La revue RH&M - N°56 - Janvier 2015 - (Page 37)

teurs à la base de la rédaction du texte. Le premier principe a trait au respect du travailleur : lorsque celui-ci se voit informé de son licenciement, il doit lui être possible de connaître les raisons de la rupture de son contrat de travail. Il s'agit par ailleurs, selon les négociateurs du texte, d'une bonne politique des ressources humaines. Le second principe directeur de la CCT 109 visait à encadrer le droit du licenciement : partant du postulat que le licenciement n'est pas un droit absolu de l'employeur, les rédacteurs du texte de la CCT 109 ont estimé que ce droit ne pouvait être exercé de manière imprudente et disproportionnée. Licenciement manifestement déraisonnable Faisant écho à cette interdiction de licenciement imprudent et disproportionné, il a été décidé que l'employeur devait pouvoir expliquer toute rupture du contrat de travail par l'aptitude ou la conduite du travailleur, ou encore par les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service, à savoir les motifs déjà existants pour les ouvriers. Si l'employeur ne peut expliquer et prouver que le licenciement de l'un des travailleurs est justifié par l'un des critères précédemment énoncés, il est question d'un licenciement manifestement déraisonnable. Il aurait alors pris une décision qui n'aurait jamais été décidée par un employeur normal et raisonnable. Dans le commentaire du texte de la CCT 109, il est précisé que le terme « manifestement » associé au terme « déraisonnable » tend à laisser à l'employeur un certain pouvoir d'appréciation dans la gestion de son personnel et, plus généralement, de son entreprise. Le Juge ne pourrait à cet égard exercer qu'un contrôle marginal dans la mesure où l'employeur doit pouvoir continuer à opérer un choix entre les différentes alternatives de gestion qui s'imposent à lui. Il conviendra toutefois de voir comment les juridictions du travail belges apprécieront, dans les faits, le poids qu'il convient de donner à ce terme de « manifestement » déraisonnable. Il est par ailleurs précisé que le contrôle du caractère déraisonnable du licenciement ne pourra pas porter sur les circonstances du licenciement, mais seulement sur le fait de savoir si la rupture unilatérale du contrat par l'employeur est liée à l'un des motifs repris par la CCT 109. Si le juge devait estimer que le licenciement est manifestement déraisonnable, ceci n'entacherait en tout état de cause pas la validité du licenciement. Le contrat de travail resterait rompu mais le travailleur pourrait postuler, en sus du préavis presté ou de l'indemnité compensatoire de préavis perçue, le paiement d'une indemnité égale, comme précisé ci-dessus, au minimum à trois semaines de rémunération et au maximum à dix-sept semaines de rémunération. L'indemnité maximale est en tout état de cause inférieure à l'indemnité de 6 mois de rémunération qui était applicable dans l'hypothèse du licenciement abusif d'un ouvrier. La question qui se pose en l'espèce est de savoir où les juridictions du travail vont placer le curseur. Il semble difficile de parler de « licenciement manifestement déraisonnable mais de manière modérée », ce qui donnerait lieu à une indemnisation égale à trois semaines de rémunération. A contrario, il paraît autant difficile de parler de « licenciement manifestement déraisonnable de manière très importante »... Les termes sont soit contradictoires, soit redondants. Le praticien du droit social aura tout intérêt à examiner les premières décisions de jurisprudence rendues afin de pouvoir évaluer plus concrètement les risques financiers encourus par un employeur et les chances de succès d'un travailleur. Pas d'obligation automatique de motivation du licenciement La CCT 109 n'implique toutefois pas une obligation automatique de motivation. Par conséquent, si l'employeur n'a pas motivé spontanément la rupture d'un contrat de travail, le travailleur concerné peut demander à l'employeur, par courrier recommandé, dans un délai de deux mois à compter du moment où le contrat prend fin, que celui-ci lui précise les motifs concrets ayant mené à la décision de rompre son contrat de travail. Si l'employeur répond endéans ce délai, il appartiendra à chaque partie de prouver les faits qu'elle allègue. Si le travailleur n'a pas introduit de demande endéans ce délai, il pourra toujours arguer que son licenciement est manifestement déraisonnable mais il en supportera alors la charge de la preuve. La réponse de l'employeur doit contenir les éléments qui permettent au travailleur de connaitre les motifs concrets de son licenciement. A défaut pour l'employeur de répondre au travailleur dans un délai de deux mois, il sera redevable d'une amende civile forfaitaire correspondant à deux semaines de rémunération. Par ailleurs, la charge de la preuve du caractère non déraisonnable du licenciement pèsera alors exclusivement sur l'employeur. Cette amende sera due indépendamment de la question de savoir si le licenciement est, ou non, manifestement déraisonnable et est par ailleurs cumulable avec l'éventuelle indemnité que le travailleur percevrait à ce titre. La CCT 109 constitue une étape décisive dans l'histoire du droit du travail belge et donnera incontestablement lieu à certains débats au sein de la jurisprudence belge, notamment pour la gradation de la sanction en cas de licenciement manifestement déraisonnable. Affaire à suivre donc... LA REVUE RH&M N°56 | JANVIER 2015 | P.37

