ParaMag - N°360 - Mai 2017 - 51

Pour cette nouvelle cascade, pour
laquelle l'équipe parachutiste faisait
cette fois uniquement partie du plan B,
Patrick de Gayardon et moi retrouvions
les mêmes postes qu'avant.
Et c'est Jacques Malnuit qui était en
charge d'aller le récupérer. Alain et
Jacques avaient tissé des liens depuis
le saut en moto du tremplin à ski pour
lequel Jacques lui avait fabriqué un
parachute ralentisseur en cas de gamelle.
Jacques Malnuit devait être aussi
impliqué dans le projet du 38 000.

La mort d'Alain Prieur

Cette dissymétrie engendre une rotation.
Alain se met à tournoyer lentement sur
lui-même, pendu à ses deux cordes qui
se twistent. Le second planeur est à
moins de 5 mètres derrière Prieur, prêt
à le réceptionner, mais c'est impossible
tant que Prieur tourne ainsi.
Comme prévu, à 2 500 mètres le pilote
du second planeur taille la route.
Prieur n'a plus qu'une solution : partir en
chute pour se faire récupérer.
Mais il hésite. Dans le Pil, Jacques a les
pieds dans les starting-blocks.
Je l'entends crier nerveusement «Vas-y,
mais vas-y !!!» Que se passe-t-il dans la
tête de Prieur pour qu'il ne lâche pas.
On ne le saura jamais.

Mais, durant la phase d'ouverture,
la traction exercée sur l'unique mousqueton est importante. Celui-ci se met
de biais sur l'anneau au point de vriller
le capot de verrouillage. Le mousqueton
est éjecté de l'anneau et Prieur glisse
entre les bras de Jacques qui tentait de
le serrer pour soulager la traction sur
son seul point d'attache.
Je viens juste d'ouvrir ma voile après une
très courte dérive. En regardant en bas,
je vois Prieur les bras en croix dans
sa combinaison blanche, impacté
au beau milieu d'un champ de terre.
Pendu au bout de ses cordes,
son hésitation l'a tué, lui qui tant de fois
n'avait jamais hésité.
Ces dernières images d'Alain, je les
aurai toujours en tête. Mais aujourd'hui,
quand je pense à lui, mon esprit retrouve
surtout les sensations vécues en terre
africaine pour cette belle et incroyable
aventure au style des années 80 avec le
ronronnement des caméras 16mm.
Quel souvenir !
Alain Prieur est toujours le seul à avoir
effectué avec succès 7 sauts sans
parachute. Hommage à lui ! n

Dans le Pil, la tension est au plus haut.
Nous sommes tous prêts à bondir,
et Jacques d'autant plus. Prieur ne lâche
toujours pas. Dans son tournoiement,
il tourne la tête vers le Pil et nous regarde,
toujours hésitant. Lorsqu'il lâche, nous
sommes à 1 600 mètres... il faut que ça
aille vite ! Jacques se retrouve sur Prieur
en 5 secondes, à peine plus.
À environ 1 200 mètres, Prieur peut
commencer l'accrochage, c'est limite,
mais ça devrait le faire. Il entreprend la
procédure comme il l'avait déjà fait 7
fois, méthodiquement. Mais dû à l'utilisation d'un parachute tandem, le coup de
main pour engager le mousqueton sur
son anneau est différent. Prieur n'arrive
pas à crocheter. Nous sommes en dessous
de 1 000 mètres et Prieur n'est toujours
pas accroché. Patrick de Gayardon vient
d'intervenir en prenant les épaules des

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La vie d'Alain Prieur fut jonchée de moments
d'angoisse, de pression mais aussi de forte
exaltation, comme ici au Burkina Faso,
après l'un de ses sauts sans parachute.
Photo Alain Ernoult/Ernoult.com

Mai17:360
paramag.fr

Pour une éventuelle récupération en
chute, l'accrochage d'Alain devait être
modifié dans son concept. Si Alain
devait passer au plan B faute de pouvoir
monter sur l'autre planeur, logiquement
il ne serait plus très haut. En effet, avec
quelqu'un pendu dessous, un planeur
perd vite sa finesse et de la hauteur.
Pas question non plus que le planeur
se pose avec Alain pendu dessous.
Il se serait tué. Pour la récupération
d'Alain avec le second planeur, une altitude
limite fut fixée. Si à 2 500 mètres il n'était
pas assis sur la carlingue du planeur,
le pilote dégageait et laisser l'espace
libre pour que Prieur lâche ses jumars,
et parte en chute pour se faire récupérer.

Les deux planeurs volant en formation
sillonnent le ciel à environ 3 500 mètres
au-dessus de l'aérodrome de Sisteron,
dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Un Pilatus se joint à la formation des
deux planeurs avec à son bord Jacques
Malnuit équipé du parachute tandem,
Patrick de Gayardon en appui pour la
sécurité avec un parachute tandem
également, et moi-même pour les
images avec une caméra 16mm
et un appareil photo. Porte du Pilatus
ouverte, l'équipe parachutiste est prête
à intervenir lorsque Prieur commence
à descendre le long des cordes avec
ses jumars. Il arrive au bout des cordes,
mais avec une certaine différence de
hauteur entre le jumar gauche et droit.

deux hommes pour les rapprocher et
faciliter ainsi l'accrochage. Rien n'y fait.
Jacques enlève le mousqueton de la
main de Prieur et va droit au but.
En même temps il sait qu'il n'y a plus
de temps pour accrocher le deuxième.
Jacques décide d'ouvrir sa voile de
secours directement en espérant qu'un
seul crochet suffise, et ça devrait suffire.

FLASH BACK

Pour «l'appontage», pendu à ses cordes,
Alain devait être face à la ligne de vol,
présentant ses fesses au second planeur
venant de derrière. Une fois assis sur la
carlingue du second planeur, il lui fallait
lâcher les cordes, enfiler le parachute
et sauter. S'il y avait un problème quelconque venant empêcher «l'appontage»,
Alain devait partir en chute pour être
récupéré dans des conditions différentes
que celles de ses 7 sauts sans
parachute.

Mais avec un éventuel départ en chute
à 2500 mètres, la méthode utilisée
précédemment pour les 7 sauts sans
parachute de Prieur aurait été trop
longue. Pour aller plus vite, et en gardant
toutefois le même harnais avec
élévateurs et mousquetons velcrotés sur
la combi, Prieur s'accrocherait directement aux anneaux du passager sur
un parachute tandem utilisé par
Jacques Malnuit.

>

Après Saint-Nizier, nous n'entendions
plus trop parler d'Alain Prieur.
Puis un jour au début du printemps
1991, il appela. Il avait prévu une
nouvelle cascade aérienne, passer d'un
planeur à un autre sans parachute.
Après être sorti du cockpit, Alain devait
se laisser descendre d'une dizaine de
mètres sous le planeur avec l'aide de
deux jumars, l'un coulissant sur une
corde à droite et l'autre sur une corde à
gauche. Pendant ce temps, un second
planeur monoplace était en approche
afin «d'apponter» Alain, une fois qu'il
serait en bout de corde. Sur ce second
planeur, après la verrière et sur la carlingue
entre les deux ailes, un parachute était
fixé de façon à ce qu'il soit aisé pour
Alain de l'enfiler après son transfert entre
les deux planeurs. Une fois équipé, Alain
sautait du second planeur, chutait un
peu, ouvrait sa voile principale
et se posait vainqueur.
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