ParaMag - N°372 - Mai 2018 - 56

Reportage
Par
Yves-Marie Guillaud

LE RENOUVELLEMENT D'AOT
Les avions sont indispensables au parachutisme puisque la quasi-totalité des sauts est réalisée depuis ces machines volantes. Les
base-jump sont d'un nombre très minoritaire en proportion, et les
sauts d'hélicoptères, de montgolfières ou d'autres engins, anecdotiques. La FFP comporte une importante Commission aéronautique,
ce n'est pas un hasard.
Qui dit avion dit piste d'envol. Qu'elle soit en herbe ou en bitume,
en rase campagne ou proche d'une grande ville, avec beaucoup
de bâtiments ou peu, le lieu est un aérodrome. Et les aérodromes
privés sont rares en France, à se demander s'il en existe vraiment.
Tous sont des propriétés de collectivités publiques.
Pendant longtemps, beaucoup ont appartenu à l'État jusqu'à ce
qu'il décide, à l'orée des années 2000, d'en rétrocéder la propriété
aux collectivités locales. Selon les lieux, ce sont des communes,
communautés de communes, Conseils Généraux (départements)
ou autres qui en sont devenues propriétaires, parfois malgré elles
car toutes ne le souhaitaient pas mais l'État le leur a imposé.
Le parachutisme ayant besoin d'avions, donc d'aérodromes, se
trouve ainsi partout confronté à des collectivités territoriales locales
qui ont chacune leur politique autonome résultant des décisions
d'élus locaux. Il n'est donc pas à l'abri de changements de politiques dues à l'élection de nouveaux élus. L'âge d'or d'un État qui
se désintéressait de ses petits aérodromes est définitivement révolu.
Bien plus que le lointain État, les élus locaux ont progressivement
pris en main la gestion de ce patrimoine territorial, puis se sont préoccupés de le rentabiliser au mieux des intérêts collectifs qui leurs
sont confiés et dont ils sont responsables devant leurs électeurs.
Le premier constat, douloureux, c'est que certains ont construit
des hangars ou aménagé des locaux à leurs frais, mais que ceux-ci
appartiennent au propriétaire de terrain sur lequel ils sont construits,
en vertu d'une règle juridique archi-connue et fort ancienne selon
laquelle la propriété d'un terrain entraine la propriété de ce qui est
construit dessus. Bien vu, ceux qui sont sur leur propre terrain.
Si en droit privé celui qui a construit peut demander une indemnité au propriétaire du terrain pour l'accroissement de valeur de
l'ensemble du tènement immobilier qu'apporte la construction, ce
n'est pas le cas en droit public où la collectivité publique récupère la
propriété sans jamais être tenue à une quelconque indemnisation.
C'est ce qui est arrivé par exemple au CERPS de Gap-Tallard qui
a construit et financé son hangar aménagé sur ses fonds propres
en 1987, sans être propriétaire du terrain, ce qui a des conséquences juridiques et financières, on le verra. C'est aussi le cas
d'EPLC (Lyon-Corbas) qui a fait de même avec son club-house, ses
salles de cours et ses aménagements. À l'époque, personne ne s'en
préoccupait...

Mai18:372
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Construction ou pas, l'occupation privative du domaine public
doit être autorisée par l'administration propriétaire, selon l'article
L.2122-1 du Code général de la propriété des personnes publiques :
«Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique ou l'utiliser
dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous.»
Le titre juridique est une «Autorisation d'Occupation Temporaire»,
une AOT. La contrepartie de l'occupation est le paiement par le

bénéficiaire d'une indemnité d'occupation. L'équivalent d'un bail
et d'un loyer, sauf qu'il n'y a pas de droit au renouvellement comme
dans les baux privés. L'administration peut ne pas renouveler l'AOT
sans indemnité, ou en changer le prix ou le titulaire.
La gestion du renouvellement des AOT avait lieu jusqu'ici de gré à
gré dans un accord passant inaperçu et, il faut l'avouer, favorisant
totalement les positions existantes. Une ordonnance d'avril 2017 a
tout bouleversé en créant un nouvel article dans le Code général
de la propriété des personnes publiques : l'article L.2122-1-1 qui
change tout en ne changeant rien, ou presque.
Désormais, «Lorsque le titre mentionné à l'art. L.2122-1 permet à
son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une
exploitation économique, l'autorité compétente organise librement
une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures
de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester.»
Ceci s'appelle un appel d'offres.
Dorénavant, les AOT concédées dans le cas visé, sont et seront
systématiquement renouvelées à chaque échéance dans un cadre
juridique imposant un appel à la concurrence. Le titulaire précédent
pourra se voir évincé sans indemnité, quelle que soit son ancienneté ou son statut, même s'il a financé les constructions.
C'est ce qui a failli se produire à Gap-Tallard où l'AOT a été
renouvelée de justesse au CERPS avec une indemnité d'occupation
multipliée par 5, et à Lille-Bondues avec l'EFP. C'est ce qui se passera à Lyon-Corbas (en 2021) où l'association réalise une incroyable
marge bénéficiaire jusqu'à 30%, ce qui devrait attirer des convoitises, et où il y a des sociétés de tandem et une soufflerie fixe à
proximité, comme à Lille.
Les associations sont-elles protégées par leur statut d'organisme à but non lucratif ? Ce statut devrait-il écarter la procédure
d'appel d'offres à la concurrence de l'article L.2122-1-1 ? L'EFP de
Lille-Bondues a renoncé à le soutenir. Sans doute avec raison.
L'article L.2122-1-1 vise «une exploitation économique» qu'il ne
faut pas confondre avec une exploitation commerciale. Rappelons
qu'en dehors du type de gouvernance, la différence entre une société commerciale et une association est dans le but poursuivi :
répartition des bénéfices aux associés pour la 1ère, réinvestissement
de la marge (nom du bénéfice des associations) pour la 2nde.
Réaliser autour d'un million d'euros de chiffre d'affaires, comme
Gap-Tallard, Lille-Bondues, Lyon-Corbas, et bien d'autres, ne peut
sérieusement pas être considéré comme ne relevant pas d'une exploitation économique. Le fait d'être exonéré, à tort ou à raison, de
la fiscalité commerciale n'a rien à voir avec la notion d'exploitation
économique, le président de Lille-Bondues a raison.
La FFP, via la Ligue, a soutenu l'association EFP de Lille-Bondues
contre un projet commercial parachutiste. Délégataire de l'État,
a-t-elle fonction de prendre-partie et ne devra-t-elle pas à l'avenir
se borner à soutenir les candidatures d'activités paras si elles sont
menacées par des activités non-paras ?
La 4ème école de commerce de France, l'EM Lyon, est une association. Comme quoi les idées reçues et autres affirmations péremptoires qui circulent dans le parachutisme opposant les associations
et les sociétés, qualifiant uniquement ces dernières de «pros», ne
sont pas pertinentes. C'est une question de choix. Peut-être est-ce
l'évolution sociologique du parachutisme qui en est à l'origine... n

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