Les Clés de la presse - Magazine n°49 - 16

le dossier

veaux marchés et générer de nouvelles ressources. Mais il ne s'agit pas d'une
diversification stricto sensu, parce que
la puissance de la marque héritée du
papier conditionne la pertinence de l'offre en ligne. Autant dire que le papier est
un foyer de pertes, ce qui est le cas pour
le quotidien Figaro, tant qu'il est considéré comme une activité parmi d'autres au
sein du groupe. En revanche, dans ses
relations avec le développement des activités numériques, le financement de la
rédaction s'apparente de plus en plus à un
investissement dans la marque, sans
laquelle le développement de l'ensemble
des activités, en ligne ou hors-ligne,
serait plus limité. C'est ce que rappelait
Bertrand Gié, le directeur des nouveaux
médias du groupe, juste avant le rachat de
CCM benchmark. « Les conditions économiques de notre développement restent
fragiles, compte tenu de la difficulté à
monétiser les nouvelles audiences. Notre
croissance repose sur les mobiles et les
tablettes, par le biais des applications.
Le groupe continue néanmoins de soutenir
sa vieille industrie papier, car notre
marque reste notre seule chance. Or elle
est portée par le quotidien ».

Notre classement est aussi marqué par
l'émergence du groupe les Echos, suite
au rachat du Parisien. Que pensez-vous
de la stratégie du groupe LVMH dans la
presse ?
J-C.T. Il a en effet doublé de taille
dans la presse en 2016, mais cela représente encore moins de 1 % du chiffre d'affaires de LVMH (son actionnaire, 37,6 milliards d'euros, NDLR) et 9 % de son résultat. Avec le rapprochement des Echos et du
Parisien, Francis Morel prouve que l'on
peut faire vivre deux marques qui n'ont
rien en commun, mais qui vont bénéficier
d'une forte mutualisation de leur backoffice. La constitution de Team média sous
la houlette de Corinne Mrejen, qui a
naguère a réussi le lancement de M magazine au sein du groupe le Monde, doit être
suivie avec d'autant plus d'attention que
cette régie commune va susciter une mutualisation encore plus ambitieuse avec la
plateforme Gravity. Enfin la présence des
deux journaux sur un même site dans le 15ème
arrondissement de Paris ne peut que déboucher sur encore plus de synergies.
Si le Parisien tâtonne toujours dans sa
quête d'invention de nouvelles possibili-

Les Clés de la presse - n°49

tés pour se renforcer
comme le régional de
l'Ile de France, les
Echos cartonnent dans
leur engagement au service de la French tech.
La
diversification,
faite avec Publicis sur
Viva technology, semble aussi prometteuse
en termes de business
que de notoriété.

Prisma média est également très actif en
France.
J-C.T. Soulignons
que c'est sa maisonmère, le premier groupe
de communication européen, Bertelsmann, qui
est très actif dans
l'Hexagone. Il pèse
pratiquement deux milliards d'euros, toutes
activités dans la com- Patrick Drahi, président du groupe Altice
munication cumulées. 2017 a ainsi été mar- Quel regard portez-vous sur l'évolution
quée par le renforcement de son pôle du groupe Altice-SFR dans le domaine de
audiovisuel grâce à la fusion de sa radio la presse et des médias ?
J-C.T. Acteur le plus récent du monde
(RTL) et de sa télévision (M6). En presse,
avec Prisma média, sous le pilotage de de la presse, Altice ne cesse de surprenRolf Heinz, il allie des percées dans le dre. Avec les acquisitions successives et
numérique et un renforcement de ses maga- rapides de Libération et de Roularta, on
zines. Si ses diffusions spectaculaires croyait à l'arrivée d'un nouveau papivore
se sont érodées comme ses confrères, il qui allait reprendre beaucoup de titres,
est désormais le leader français en vente et le marché était aisé car les vendeurs de
au numéro, où il a supplanté le groupe presse sont plus nombreux que les acheLagardère. Et il est aussi l'éditeur fran- teurs. Or à peine Patrick Drahi avait
çais qui réalise les meilleures perfor- intégré les magazines de Roularta qu'il
est mis à les vendre. Que ce soit à ses
mances en Belgique et en Suisse.
managers de transition (comme Newsco et
Que pensez-vous de la stratégie de l'Etudiant à Marc Laufer, ou le pôle décoMondadori dans l'hexagone ?
ration à François Dieulesaint) ou à des
J-C.T. Son directeur général, Carmine tiers comme le tandem Chabenat/Augier
Perna, en gestionnaire hors pair, a serré pour Lire et Classica.
tous les coûts et fait de sa filiale l'une
En fait, son objectif se situe moins
des plus profitables e de son groupe ita- dans la presse que dans l'audiovisuel.
lien. Néanmoins, 2016 n'a pas été à la hau- Dans ce domaine, son coup de maître est
teur de ses ambitions où il espérait bien bien sûr l'acquisition de NextRadioTV,
vendre le Chasseur français et renforcer qui lui permet de faire bénéficier au
son bloc de publications télévision en maximum BFM-TV de synergies avec l'Exreprenant notamment Télé 7 jours à Lagar- press et Libération. D'ailleurs, lui
dère. Ces derniers mois, il patine sérieu- aussi regroupera, début 2018, tous ses
sement, en accusant une baisse de ses res- médias sur un site unique qui lui apparsources publicitaires et de ses recettes tient personnellement et contribuera à
de ventes. Une nouvelle fois, il va devoir son enrichissement quoi qu'il arrive.
réduire les coûts au risque de provoquer Mais Patrick Drahi va beaucoup plus loin
des tensions sociales.
en révolutionnant le monde jusqu'alors

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