La revue RH&M - N°59 - Octobre 2015 - 74

Le coup de gueule d'Hervé SÉRIEYX

La confiance : chaînon
manquant au cœur de nos
performances collectives

D

e plus en plus introuvable, la confiance n'aurait
pourtant jamais été aussi nécessaire, nous disent à
l'unisson responsables politiques et médias. Qu'il
s'agisse de la négociation du Traité transatlantique
de libre-échange (TTIP), des laborieux accords de
la Zone euro avec la Grèce ou des Etats Unis avec l'Iran, mais
plus encore, dans notre Hexagone, de nos relations de citoyens
entre nous , avec le monde politique, avec les Institutions ou avec
l'avenir, il semblerait que l'indispensable confiance se soit fait la
malle et se soit évaporée à jamais de nos environnements. Chacun
rappelle qu'en son absence, rien de durable ne peut se construire ;
mais, force est de constater qu'elle a disparu. C'est précisément le
moment où l'économiste Jean Paul Fitoussi ou l'essayiste Alain
Minc soulignent qu'en raison des nouveaux modes d'organisation
et de la révolution numérique, toute performance productive ne
dépend plus uniquement de la multiplication du capital par le
travail (Performance = Capital x Travail) mais qu'elle suppose aussi
la confiance entre les acteurs ( Performance = Capital x Travail
x Confiance ). La confiance s'étant mise aux abonnés absents,
rien de surprenant si nos performances économiques demeurent
relativement médiocres.
C'est ce qu'exprimait voici moins de deux ans Angel Guria, le
secrétaire général de l'OCDE, lors d'une conférence : « L'une
des victimes de la crise, en plus de l'emploi et de l'égalité, a été la
confiance. Nous avons perdu confiance dans les gouvernements,
dans les partis politiques, dans les organisations internationales,
dans les systèmes bancaires, dans les multinationales et dans
tout ce que nous avons bâti comme sociétés depuis cent ans. On
se retrouve avec un énorme niveau de cynisme. » Avec des mots
différents, c'est ce que rappelle le Prix Nobel d'Economie Joseph
Stiglitz : « La rupture du lien social et de la confiance, visible sur
nos lieux de travail, aura inévitablement de vastes conséquences
pour la société. »
Conscient des graves incidences de cette situation, , le « Sommet
international de la confiance dans les organisations » réunissait, les
21 et 22 mai à Montréal, de nombreux intervenants venus de divers
points du globe (Australie, Etats-Unis, Canada, Europe ) et des
participants diversifiés, issus au Québec du monde public comme
du privé, des secteurs productif, éducatif ou associatif, responsables
politiques ou dirigeants d'entreprise... Des intervenants et des
participants rassemblés autour d'une même conviction : sans
confiance, pas de performances. Mais, malheureusement, comme
le soulignait, lors de ce Sommet canadien, Vanessa Hall , si 99% des
dirigeants du monde développé, perçoivent combien la confiance

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est au cœur de la performance collective, 95% d'entre eux ne font
rien ou pas grand-chose pour la fortifier tant ils sont sollicités par
ce qui leur apparait comme d'autres urgences.
Pourtant, bonne nouvelle, un modèle d'organisation a surgi lors
de ce Sommet, à travers la diversité des témoignages (entreprises
grandes ou moyennes, établies ou prospérant sur des champs
nouveaux, administrations, professions libérales, responsables
politiques) et des réflexions sur la confiance menées dans des
environnements culturels différents ( Australie, Etats-Unis,
Canada, Europe) : il semble que, par delà les différences de
situations et de contextes, il existe une trame commune d'actions à
poser et de décisions à prendre pour qu'une organisation devienne
sans cesse plus capable de susciter la confiance de ses divers
porteurs d'enjeux, à l'externe comme en interne ; pour reprendre
le vocabulaire de la théorie du chaos, il s'agirait d' une sorte «
d'attracteur étrange » qui, en dépit de la méfiance québécoise
pour les anglicismes, a été évoquée sous le vocable de « trusting
organization », c'est-à-dire d'une forme d'organisation créatrice
de confiance.
La reconquête de cette confiance disparue, de ce chaînon manquant
au coeur de nos performances collectives, constitue une urgence
suffisamment évidente pour que l'on considère avec le plus vif
intérêt le groupe de travail international qui, dans la foulée de ce
Sommet, s'efforce en ce moment même de clarifier et de rendre
rapidement opérationnel ce modèle de « trusting organization ».
Si les organisations d'hier s'avèrent peu capables de susciter la
nécessaire confiance des acteurs, acceptons d'imaginer celles que
requerront les défis de demain. Encore faut-il que nous ayons gardé
la capacité de nous étonner et d'accepter les idées venues d'ailleurs.

1. Angel Guria, secrétaire général de l'OCDE ; 10 Juin 2013 à Montréal
2. Un sommet organisé par l'Institut de la confiance dans les organisations (ICO), organisme
québécois réunissant plusieurs éminents responsables publics et privés et dynamiquement
dirigé par Donald Riendeau.
3. En particulier, pour l'Europe, Trust Management Institute ( TMI) , présidé par Jean Luc
Fallou, 65 avenue Kléber ,75016 Paris. http:// www.trust-management-institute.org
4. Vanessa Hall, auteur australienne de nombreux ouvrages sur l'importance de la confiance
au sein des organisations, est considérée comme la promotrice la plus reconnue dans le
monde du « trusting movement ».

Hervé SÉRIEYX

Vice président national de France Bénévolat
http://www.trust-management-institute.org
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