sciences de l'ingénieur qui permettrait à notre pays de se positionner sur
le marché de l'archivage moléculaire des mégadonnées.

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