ParaMag - N°374 - Juillet 2018 - 11

Reportage
Par
Yves-Marie Guillaud

UNE EXCLUSION

Nombre de chroniques «Réflexion de l'iconoclaste» ont été inspirées par un évènement concret dont il était possible de tirer une
information ou un enseignement pour l'amélioration de notre microcommunauté parachutiste, ou lorsqu'il touchait un individu isolé
face à un organisme structuré, car «l'avocat est celui qui prête sa
voix à celui qui n'en a plus» (Éric Dupond-Moretti).
C'est le cas d'un membre-adhérent d'une école de parachutisme,
depuis 16 ans, qui y a exercé une activité indépendante rémunérée
de vidéoman, parmi un pool de 3 vidéomen, depuis à peu près
autant de temps. En 2018, les dirigeants de cette école associative
non fiscalisée ont changé le système : les vidéos y sont désormais
aussi, voire prioritairement, réalisées par un ou des salariés.
Ce choix des dirigeants de l'association n'est pas l'objet de la présente réflexion. Le vidéoman concerné exerce désormais son activité ailleurs. Mais, souhaitant continuer à y sauter à titre personnel
et sportif avec ses ami(e)s, il a voulu souscrire, début 2018, une
adhésion annuelle. Cette adhésion lui a été refusée sur ordre du
président et/ou du Comité directeur.
Il semble que lui soient reprochés des propos de nature sexiste.
S'il admet faire des blagues en jouant au macho, ce qu'il n'est pas,
selon les femmes qui le soutiennent, une parachutiste locale a résumé la situation en écrivant publiquement sur son mur Facebook le
6 mai : «Ne pas confondre plaisanterie grivoise et sexisme».
La question n'est pas de déterminer ici si ce qui lui est reproché
est fondé, si la sanction est justifiée, et si la peine est proportionnelle. La question est de déterminer à qui il incombe d'en juger et
selon quelle procédure. Peut-on exclure un adhérent d'une association agréée FFP sans formalité, notamment par le biais du refus
de renouvellement de son adhésion, qui est une forme déguisée et
sournoise d'exclusion ?
Dans les sociétés développées - et l'on espère que notre microsociété parachutiste l'est - la justice est rendue en respectant des
procédures, par des juges indépendants et impartiaux, désignés
pour exercer cette fonction, et en respectant certaines garanties. La
justice n'est pas rendue par la vindicte publique, dans l'arbitraire,
sur un fondement de rumeurs ou pour éliminer quelqu'un.

En pratique, au sein des écoles associatives agréées FFP, ce sont
les statuts qui règlent la question, sur le modèle des statuts-types
imposés par la FFP (AG-FFP du 20 mars 2010), et plus précisément leurs articles 4 et 5 ci-après cités.
«Article 4 - PERTE DE LA QUALITÉ DE MEMBRE : La qualité de
membre...se perd par la démission ou l'exclusion. L'exclusion peut
être prononcée par le Comité Directeur ... dans les conditions de
l'article 5.2 des présents statuts, ... pour tout motif portant atteinte
aux intérêts de l'association, à son fonctionnement ou à la poursuite
de son objet.»
«Article 5 - SANCTIONS DISCIPLINAIRES : avertissement, blâme,
pénalités sportives, pénalités pécuniaires, interdiction de représenter

L'article 5.2 se poursuit ainsi : «Tout membre qui fait l'objet d'une
procédure disciplinaire doit être à même de préparer sa défense
et doit être convoqué devant le Comité directeur ou le Comité de
discipline. Il peut se faire assister par le défenseur de son choix».
C'est le droit au procès équitable.
Concernant l'exclusion, il faut retenir deux choses. Sur le fond,
contrairement aux sept autres sanctions, elle ne peut être prononcée que dans le cadre limité d'une atteinte aux intérêts de l'association, à son fonctionnement ou à la poursuite de son objet. Est-ce
le cas des «plaisanteries grivoises» reprochées ? Sur la forme, les
procédures de l'article 5.2 doivent être respectées.
Dans notre cas étudié, l'exclusion prononcée par le Comité
directeur est illégale, car les procédures de l'article 5.2 ont été
bafouées - c'est un euphémisme puisque de procédure il n'y en a point
eu - et par là le droit au procès équitable. Le Comité directeur est
définitivement disqualifié pour juger, puisqu'il a préjugé et condamné
sans formalité, ce qui lui enlève la qualité de juge indépendant.
S'agissant de juger un membre de l'association depuis 16 ans,
il eût été opportun que le Comité directeur délègue son pouvoir
disciplinaire au Comité de discipline de la FFP (article 5.2), afin de
garantir l'indépendance des juges, tant le présent cas démontre la
difficulté de juger objectivement au sein d'une association où tout le
monde est amis, ennemis, partie prenante, parti pris...
D'ailleurs, ne soyons pas dupes, disent certains, sur l'origine de
l'exclusion : l'exclu serait un farouche contempteur du Comité directeur. Si des poursuites disciplinaires régulières sont engagées dans
le futur contre le vidéoman, le Comité directeur devra déléguer au
Comité de discipline de la FFP.
Rappelons que depuis la réforme des statuts de la FFP et des
Ligues en 2016, le Comité de discipline de la FFP est composé de
deux instances nationales, le Comité de discipline de 1ère instance
(auparavant au sein des Ligues, désormais au niveau national,
président : Yves-Marie Guillaud, avocat, qui se ferait remplacer si ce
Comité avait à juger du cas traité) et le Comité de discipline d'appel
(président : Yves de Boismilon, avocat).
Les statuts-types mériteraient une clarification, et peut-être un
toilettage de leur rédaction, pour exprimer clairement que le refus
de renouvellement d'adhésion est une exclusion, que l'exclusion
ne peut être prononcée que dans un nombre limitatif de cas, et
qu'aucune sanction ne peut être prononcée sans respect de la
procédure de l'article 5.2. Il faudrait aussi réfléchir à l'introduction
d'une obligation, au lieu d'une possibilité, de délégation du pouvoir
disciplinaire au(x) Comité(s) de discipline de la FFP, seuls à même
de garantir un procès équitable ?

«Que votre autorité ne tire sa force, ni de la dureté du commandement, ni de la rigueur du châtiment, mais de la supériorité de votre
sagesse» («Discours de la Morale», Isocrate, 436-338 av. J.-C.),
aurait pu rappeler un avocat de la défense du vidéoman, s'il avait
bénéficié d'un procès équitable. ■

Juillet18:374
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Cette règle est exprimée dans le droit européen, transcrit en droit
français, par la notion de «DROIT AU PROCÈS ÉQUITABLE». Droit
d'être jugé par des juges indépendants et impartiaux, droit d'être
régulièrement convoqué, droit d'avoir accès à son dossier, droit de
se défendre et d'être défendu.

l'association, suspension de l'adhésion, interdiction temporaire ou
définitive de fonctions de dirigeant de l'association, exclusion».
«Article 5.2 : les sanctions sont prononcées par le Comité Directeur
de l'association. Le Comité Directeur peut, toutefois, déléguer son
pouvoir disciplinaire à un organisme fédéral institué à cet effet et
intitulé Comité de discipline.»

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