ParaMag - N°375 - Août 2018 - 18

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Par
Yves-Marie Guillaud

LA CHARTE D'ÉTHIQUE
ET DE DÉONTOLOGIE

Vous souvenez-vous de notre exclu du mois dernier, accusé verbalement de sexisme par une école associative de parachutisme qui
l'a exclu sans respecter ses propres statuts ?
N'ayant aucune réponse à ses lettres des 29 mars et 30 avril dans
lesquelles il demandait à être jugé selon les règles statutaires,
il s'est adressé directement à la FFP le 14 mai «pour solliciter votre
aide devant les difficultés pour faire respecter mes droits au sein
de l'association... À ce jour, mes demandes de constitution d'une
commission disciplinaire n'ont pas été entendues».
Cette sollicitation a eu un effet national. Le président de la FFP a
écrit le 19 juin à toutes les structures affilées et/ou agréées : «Suite
à plusieurs faits marquants mettant en cause les principes mêmes
de la Charte d'éthique et de déontologie adoptée par la FFP, il est de
mon devoir de faire quelques rappels, notamment sur le comportement sexiste et le harcèlement sexuel».
Il ajoute : «Il est de votre responsabilité de veiller à l'application de la
Loi et de mettre tout en œuvre afin que tout comportement contraire
aux valeurs d'éthique et de déontologie soit puni». Cette lettre
électronique comporte un lien pour consulter le «Petit Guide
Juridique», 140 pages quand même, du Ministère chargé des
sports de mai 2018.
«Charte d'éthique et de déontologie», de quoi s'agit-il ? En application des dispositions de l'article L.131-15-1 du Code du sport (CS),
le comité directeur de la FFP a adopté le 16 mars 2018 une «Charte
d'éthique et de déontologie», qui n'est pas un règlement disciplinaire, débutant ainsi : «La morale du sport se situe dans le respect
de la règle, des autres et de soi-même». Trois extraits :
Vertus humaines : «Les valeurs du parachutisme font appel aux
vertus humaines de bienveillance, de respect, à l'esprit sportif, aux
valeurs du sport et à la réflexion nécessaire à la responsabilité individuelle et collective pour assurer, dans tous les domaines, la sécurité
de chacun en toutes circonstances».
Valeurs éthiques : «Cette charte fait référence aux valeurs éthiques
fondamentales qui doivent guider les pratiques et les conduites
de toutes personnes impliquées à tous les niveaux du dispositif
fédéral, en inspirant leurs activités au quotidien, avec probité et
sans discrimination».
Valeurs du sport : «Ceci implique que les dirigeants s'appliquent à
eux-mêmes les valeurs du sport et adoptent des règles démocratiques de gouvernance et d'organisation qui favorisent la diffusion,
la compréhension et l'adhésion de tous à ces valeurs».

Août18:375
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Les dirigeants de l'école associative qui ont décidé de l'exclusion
qui fonde la présente réflexion ont-ils enfreint cette Charte ? Précisons en préliminaire pour les esprits chafouins qui ont relevé que la
sanction n'était qu'une «suspension de demande d'adhésion», que
selon la jurisprudence, «refuser à un adhérent le renouvellement de
son adhésion équivaut à une décision d'exclusion».
«La morale du sport se situe dans le respect de la règle» et «Les
dirigeants s'appliquent à eux-mêmes les valeurs du sport et
adoptent des règles démocratiques de fonctionnement et de
gouvernance» expose la Charte. Or de nombreuses violations des
règles émaillent l'exclusion :

n La procédure disciplinaire de l'article 5.2 des statuts de
l'association et des statuts-types-FFP n'a pas été mise en œuvre.
Selon la jurisprudence «Les juges prononcent la nullité de la sanction
lorsque la procédure disciplinaire prévue par les statuts n'a pas été
respectée».
n Selon la jurisprudence, «La décision disciplinaire doit être motivée pour permettre un contrôle juridictionnel». Aucune décision
motivée, donc écrite, n'existe.
n Le droit au procès équitable résultant des dispositions de l'article
6 de la «Convention Européenne des Droits de l'Homme» de 1948
a été bafoué.
L'exclu a reçu une lettre de l'association du 19 juin donnant le motif de la sanction : «Malgré quelques échanges opérés entre vousmême et certains adhérents, scrupuleux du bon ordre et du bon
esprit qui règne, vous n'avez cessé de dénigrer systématiquement
la politique général du comité directeur».
Ainsi, l'accusation orale diffamatoire de sexisme est-elle à juste
titre abandonnée. La sanction n'en devient qu'encore plus illicite
puisqu'elle sanctionne l'exercice d'un droit fondamental : le droit
à la liberté d'expression résultant des articles 18 et 19 de la «Déclaration universelle des droits de l'homme» de 1948, et du «Pacte
international relatif aux droits civiques et politiques» de 1966.
Pour la Cour Européenne de Droits de l'Homme (CEDH), il «constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique,
l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun». Pour le Conseil Constitutionnel, elle est «d'autant
plus précieuse que son existence est une des garanties essentielles
du respect des autres droits et libertés».
On peut donc ajouter 3 autres violations des règles :
n Selon la jurisprudence relative à la liberté d'expression, «Des
écrits contenant des critiques sur la gestion et mettant en cause
la qualité de l'action des dirigeants, dès lors qu'ils ne sont pas
injurieux, ne dépassent pas les limites de la liberté d'expression».
Tel semble être le cas.
n Selon la jurisprudence, «Le membre susceptible d'être sanctionné doit être soumis au jugement de personnes impartiales». Or, ici,
c'est le comité directeur dont la politique est critiquée qui sanctionne l'auteur des critiques, et qui s'érige comme juge et partie.
n Selon la jurisprudence, «La sanction doit être proportionnelle à la
gravité des faits». On peut en douter en l'espèce.
Dans sa lettre du 19 juin à l'exclu, le président de la FFP, après
avoir rappelé la procédure disciplinaire de l'article 5.2, écrit : «Il
appartient au comité directeur de l'école de mettre en place cette
procédure». Un mois plus tard, rien n'a été fait. L'école se fiche
de ce que préconise le président de la FFP. Après les statuts et la
Charte, c'est l'autorité de la FFP qui est bafouée.
Pour l'exclu, trois actions cumulables sont possibles :
n saisir le «Comité chargé de veiller à l'application de la Charte et
au respect des règles d'éthique et de déontologie» de la FFP, prévu
à l'article L.131-15-1 du CS,
n Saisir le CNOSF chargé de veiller au respect de la déontologie du
sport (article L.141-3 du CS),
n Faire une action en Justice contre l'association.
«Ils ne sont forts que parce que nous sommes à genoux» (Discours
de la servitude volontaire, La Boétie, 1576). Le président de la FFP
restera-t-il à genoux devant son école agréée ? n

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