La revue RH&M - N°68 - Janvier 2018 - 42

RH À L'INTERNATIONAL

Devoir et plan de vigilance

MARC
DELUZET
Délégué général
de l'Observatoire
Social International
(OSI)

L

e devoir de vigilance accroît la responsabilité des
entreprises internationales
quant au respect des droits
humains et les obligent à
vérifier la mise en œuvre de leurs
engagements. Dialogue multipartite
et accords-cadres mondiaux versus
judiciarisation.

Promulguée en mars 2017, la loi sur
le devoir de vigilance impose aux plus
grandes entreprises de cartographier les
risques d'atteinte aux droits humains pour
l'ensemble de leurs activités en France et
à l'étranger, puis de prendre les moyens
de prévenir tout non-respect de ces droits
dans l'ensemble de leurs chaînes d'approvisionnement. Les entreprises ne sont
plus simplement appelées à prendre des
engagements : sous la menace d'être attaquées en justice, elles doivent rendre des
comptes sur le respect effectif des droits
humains fondamentaux, à travers un plan
de vigilance, élaboré en association avec
leurs parties prenantes.

P.42 | JANVIER 2018 | N°68 LA REVUE RH&M

Une diffusion internationale
du concept de vigilance
En 2011, les Principes Directeurs Entreprises et Droits de l'Homme de l'ONU ont
mis en avant le concept de vigilance (ou
de diligence raisonnable) pour l'ensemble
des droits humains et des liberté fondamentales, au-delà des seules normes
sociales de l'OIT. Depuis, ce concept
diffuse dans l'ensemble des instances
internationales : OCDE, OIT, G20, dans
les résolutions du Conseil de l'Europe et
de l'Union Européenne, pour tout ce qui
concerne les chaînes d'approvisionnement et les conditions d'un travail décent.
Après l'adoption du Modern Slavery Act
au Royaume Uni (2015), des législations
se mettent actuellement en place au PaysBas, en Allemagne et en Italie. Des initiatives de la société civile se développent
en Suisse ou à l'échelle européenne : le
projet « Carton vert » est initié par huit
parlements nationaux, qui appellent les
entreprises européennes à un devoir
de vigilance envers les individus et les
communautés dont les droits et l'environnement local sont impactés par leurs
activités.
Le développement humain, pilier
de la performance responsable
Ces évolutions se développent alors
que la montée des cas de controverses
en Europe et aux Etats-Unis témoigne
d'une tendance à la judiciarisation de la
responsabilité des entreprises en matière
de respect des droits humains dans les
pays démocratiques, tandis qu'à l'inverse,
le déficit d'informations sur les atteintes
à ces mêmes droits perdure dans les
chaînes d'approvisionnement et dans la
plupart des pays émergents, comme l'a
montré l'effondrement du Rana Plazza au
Bangladesh en 2013.
À l'approche gestionnaire fondée sur
la communication des engagements

" De façon urgente,
les directeurs de
ressources humaines
sont invités à
développer une
approche plus
concertée de la
responsabilité sociale
de l'entreprise. "

volontaires et le reporting des indicateurs, peut alors succéder une phase de
judiciarisation galopante, portée par des
activistes et fondée sur le manquement
au nouveau devoir de vigilance des entreprises. De façon urgente, les directeurs de
ressources humaines sont invités à développer une approche plus concertée de la
responsabilité sociale de l'entreprise, en
dialoguant avec les parties prenantes et
en négociant des accords avec les fédérations syndicales mondiales de salariés.
Des accords mondiaux que plusieurs
grandes entreprises françaises ont
récemment conclu (SAFRAN octobre
2017) ou renouvelé (Solvay février 2017,
PSA mars 2017). De nombreux autres
sont annoncés. Au-delà du devoir de vigilance auquel ils contribuent, ces accords
intègrent de plus en plus le respect des
droits humains dans les activités de
l'entreprise et renforcent réputation et
marque employeur à l'échelle mondiale.
Le développement humain est de plus en
plus un pilier essentiel de la performance
responsable.
Table des matières de la publication La revue RH&M - N°68 - Janvier 2018
