La revue RH&M - N°68 - Janvier 2018 - 10

LE GRAND ENTRETIEN
En France, au lieu d'insuffler une
culture de l'innovation, on a créé
des freins à l'innovation : l'erreur
est synonyme de sanction ; un
dépôt de bilan est rédhibitoire ;
le principe de précaution ne facilite pas l'innovation... Comment
insuffler une culture nationale de
l'innovation ?
Il y a le sujet du droit, et il y a le sujet
de la culture. Ce que tu dénonces
comme le plus important, c'est le
sujet culturel. Il faut qu'en France,
on admette que l'erreur est créatrice
d'intelligence. Qu'on se dise : « soit je
gagne, soit j'apprends », et non : « soit
je gagne, soit je perds. » Qu'on se dise
qu'on est capable d'avancer.
La loi sur le droit à l'erreur contribue-t-elle à libérer la créativité ?
Tout n'est pas dans la loi. Si on attend
tout de la loi, on sera forcement déçu !
Je pense que ce sont les éléments culturels et les éléments d'influence qui
feront que ça fonctionne.
5. Rôle des DRH : Comment le DRH
doit-il évoluer dans les méandres des transformations majeures auxquels l'entreprise va être
confrontée ?
Le DRH doit devenir le support de
tous les managers qui vont avoir
à gérer la transformation de leurs
propres équipes et il doit être le coach
de l'autonomisation de la gestion des
compétences de chacun des collaborateurs. Cela va être un changement
important. Avant, la démarche formation et compétences de l'entrep-

rise était gérée dans le cadre d'une
GPEC sur les besoins de l'entreprise
et l'évolution des salariés, c'était possible d'avoir une vision. Aujourd'hui,
la gestion prévisionnelle est sur six
mois ou un an. Il y a des secteurs
qui se transforment sous des cycles
extrêmement courts et cela implique
de revenir à des capacités de décision
beaucoup plus rapides qui ne peuvent
pas se faire au niveau central. Il faut
que chaque salarié lui-même (pour
cela il faut qu'il soit accompagné,
coaché) décide ce qu'il veut pour luimême, quelle formation il veut faire,
comment il veut s'adapter. Tous les
jobs vont être transformés dans les
dix prochaines années, tous. Certains
vont disparaître, mais tous vont changer de nature.
Denis Jacquet dit que l'intelligence artificielle pourrait être,
pour les DRH, « une possibilité de
prendre le pouvoir ». Le pouvoir
sur la stratégie. Un rôle encore
plus déterminant.
Aujourd'hui, c'est intéressant, les
entreprises sur tous les continents
ressentent très fort ce que veut dire
le mot « humain » dans « ressources
humaines ». Donc on est le directeur
des compétences à venir de l'entreprise et ça, aujourd'hui, on doit le
recombiner avec l'arrivée des ressources technologiques ; il est donc intéressant d'avoir un DRH capable de
tout penser en même temps. Quand
je disais que la robotisation permet de
garder des entreprises ou des usines
en France, il faut un DRH qui comp-

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rend le business, qui comprend ce que
va permettre de faire le robot ou l'IA,
et ce qu'il faudra faire pour que les
salariés puissent accompagner cette
transformation. Il ne faut pas qu'il
arrive en deuxième vague en disant :
comment on va faire maintenant...
C'est lui qui doit préparer la stratégie et l'accompagner. Cela va être
un moment passionnant, les quinze
prochaines années...
6. Vision sur le monde à l'horizon
2030 : Comment voyez-vous
le monde de demain, à horizon
2030 ? Dans quel monde vivronsnous ?
Ma responsabilité est de m'occuper des cinq prochaines années en
imaginant l'avenir. Donc, en 2030,
ma vision est une France avec des
transports responsables intelligents
et dynamiques, une France avec des
industries propres qui nous permettent une autonomie énergétique et de
transports, une France où on a accès
à l'école, où on a mis fin à la pauvreté. Aujourd'hui, et pour la première
fois, il y a une génération qui va peutêtre voir la fin de la pauvreté dans le
monde, qui va voir la responsabilisation de l'utilisation des ressources
environnementales... Là, on va avoir
des chocs de technologie qui sont
de vrais chocs de transformation de
notre impact sur la planète. Ça va
être beau, ce qu'on aura en 2030, si
on maîtrise ça bien.
C'est une belle vision. On ne parlera plus de bien-être, ce sera
quelque chose d'acquis ?
J'espère qu'on sera massivement plus
heureux et qu'on aura mis fin à la pauvreté.
À quel horizon ?
Je pense que 2030 est un bon objectif
pour le monde. Pour la France, j'espère que ce sera avant. La technologie
nous permet de mieux maîtriser l'eau,
de mieux maîtriser l'agriculture et la
faim. Dans de nombreuses zones du
monde, on peut résoudre des tensions qui mènent ensuite à des tensions
politiques, ethniques, ou autres. Si
tous les gens pouvaient manger à leur
faim, on calmerait aussi beaucoup des
tensions existantes.

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