Arts&MétiersMag - N°418 - Mai 2020 - 48

Débats&Opinions
Face aux Gadzarts

PHOTO V.VINCIENNE / AMM

«L'après» ou la renaiss an
des Arts et Métiers

Et si la pandémie de Covid-19 nous contraignait à réfléchir au
monde d'après ? Pour Michel Mignot (Cl. 60), historien de la
Fondation Arts et Métiers, l'épreuve que nous traversons a pour
vertu de remettre au goût du jour les valeurs portées par le
fondateur d'Arts et Métiers, le duc de La RochefoucauldLiancourt. Il nous fait part de ses réflexions et lance le débat de la
place des Gadzarts dans la société et les entreprises de demain.

ue lit-on depuis que cette pandémie a stoppé brutalement
toute l'économie mondialisée et confiné plusieurs milliards
de Terriens ? Quelques exemples significatifs... Dans le «Wall
Street Journal» du 3 avril, Henry Kissinger écrit : «Les démocraties doivent défendre et maintenir les valeurs des Lumières
[...] Les penseurs des Lumières arguaient que le but de l'État
légitime est de subvenir aux besoins fondamentaux de la population :
sécurité, ordre, bien-être économique et justice. «Dans son livre "Réinventons les aurores" (paru chez Fayard en février 2020), véritable manifeste
contre l'indifférence et plaidoyer pour la fraternité, le grand rabbin de
France Haïm Korsia parle de «retrouver le souffle des premiers matins de
la République». Dans le «Figaro» du 9 avril, l'ancien ministre d'État JeanPierre Chevènement plaide pour «une conversion de nos élites à l'industrie
[...] Il faut rompre avec la technophobie, l'idéologie antisciences et l'hostilité à l'énergie nucléaire (décarbonée), poursuit-il. Le capitalisme va vers
une certaine régionalisation qui n'empêchera pas les échanges, mais qui
est la condition à long terme de nos économies». Dans le «Parisien» du
5 avril, Jennifer, une «digital designer», confie : «J'ai plein de copains
trentenaires dans le marketing et qui trouvent que leur métier n'a plus
aucun sens. Ils veulent faire des choses utiles avec leurs mains».
Les entreprises ont-elles comme seule finalité de faire du profit ? Selon
un sondage effectué en 2019 pour la Fédération des entreprises et entre-

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preneurs de France, plus de 75 % des Français estiment qu'elles ont un
rôle pour rendre la société meilleure et que les CEO, ou plus largement
les chefs d'entreprise, doivent impulser le changement sans attendre qu'il
vienne du gouvernement. Sauront-elles être à la hauteur ?
Que trouverons-nous dans le monde d'après ?
Référence aux Lumières, aux solidarités, au rôle économique et sociétal
des entreprises et de leurs dirigeants : à la faveur de la crise sanitaire et
économique, nous assistons à une véritable renaissance des valeurs humanistes portées par le duc de La Rochefoucauld-Liancourt, fondateur de
notre école il y a plus de deux cents ans. Voici les Arts et Métiers ainsi
«réinventés» pour notre futur !
Après cette pandémie, il ne sera plus acceptable qu'une infirmière de nuit
gagne dix fois moins qu'un trader. Le curseur devra se déplacer vers plus
de solidarité et de soutien aux plus fragiles. «Heureux celui qui a compris
les besoins du pauvre» : la maxime est gravée sur la tombe du duc de La
Rochefoucauld-Liancourt.
Faute d'alternative crédible, le capitalisme va perdurer ; mais ses travers
et avec eux ceux de la mondialisation devront être corrigés. Le monde de
la finance et celui du numérique poursuivront leurs activités. Les échanges
relatifs aux sciences seront accrus, au bénéfice d'une meilleure gestion
mondialisée des phénomènes sanitaires ou climatiques. L'excessive cir-

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