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Elles arrivent fatiguées, gelées, presque nues. Elles sont une centaine de Françaises parmi les deux mille femmes qui sont entassées dans une même pièce. Les quelques paillasses qui s’y trouvent ont été prises d’assaut. Pas de solidarité entre nations différentes, il est devenu impossible de se toucher ou de se frôler sans que la violence ne se déchaîne. La nuit, celles qui veulent aller aux latrines reçoivent des coups. Dans le noir, il arrive que certaines tombent dans les fosses des latrines et restent plusieurs jours sans pouvoir se changer. Dans le block, l’odeur est insupportable. On leur avait dit qu’il n’y avait pas d’appel au Jugendlager mais la sirène sonne. Au lever du jour, les premiers rayons de soleil leur permettent de voir un beau coin de campagne, un peu de douceur au milieu d’une ambiance sinistre. Une bien maigre consolation.

C’est au bout de deux jours qu’elles sont habillées. La vie est devenue impossible. Il n’est plus question de se cacher. Il faut accepter le travail à l’extérieur ou être gazée. Françoise doit retourner faire des travaux de galériens comme le dragage des marais, l’abatage d’arbres dans la forêt, ou encore le déchargement de péniches sur le lac, le tout avec une température extérieure avoisinant les moins 30°C. Françoise a de plus en plus de mal à marcher, fatiguée, avec ses sabots fendus. Elle est alors obligée de faire des efforts surhumains pour éviter une souffrance encore plus atroce. Les coups sont de plus en plus fréquents. Un matin, Anne-Marie Tanguy est la dernière à sortir, elle reçoit alors des coups de trique sans que personne ne puisse rien faire. Mais comme elle n’est pas du genre à se laisser abattre, elle leur tient tête en leur disant : « Vous pouvez y aller, la carcasse est solide ! ». Elles sont devenues des esclaves, pires que des bêtes. Chaque jour, les coups pleuvent très rapidement, ils sont donnés par les bourreaux, comme par réflexe, pour éviter aux détenues de réfléchir et ôter tout risque de révolte. Les SS tout autour sont armés. D’une extrême sauvagerie, ils apprécient la vision de la souffrance de leurs prisonnières. Leurs chiens n’attendent qu’une chose, mordre ces squelettes ambulants. Les détenues sont comme des troupeaux de bétail, affolés par les chiens qui leur tournent autour.

Suite à un tri fait par la femme commandant le camp, Françoise est choisie pour retourner au block 29. Malgré ses protestations, elle est obligée de s’exécuter sachant les conditions de vie et les risques que cela comporte. Elle y retrouve une Rennaise agonisante, Jeanne Couplan 23. Á plusieurs, elles font tout pour lui éviter l’horreur d’être embarquée pour le « convoi



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