La revue RH&M - N°63 - Octobre 2016 - 13

digitalisation. L'objectif à présent est de
donner les moyens aux plus petites entreprises de réussir elles aussi leur mutation
technologique.
4. CONCERNANT LES DONNÉES
PERSONNELLES :
Les enjeux sur la protection des
données personnelles ressemblent
de loin à un combat entre David et
Goliath entre les états et les multinationales du digital. Quelles options
sont possibles pour ne pas pénaliser
les entreprises françaises voire européennes et continuer à protéger les
citoyens ?
La réponse se trouve dans le futur règlement européen sur la protection des données à caractère personnel. Nous avons
veillé à obtenir un cadre européen harmonisé et équilibré qui donne à la fois une
certaine protection aux citoyens tout en
veillant à ce que les entreprises ne soient
pas freinées par des règles trop lourdes à
mettre en place. Les entreprises étrangères
qui traitent les données personnelles des
citoyens européens à qui elles offrent des
services ou des biens ou suivent leur comportement, seront tout aussi concernées
que les entreprises françaises. Nous avons
également fait en sorte que les entreprises
établies à l'étranger puissent adhérer à des
codes de conduites ou des mécanismes de
certification si elles le souhaitent.
Entre cyber surveillance, terrorisme
et liberté individuelle, l'anonymat
cher à Internet est-il encore possible
dans une démocratie républicaine ?
Oui l'anonymat est une condition essentielle de la démocratie. Sans anonymat,
pas de Canard enchaîné, pas de lanceurs
d'alerte, pas de journalisme d'investigation.
Il faut veiller à ce que toutes les techniques
de la surveillance sur internet soient très
strictement encadrées et sous le contrôle
d'un magistrat indépendant. Le risque
pour notre société est la banalisation de ces
techniques sous couvert d'une prétendue
efficacité qui n'est pas démontrée. Même
si ce débat est difficile, il faut préserver
un contrôle et une vigilance constante sur
l'évolution des techniques et leurs effets
sur la vie privée. C'est aussi le cas pour
la remise en cause du chiffrement, alors
que cette technique constitue une brique
indispensable de la sécurité des entreprises

et des citoyens. La réponse au terrorisme
s'entend plutôt par une meilleure coopération avec les acteurs du numérique.
5. LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE
EN ENTREPRISE :
Comment et pourquoi insuffler l'esprit start-up dans les entreprises ?
L'innovation aujourd'hui est fondamentalement différente de l'innovation d'hier. Le
processus d'innovation traditionnel, issu
de la recherche fondamentale pour aller à
la production selon un schéma linéaire et
incrémental, a laissé la place à un schéma
ouvert dans lequel l'innovation concerne
tous les stades de réalisation et de production d'un produit ou d'un service et met
au centre l'expérience utilisateur. L'organisation en mode start-up est justement
la plus à même de susciter la créativité et
l'impertinence nécessaire à la production
d'innovations nouvelles, ne découlant pas
uniquement d'améliorations techniques
mais plutôt d'une rupture conceptuelle,
qu'elle concerne le design, ou encore les
usages. On dit souvent par exemple que
Facebook n'aurait pas pu être financé au
regard de nos critères habituels de financement de l'innovation.
Il est donc essentiel que nos entreprises
adoptent de plus en plus cette nouvelle
approche de l'innovation décrite en particulier dans le référentiel innovation nouvelle génération de BPI.
Il n'y a pas de méthode miracle pour insuffler l'esprit start-up mais je crois beaucoup en l'innovation ouverte qui renvoie
à la richesse des modalités entre grandes
groupes et startups : certaines entreprises
hébergent des start-up, d'autres font des
séminaires dans la Silicon Valley, d'autres
stimulent l'intrapreneuriat...Je crois plutôt
à un mélange de toutes ces initiatives, et
surtout à la diffusion d'une culture dans
laquelle on ne stigmatise pas l'échec, et
dans laquelle on valorise la créativité
autant que l'obéissance. C'est fondamentalement une question culturelle!
Jusqu'où la transition numérique
va-t-elle transformer l'entreprise de
demain ?
Il est très instructif de voir quelles directions des entreprises se sont saisies chronologiquement de la transition numérique :
d'abord la communication, pour l'image
dynamique que le numérique apporte,

ensuite la DSI pour le côté technologique,
et peu à peu ce sont les DRH qui s'en
emparent le plus. C'est très significatif : la
transformation numérique réelle, ça n'est
pas la numérisation des processus existants. C'est une conception différente des
processus et du métier de l'entreprise, qui
oblige à reprendre à la base les modes de
fonctionnement. Cette transformation est
donc extrêmement structurante et transversale, et touchera l'entreprise dans son
ensemble. En particulier, dans un contexte
de mobilité des talents de la « génération
Y » et encore plus de la « génération Z »,
la transformation numérique est devenue
un enjeu majeur d'attractivité RH, fondamental pour la pérennité de toutes les
entreprises.
Dans cette révolution, quel sera,
selon vous, le rôle et les prérogatives
des DRH ?
Le rôle des DRH sera primordial. Je vais
prendre en exemple le Lab RH, qui est
une association créée en juin 2015 et
conçue comme un pôle de compétitivité
dédiée à l'innovation RH. Elle regroupe
une centaine d'entreprises de services
RH innovants, notamment pour faciliter
leur mise en relation avec les DRH des
grands groupes. Le numérique contribue
à révolutionner les ressources humaines, à
double niveau : le bien-être des salariés et
des entreprises plus innovantes, plus efficaces. Cette nouvelle culture des ressources
humaines s'étend à toutes les entreprises,
grands groupes inclus, qui ne peuvent plus
ignorer les demandes de leurs salariés : des
relations moins hiérarchiques et plus horizontales, des pratiques collaboratives, une
organisation participative au service de l'innovation et une plus grande mobilité basée
sur les compétences plus que sur les statuts. Les DRH savent que la transformation
numérique est un levier d'épanouissement
de leurs salariés, d'attractivité pour recruter
les meilleurs candidats, mais aussi un facteur d'innovation interne et donc de croissance pour l'entreprise. Je ne vois pas cette
révolution sans l'implication des DRH. Elle
se fera avec eux, en collaboration.

Ont contribué à l'élaboration
de ce questionnaire :
- Caroline BLOCH
- Nathalie SCHIPOUNOFF
- Catherine ABONNENC

LA REVUE RH&M N°63 | OCTOBRE 2016 | P.13

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