ParaMag - N°369 - Février 2018 - 12

Par
Yves-Marie Guillaud

LA "NON-CHUTE PAS LIBRE"

«Dans chute libre, il y a libre», était-il écrit en conclusion de la précédente chronique iconoclaste*. Est-on libre dans les quelques
mètres de diamètre et de hauteur du tube en verre d'une soufflerie ?
Bizarre idée de la liberté, tout de même !

Février18:369
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On pourrait même admettre que l'emploi incorrect du terme «parachutisme» pour la soufflerie participe de cette stratégie, ainsi que
l'implication, pourtant relative, de tout le parachutisme invoquée
par le président David Roth dans le dossier de présentation de la
candidature pour les JO*.

Dans «chute libre», il y a également chute. Une chute désigne un
mouvement vers le sol, selon les dictionnaires, le sens commun
et le bon sens. Les spectateurs massés autour du tube voient des
chuteurs qui restent à leur niveau. La soufflerie reproduit le vent de
la chute, mais sans chute.

L'enjeu politique est de taille. Qui imaginait en 1998 que le kitesurf représenterait 13.000 licenciés FFVL en 2016 ? Combien de
licenciés de vol en soufflerie dans 20 ans ? Et surtout, combien
de doubles appartenances soufflerie-avion chez les compétiteurs
quand on voit qu'aujourd'hui déjà la soufflerie est un lieu d'entraînement obligé pour les disciplines en chute du parachutisme ?

Quant à affirmer que la soufflerie-chute-libre est du parachutisme,
comme le font certains zélateurs salariés des souffleries, c'est oublier que les mots ont un sens et que le préfixe «para» (dans son
acception venant du latin «paro» -parer-, et non dans celle venant
du grec «para» -à côté de-) ne s'emploie que devant un substantif :
parachute, parapluie, paratonnerre, parasol, paravent...

Quel pataquès si pour s'entraîner en soufflerie les équipes de France
de la FFP devaient souscrire une licence d'une autre fédération, qui
aurait ses propres équipes de France ! Problème identique pour les
parachutistes de loisir qui s'entraînent en soufflerie. Les mêmes qui
gémissent de voir la FFP tant s'investir dans la soufflerie hurleraient
leurs critiques. L'exemple du kite fait frémir....

Pas libre et pas de chute : la soufflerie, c'est donc de la «non-chutepas-libre». On comprend que le marketing préfère exploiter le rêve
que provoquent les termes «chute libre» ou faire croire à du parachutisme. Louée soit la FFP qui emploie le terme «vol en soufflerie», quoique la quasi obsession qu'y provoque l'idée d'olympisme
brouille quelque peu les esprits*..

Nous, parachutistes, devons donc soutenir la FFP dans l'intégration
du vol en soufflerie, même si l'AG de la FFP n'a jamais été consultée,
alors que la décision de l'intégrer ou non lui revenait, quand bien
même le Ministère le souhaitait vraisemblablement. Avec l'espoir
que le vol en soufflerie restera complémentaire du saut, sans le
remplacer, comme l'escalade en salle avec celle en milieu naturel*.

Chicaneries d'une totale inanité que ces pinaillages sur la dénomination d'un phénomène qui se développe à grande vitesse ? Peutêtre, mais pas seulement si l'on se place au plan institutionnel qui
est inévitable dans un cadre olympique. Car pour participer à une
compétition à l'issue de laquelle sont délivrés des titres nationaux
ou internationaux, il faut être licencié, Jeux Olympiques compris.

La délégation du Ministère impose de fait à la FFP, comme toute
délégation sportive, de créer les règles et règlements du sport considéré, d'organiser les compétitions délivrant les titres nationaux et
de participer aux compétitions internationales. La dynamique de la
candidature à l'olympisme permet de justifier au Ministère la pertinence du choix de la FFP pour assumer ce sport nouveau.

À quelle fédération le Ministère doit-il déléguer la délivrance de licences de vol en soufflerie ? La question n'est pas anodine au vu
de à la bagarre provoquée par la FFV (voile) pour arracher à la FFVL
(vol libre) la délégation concernant le «cerf-volant de traction sur
eau», le kite nautique, jugée par le Conseil d'État (CE), plus haute
juridiction de la justice administrative française.

Cependant, ici comme ailleurs, tout est question de mesure et surtout d'équilibre. Il ne faut pas déshabiller Pierre pour habiller Paul,
dit la maxime. Les parachutistes ont le sentiment que la FFP les
délaisse et ne s'intéresse plus qu'à la soufflerie, obnubilée et grisée
par son rêve d'olympisme. C'est très mauvais car un clash définitif
peut en résulter au sein de la FFP, entre parachutisme et soufflerie.

Devant le CE, la FFV arguait d'éléments de similitude et de points
communs entre la voile et le kite nautique (terrain d'évolution,
mode de propulsion, maîtrise du vent, maniement de l'aile) pour
demander l'annulation des arrêtés du Ministère des sports du 31
décembre 2012 ayant renouvelé la délégation à la FFVL pour tout le
kite. Par arrêt du 5 mars 2014, le CE a rejeté la demande de la FFV.

C'est la 2ème fois que la FFP doit gérer la création d'un nouveau
sport. La 1ère fois, c'était l'apparition du parapente au début des
années 80. Au sein de la FFP, certains l'ont considéré et traité
comme un sport secondaire, une activité mineure par rapport à la
chevalerie des initiés au passage de la porte d'un avion. Résultat :
la FFVL a remporté la délégation du parapente.

Fin de la guerre ? La FFV n'a pas désarmé et a obtenu un revirement
du Ministère qui, par arrêté du 31 décembre 2016, a retiré la délégation à la FFVL pour le kite nautique qu'elle détenait depuis l'apparition du kite à la fin des années 90. Trésor de guerre : les 13.000
licenciés du kite dont beaucoup sont passés de la FFVL à la FFV.

Il ne faut pas croire que c'était inévitable et naturel comme le laisse
penser l'habitude actuelle : la FFP aurait pu l'emporter à l'époque.
Cependant, si la pratique simultanée du parachutisme et du parapente résulte d'un choix personnel, il n'en est pas de même avec
la soufflerie où il y a une extrême porosité de pratiquants et de techniques, hors baptêmes ou découvertes.

La FFVL a conservé la délégation ministérielle pour les autres formes
de pratique de kite que le kite nautique qui a seul transité de la
FFVL à la FFV. Sans entrer dans le détail, ceux qui pratiquent en compétition le kite sur neige en hiver et le kite sur eau en été, par exemple,
dépendent de deux fédérations différentes. Ah c'est pratique... !
Dans ce type de contexte, chaque mot vaut son pesant d'or.
Si le terme «vol en soufflerie» a la préférence du linguiste, on peut
admettre qu'il oriente vers la notion de vol, donc vers la FFVL
qui pourrait y trouver l'occasion de se refaire de la perte du kite
nautique, alors que «chute libre intérieure» (pour franciser le terme
indoor*) oriente plus vers le parachutisme, donc vers la FFP.

Après réflexion, soutenons la FFP, ce qui autorisera les parachutistes à exiger que le parachutisme ne soit pas délaissé. Puissent
nos dirigeants, qu'une longue présence à la tête de la FFP (plus de
12 ans) peut avoir isolés, entendre la voix des parachutistes de la
base qui les ont élus via leurs associations, moins via leurs sociétés
commerciales. Mais ceci est un autre débat. n

*Voir chronique iconoclaste du mois dernier.

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