Expertises des Systèmes d'information - Le mensuel du droit de l'informatique et du multimédia - Novembre 2015 - n°407 - 380

interview
Vous êtes donc un assureur au cœur de la révolution
technologique. La médecine connectée, les voitures
autonomes, l'économie collaborative, la domotique, etc.,
induisent de nouveaux usages, de nouveaux risques,
l'émergence d'acteurs différents et de nouvelles problématiques de responsabilités. Menaces ou opportunités
pour le secteur de l'assurance ?

Grâce aux masses de données collectées et aux immenses
capacités de traitement, Google mais aussi d'autres
géants comme des constructeurs automobiles vont
pouvoir proposer des contrats d'assurance très ciblés.
Le secteur est-il face à un risque majeur de redistribution
des cartes du marché ? Comment le secteur s'y prépare-t-il ?

Effectivement, les cartes vont être redistribuées et ces nouveaux
acteurs vont avoir un rôle à jouer. Mais il ne faut cependant pas
En tant que courtier conseil du Syntec numérique, nous n'assurons
oublier que l'assurance est un secteur réglementé. Comme dans
que les prestataires informatiques, et pas les utilisateurs, particules autres pays, aux Etats-Unis ou en Europe. Pour exercer cette
liers ou entreprises de tout secteur. En ce qui concerne nos clients,
profession en France, il y a des normes, des ratios à respecter, etc.
tous les nouveaux risques induits par cette révolution numérique
Si un acteur tel que Google a une capacité financière suffisante,
ont peu d'impact sur eux car ils ont déjà été pris en compte dans nos
des outils qui lui permettent d'avoir des données, des statistiques
polices dont les garanties sont très larges. Par ailleurs, nos textes
et de savoir donner un prix à un risque, il faudra qu'il remplisse les
évoluent au fur et à mesure des changements. La situation n'est pas
critères de solvabilité et qu'ilsobtienne les agréments des autorités
du tout la même pour les utilisateurs qui font face à de nouveaux
de contrôle.
risques. Pour le secteur de l'assurance, ils représentent une opportunité. Comme ces nouveaux risques
n'existaient pas, ils n'avaient donc
Cela risque de modifier le
pas été exclus. Nous, en tant qu'ac« Avec des véhicules autonomes qui marché.
teur de l'assurance du numérique
dépendent des plateformes, d'autres Certainement. Cependant, le
et des prestataires du secteur, nous
marché de l'assurance bouge
risques vont apparaître : des
avons une opportunité pour assurer
lentement, à cause des assureurs
bugs, des piratages, etc. Le secteur
les utilisateurs. Ils viennent chercher
mais aussi des assurés qui sont très
va devoir repenser son modèle
de la crédibilité et une connaissance
conservateurs. Prenons un exemple :
pratique des risques. Si nous prenons
qui achète un produit d'assurance sur
économique. »
l'exemple de la santé, nous assurons
internet ? Pas beaucoup de gens car
les hébergeurs de données médiles internautes sont assez frileux.
Est-ce qu'Expertises va acheter l'assurance de ses locaux sur
cales qui disposent de l'agrément obligatoire. Demain, l'enjeu sera
internet ? La réponse est non. Les assureurs mettront du temps
d'assurer leurs clients, à savoir les médecins, les laboratoires, etc.
mais ils bougeront, comme les assurés. Cela va évoluer, ce n'est
qu'une question de temps. Les risques et les comportements
Quels sont les risques que vous identifiez chez les
changent. Peut-être que les dirigeants des entreprises de demain
hébergeurs de données de santé ?
auront une autre position par rapport au numérique.
Ce sont principalement des risques de divulgation. Il s'agit
d'un risque en cascade où l'hébergeur va se retourner contre le
prestataire que nous assurons déjà. La chaîne de responsabilité
Désormais, nous avons des gisements de données,
nous permet d'intervenir auprès de nouveaux types de clients.
plus de moyens pour les interpréter pour une meilleure
Car il faudra aussi pouvoir couvrir les risques portant sur les
capacité d'anticipation et de prévention. Est-ce « la fin
conséquences d'une erreur médicale suite à une atteinte aux
de l'incertitude et de l'assurance » comme l'a déclaré
données.
Gontran Peubez, directeur conseil chez Deloitte ?
Je ne pense pas, car il y a un facteur psychologique. Les gens ont
toujours besoin d'être rassurés. Et puis quelle incertitude ? On
Et la voiture sans conducteur ?
va avoir de meilleurs outils pour mieux calculer les prix, mais
La question qui se pose est de savoir quel sera l'impact pour les
le risque de voir sa maison brûler existera toujours malgré les
assurances dans les 20 prochaines années. Les grands acteurs du
capteurs. La connaissance ne fait pas supprimer le risque. Les
secteur réfléchissent aux conséquences de l'arrivée de la voiture
données vont sans doute permettre de mieux appréhender les
autonome. Il faut savoir qu'ils ont 10 ou 15 % de leurs portefeuilles
nouveaux risques qu'on ne sait pas aujourd'hui appréhender.
générés par les primes sur les assurances automobiles. Or, si on
Aujourd'hui, un assureur qui veut assurer un cyber risque ne
part du postulat que 95% à 98% des accidents automobiles ont une
dispose pas de statistiques.
cause humaine, le secteur de l'assurance automobile sera forcément impacté par l'émergence des véhicules automnes. Avec des
véhicules autonomes qui dépendent des plateformes, d'autres
Aujourd'hui, on ne dispose toujours pas de statistiques
risques vont apparaître : des bugs, des piratages, etc. Le secteur va
sur le cyberisque ?
devoir repenser son modèle économique. Peut-être va-t-on assurer
Nous disposons de beaucoup de données sur les failles de sécurité
les plateformes avec de nouvelles garanties pour les cyberisques.
aux Etats-Unis, mais on en a peu en Europe. On commence à en
disposer. Mais les gens ne s'en vantent pas.

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Aujourd'hui, le secteur réfléchit à ces évolutions, mais ce
n'est pas encore la réalité.

Mais ils font des déclarations de sinistres.

Nous sommes consultés par les compagnies d'assurance qui
travaillent déjà sur les garanties futures. Il y a toujours des
solutions, un risque résiduel que l'on peut transférer.

Pas forcément. D'abord, tout le monde n'est pas assuré pour
ce genre de risques, et quand ils le font, ils ne procèdent pas
nécessairement à la déclaration de leur cyber sinistre.

EXPERTISES NOVEMBRE 2015

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