Les Clés de la presse - Magazine n°50 - Spécial Education aux médias - 6

spécial éducation aux médias

Les Clés de la presse - n°50 - mars 2018

Le club de la presse de Bretagne joue les intermédiaires
Le club de la presse de Bretagne a
obtenu des financements publics
pour mener des opérations au long cours
dans les établissements scolaires de la
région. Voici un exemple.

« Il est très difficile d'intervenir
dans les établissements. Les journalistes
mobilisés au sein du club de la presse sont
tous pigistes, donc nous avions des difficultés à avoir des relations pérennes,
explique Isabelle Jarjaille, journaliste
indépendante en presse locale et nationale. Nous voulions aller plus loin et,
pour cela, il fallait passer par une
structure ». Les professionnels intéressés sont donc passés par le club de la
presse de Bretagne pour répondre à un
appel à projet de la Direction régionale
des affaires culturelles (Drac). Grâce à
ces subventions et un budget 2017 de
300 000 euros alloué à l'éducation aux
médias, quatre projets sont nés : la création d'un blog affichant les articles des
élèves de deux lycées, la réalisation d'un
reportage photo avec des élèves de Maisons
familiales rurales, ainsi que des interventions dans deux collèges en Ille-etVilaine et dans le Morbihan. Tous sur du
long terme.
Isabelle Jarjaille dispose par exemple
de 60 heures rémunérées réparties sur
l'année scolaire avec trois classes différentes pour son projet de blog. Intéressée par les thématiques agricoles sur lesquelles elle travaille régulièrement,
elle a contacté des lycées professionnels
agricoles. Ses interventions se déroulent
donc cette année dans deux lycées auprès
d'élèves âgés de 16 à 18 ans.
L'objectif ? « Travailler de manière
pratique à la fabrication de l'information », précise Isabelle Jarjaille, pour
qui c'est une nécessité : « je suis assez
touchée de l'incompréhension de notre
métier, des théories du complot. Au quotidien, c'est assez désagréable d'être mal
perçue, d'être confrontée à des gens qui
sont méfiants parce qu'ils pensent que je
vais déformer leur propos. Il n'y a pas que
les jeunes, mais si nous prenons le problème à la source, nous pouvons améliorer
la situation dans le futur. »

Isabelle Jarjaille devant sa classe de lycéens à Le Rheu

Un projet au long cours
dans un lycée agricole
Début des interventions par une présentation des médias sous forme de « Qui
est-ce ? ». « J'ai choisi des personnalités très connues comme Pujadas, Bourdin et
des youtubers pour leur faire comprendre
la différence entre des journalistes, des
présentateurs, des chroniqueurs et des
youtubers. Il n'y en avait pas un qui les
connaissait, se rappelle la journaliste.
Ils n'avaient pas d'idées préconçues,
seulement
une
méconnaissance
des
médias ». Les autres interventions se sont
concentrées sur un exercice pratique : par
groupes de trois ou quatre, les élèves ont
choisi un sujet en lien avec leur stage et
se sont lancés dans une enquête. « Un
groupe a choisi de travailler sur la pollution de la Seiche par Lactalis. Ils se
sont pris au jeu. Ils ont contacté la préfecture et Lactalis, le jour de la diffusion de Cash investigation. »
Cette mise en pratique est plus efficace que des cours classiques, reconnaît
leur enseignante, Véronique Stecht, professeur d'éducation socioculturelle au
lycée d'enseignement général et technologique et agricole de Le Rheu, dans l'ag-

glomération de Rennes. « D'habitude, je
faisais ces cours sur les médias avec des
imprimés et des extraits d'articles de
presse. Là, ils sont mis dans la peau d'un
journaliste. L'expérience leur permet
d'appréhender le métier. » Ce qui a frappé
le plus l'enseignante, c'est la prise de
conscience de l'importance de la parole
rapportée. « Les élèves pensaient que ça
pouvait être approximatif. Ils se rendent
compte que c'est essentiel. »
Confrontés à un professionnel, les
élèves posent des questions auxquelles
leur professeur n'aurait pas pensé :
« est-ce que les gens paient pour passer
dans le journal ? » Isabelle Jarjaille
considère que la gratuité de l'information constitue le deuxième enjeu de ses
interventions. « Il y a l'aspect défiance,
puis la survie de la presse. J'insiste
beaucoup sur le côté payant de l'information, pour leur montrer que nous sommes
des professionnels et qu'au même titre que
leurs parents, nous ne sommes pas disposés
à travailler gratuitement. Ce sont des
publics qui vont sur les réseaux sociaux,
qui ont accès à la presse gratuitement,
mais si ce n'est pas eux, quelqu'un paie
Iris Chartreau
quelque part. »

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