Table des matières de la publication La revue RH&M - N°56 - Janvier 2015

Couverture
FORCES & IDÉES - D.Gordon-Krief - L’infLuence par Le droit : un atout majeur pour la France
ACTUALITÉ - G.Sarkozy - Osons La santé de demain !
LU POUR VOUS - Jean-Michel Garrigues
SOMMAIRE
TENDANCES RH
LE GRAND ENTRETIEN - Philippe Wahl, Président du groupe LA POSTE : Un Président pour réinventer La Poste
CES DRH QUI RÉINVENTENT L’ENTREPRISE - B.Rain, DGA RH & RSE du Groupe Pernod-Ricard
LES TRANSFORMATIONS DE L’ENTREPRISE - C.Prazuck, DRH Marine Nationale
TÉMOIGNAGE - F. Goux-Baudiment, Le commencement aux Etats-Unis
QUESTION À… K. El karoui, La digitaLisation
ÉTUDE - P-Marie. Argouarc’h, Bonheur et performance en entreprise : sont-ils incompatibles ?
TENDANCES MANAGEMENT
NOUVEAUX MODES DE GOUVERNANCE - C. Tavares, Président du Groupe PSA & Lauréat Trophées Codir 2014
TÉMOIGNAGE - J-Paul. Bailly - Gouvernance, Ressources humaines & performance
TÉMOIGNAGE - X. Collot - L’actionnariat salarié, levier d’efficacité
ÉTUDE - N. Mariotte & P. BenoÎt - Le management à l’épreuve de la bascule numérique
ÉTUDE - F. De Saint-Pierre - Féminisation des instances dirigeantes : quoi de neuf ?
RÉMUNÉRATION & AVANTAGES SOCIAUX - A. Maho - Sodexo, employeur responsable
RH À L’INTERNATIONAL
E. Jahan - Dialogue social européen, le retour ?
C. Engels - Belgique : réforme en profondeur de la motivation du licenciement
L. Deluzet - De la GRH aux politiques de capital humain
RH & RECHERCHES ACADÉMIQUES
Y’A-T-IL ENCORE DE LA PLACE POUR LA PENSÉE STRATÉGIQUE EN ENTREPRISE ? C. Dartiguepeyrou
L’ÉTAT DES RECHERCHE SUR LE BIEN-ÊTRE ORGANISATIONNEL - J.-M. Peretti
CONSEIL EN DROIT SOCIAL - N. Mancret
LE LANGAGE AUX AGUETS - J. Bordeau
CHRONIQUES
DU LEADERSHIP - E.-J. Garcia, Le défi de la vision dans un monde hypercomplexe
DU DUGITAL - D. turcq, Le digitaL, savoir quel tiroir tirer !
DE LA COMPLIANCE - B. Cordier-Palase, Le secret de la réussite de la compliance ? Aligner les comportements
DE LA RSE - P. Bello, Diversité : entre nécessité et conformité
DE L’INNOVATION - S. Brémond-Mookherjee, La contribution du DRH à « l’expérience client », nouvel enjeu du «parcours salarié »
DU FUTUR - F. Goux-Baudiment, Les travailleurs de demain… maîtres ou esclaves ?
AGENDA RH&M
FOCUS - Le cahier RH des Managers
LIBRIS CLUB RH&M
LIBRIS CLUB
L’ÉTAT DE CONNIVENCE - J-Marc. Daniel
REPORTAGE
REPORTAGE DES CODIRS
REPORTAGE DES TROPHÉES DU MIEUX VIVRE EN ENTREPRISE
REPORTAGE DES TROPHÉES C&B
ENTREPRISES
ART DE VIVRE - E. JOB
ART & ENTREPRISE - J.P. LORRIAUX
LES COUPS DE GUEULE - d’H. SÉRIEYX

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