À vingt-trois heures, le 2 août 1944, c’est la grande déception : la femme du gardien vient dire aux détenus qu’il faut partir ! Tout le monde a l’ordre de préparer ses affaires. Le départ est annoncé pour un camp situé en France. C’est la désillusion la plus totale ! Françoise Élie ne peut s’empêcher de pleurer.

À deux heures du matin, après trois heures de préparation, un convoi de prisonniers est formé en rang par cinq. C’est le départ, les détenus franchissent la porte d’entrée de la prison. Encadrés par des sentinelles armées, ils se retrouvent dans la rue. C’est l’obscurité totale et ils sont trop fatigués pour tenter de s’évader. Certains, voyant que les gardiens ont un peu bu et sont eux aussi affolés, se demandent ce que fait la résistance.

Tout au long du parcours, des rideaux bougent derrière les fenêtres. La colonne s’étire, les jambes sont rendues lourdes par la fatigue et l’importante déception. Certains bagages sont pesants, les détenus s’aident les uns les autres. De temps à autre, il faut laisser sur le trottoir des pots de confiture trouvés la veille au soir dans la réserve de la Croix-Rouge. Après avoir franchi la passerelle qui enjambe la ligne au bout de la rue Mauconseil, le cortège arrive enfin dans le secteur de la Courrouze. Les prisonniers se retrouvent sur un quai, parallèle à la rue Jules Verne, au sud du boulevard de Guines et du quartier Foch. C’est la ligne qui dessert l’Arsenal. Elle se trouve entre la rue de Redon et le boulevard de la Tour d’Auvergne.

Les détenus sont invités à monter dans des wagons de voyageurs de deuxième classe. Ils sont très surpris. Quelques instants plus tard, ils reçoivent l’ordre de descendre et de s’installer dans des wagons à bestiaux.

Beaucoup d’entre eux sont des résistants de la première heure, des prisonniers que les allemands appellent les « politiques » ou les « terroristes ». Il y a beaucoup de femmes, dont certaines ont pour seul grief d’être la compagne, la mère ou la sœur d’un maquisard. Dans ce convoi il y a également des militaires américains, canadiens ou britanniques faits prisonniers en Normandie. Quelques sénégalais sont également présents. On note aussi des soldats de l’armée allemande menottés, avec des boulets attachés au pied. Ces derniers doivent être jugés dans leur pays ! Certains d’entre eux sont accusés de faire partie d’un complot contre Hitler.

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