ParaMag - N°371 - Avril 2018 - 33

L'intervention se déroula comme prévu.
Les jours post-opératoires furent rudes.
Pour ce deuxième séjour, je n'avais plus
aucune appréhension de l'hôpital, j'étais
comme à la maison.
Dix jours après l'opération, j'étais de
retour à temps complet à la Bourbonne
pour reprendre doucement la rééducation. Je retrouvais Romain, d'autres têtes
connues et le staff médical. Philou était
parti la veille. Mon deuxième séjour dura
dix jours et je pus reprendre ma place en
hôpital de jour.
En mai, je touchais au but. J'avais
retrouvé une condition me permettant
de pouvoir poursuivre ma rééducation
dans un centre plus léger. Je quittais la
Bourbonne avec un mélange de joie et
de regret. J'étais content de pouvoir tourner la page pour en écrire une nouvelle,
mais je m'étais habitué à voir tous les
jours les patients, l'équipe, ça allait me
manquer.
Un an est passé depuis l'accident.
J'ai pu reprendre mon travail.
Je continue la rééducation et j'ai bien
récupéré. J'ai interdiction de sauter et je
ne sais pas si un jour j'aurais le droit d'y
retourner, mais l'envie est toujours là.
On doit me réopérer pour enlever
l'arthrodèse (vis et plaques qui renforcent la colonne vertébrale).
Après, ça sera retour en rééducation
pour «prolonger le plaisir».

Apologue

Je totalise quasiment 1200 sauts et ne
pensais pas faire un jour une erreur
aussi bête. D'autant que j'étais d'un naturel prudent, et je prévenais les élèves
de faire très attention à ne pas faire de
virage bas sous peine d'accident grave.
Je m'étais toujours dit qu'à force de sauter, je finirais par me faire une cheville
ou au pire, une fracture de la jambe.
Je ne m'étais jamais imaginé la possibilité de me blesser aussi gravement.

Car je suis travailleur non salarié,
gérant de société. Je suis toujours
surpris lorsque je croise sur les DZ des
pratiquants ou des professionnels qui
sautent sans avoir de prévoyance...!
Chacun sa vision, mais je pense que les
choses n'arrivent jamais par hasard. Je
me serais bien passé de ce qui est arrivé
au niveau physique et j'aurais bien aimé
éviter à ma famille de vivre ce qu'ils ont
vécu, mais humainement cela a été une
expérience incroyable. J'ai rencontré
des gens formidables, j'ai découvert un
monde à part. À la Bourbonne, il y avait
même un coloc qui a perdu une partie
de sa jambe à la suite de l'attaque d'un
requin-tigre à Hawaï. Jamais je n'aurais
cru rencontrer un jour quelqu'un ayant
survécu à une telle attaque.

Photo ci-dessus
Selfie des trois compères jouant au «petit train»
avec leurs fauteuils roulants, dans les couloirs
du centre de rééducation.
Photo ci-dessous
Image prise à l'arrivée à l'hôpital, en sortie d'hélicoptère, elle illustre ici le B.S.B.D. du mot de la fin
de cet article.

Aujourd'hui je peux dire que j'ai rencontré beaucoup de ces statistiques.
Nous sommes tous des statistiques de
quelque chose, cela n'arrive pas qu'aux
autres.
En parachutisme, j'avais une pratique
«pépère», ce qui m'avait déjà valu d'être
chambré par mes potes pour utiliser
une voile plutôt tranquille pour mes 69
kilos : une Safire 3 d'une surface de 119
pieds-carrés. Je suis très content de ne
pas avoir eu une voile plus «énervée»,
sinon je ne serais peut-être plus là aujourd'hui. Je serai rentré dans une toute
autre statistique... ■

En France, le handicap est caché,
comme si c'était un sujet tabou.
Notre société, notre architecture,
notre urbanisme, tout est compliqué
pour les handicapés. Certains pourront
trouver ça bizarre, mais au final je suis
content d'avoir vécu cette expérience.
J'en ressors grandi et je pense que
je ne suis pas le seul.
J'ai été marqué par un point. Lors des
séjours hospitaliers ou en centre de
rééducation, on met des visages sur des
statistiques. Tous les ans en France,
il y a en moyenne 0,05% d'accidents
de parachute (Chiffre des 10 dernières
années de statistiques FFP.), soit 1 accident tous les 2058 sauts, ce qui en soi
n'est rien et j'en fais partie ; il y a plus de
13 000 blessés dans des accidents de
moto, dont moins de la moitié sont hospitalisés, Philou, Romain, Géraldine...
en font partie ; 150 000 AVC dont une
bonne dizaine était à la Bourbonne ;
4,5 millions de personnes sont victimes
d'accidents domestiques dont 20 000
sont mortels. On en entend parler dans
les journaux, à la télé, mais sans y être
vraiment confrontés.

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Avril18:371
paramag.fr

Nous sommes tous drogués au sport
et avons du mal à voir nos limites. Sur
les images de ma vidéo embarquée,
la séquence de l'accident ne dure que
quelques secondes. Ce jour-là j'ai compris comment faisaient les gens qui s'endorment au volant. Je m'étais toujours

Heureusement aussi, j'avais souscrit une
assurance «prévoyance complémentaire
santé» qui m'a permis d'être couvert
face à la perte de revenus que je subissais.

REX

Le jour de repartir à Toulon arriva très
vite. Ça me faisait très bizarre de devoir
repartir maintenant que la famille était
au complet et que j'avais récupéré une
relative bonne condition physique. Je
marchais sans béquilles, j'étais bien.

demandé comment cela était possible.
Je suis conscient de la chance que j'ai
eue tant dans l'accident que dans la
prise en charge. Je pense sincèrement
avoir eu un ange gardien ce jour-là. J'ai
eu beaucoup de chance de tomber sur
le chirurgien que j'ai eu. Quand on a un
accident, on ne choisit pas qui est de
garde et selon sur qui on tombe, l'issue
peut être différente. J'ai eu énormément
de chance d'être aussi bien entouré,
ma famille a été un moteur et si j'en
suis là où j'en suis aujourd'hui c'est aussi
grâce à eux.

colonne, raboter la vertèbre, mettre un
implant en titane à la place, remettre les
organes, le poumon, refermer.

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