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Au moment de la récolte des pommes de terre, les femmes soldats russes se sont arrangées pour faire cette corvée. Avec leurs tenues militaires qu’elles ont eu le droit de garder, elles peuvent cacher des pommes de terre dans les revers de leurs uniformes. Elles les revendent ensuite par huit contre une ration journalière de pain. Mais une fois introduites dans le camp, cuire les pommes de terre reste une opération difficile.

Françoise Élie est fiévreuse et doit se rendre au Revier. Elle est touchée par une maladie infectieuse cutanée qui lui fait terriblement mal. La rennaise est atteinte d’une inflammation de la peau à la jambe. Alors qu’elle a 40°C de fièvre, elle est obligée d’attendre pendant trois heures, dehors debout sous la neige. Arrivée dans le couloir, elle est complètement épuisée. Une gardienne vient la chercher pour qu’elle aide une vielle femme mourante à aller jusqu’à l’infirmière allemande. Celle-ci a la réputation d’être dure et inhumaine. Françoise Élie, très faible, est incapable de la porter seule. Une autre détenue vient alors lui donner un coup de main. Elles sentent bien que cette pauvre femme n’en peut plus, celle-ci s’effondre d’ailleurs au pied de l’infirmière qui donne l’ordre de la laisser, là, sur le ciment.

Le lendemain matin, malgré la fièvre, la rennaise a l’obligation de se lever et se rendre au Waschraum pour faire un brin de toilette. Comme il fait encore nuit et qu’il n’y a pratiquement jamais de lumière, c’est à tâtons qu’elle s’y rend avec les autres prisonnières. Elles buttent alors contre des cadavres étendus par terre. Ce sont ceux de détenues décédées la veille.

Durant son séjour au Revier, Françoise Élie s’occupe des plus démunis avec d’autres camarades. Certaines nuits, elles sont amenées à se lever pour s’entraider. En descendant des lits superposés dans l’obscurité, le pied se pose sur des immondices ou écrase un membre blessé.

Les mois de décembre 1944 et de janvier 1945 sont les plus terribles. La température descend alors jusqu’à moins moins trente degrés Celcius. Tous les matins, il faut être dehors, à peine habillé, sous la neige et parfois durant trois heures. Le cœur de certaines, déjà très affaibli, ne résiste pas. Lorsque les soldats allemands donnent aux détenues l’autorisation de rentrer, c’est la ruée vers la porte du baraquement. Durant une bonne partie de la matinée, les françaises s’installent à trois dans les lits et se blottissent les unes contre les autres pour se réchauffer.



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