ParaMag - n°357 - Février 2017 - 36

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DOSSIER

"Ceux qui arrivent à mettre en cage le
lion de la peur prennent conscience que
le parachutisme, c'est bien plus que
«sauter d'un avion»".
Largages individuels depuis le Pilatus,
dans le ciel de Maubeuge.
Photo Antoine Alacusos

La phase de «déstress» est une conséquence inattendue, mais certainement
pas vide de sens, lorsque Patrick Passe
dit qu'elle «répond finalement à notre
nature humaine». Une phrase qui la
caractérise bien comme un bénéfice
secondaire.

Pourquoi l'image de ces sports véhiculet-elle tant de fantasmes dans l'inconscient collectif ? Bien connu chez les
pratiquants, il existe un adage tribal qui
dit que : «Seuls les parachutistes savent
pourquoi les oiseaux chantent»
(N.D.L.R. : voir Édito en début de ce
magazine). Il est d'usage de dire que
seuls les pratiquants peuvent comprendre ou tout au moins appréhender
à minima ce qui se produit dans l'esprit
des parachutistes lorsqu'ils s'extraient
volontairement d'un avion en plein vol.
Rien n'est moins sûr.

Pourquoi choisir
le parachutisme ?
Une partie de la réponse est avancée
par les études «psychologistes», les
théories génétiques et darwiniennes.
Seulement voilà, chercher à "statistiser"
les comportements humains est souvent
dangereux. Cela réduit le sujet humain à
un comportement de masse qui pourrait
faire oublier la singularité de chacun
d'entre nous.
Lorsque l'on s'appuie exclusivement sur
la biologie, la réponse à la question devient stéréotypée et dictée plus par l'histoire de l'homme que par l'histoire de
chacun. L'angoisse, parfois caractérisée
comme du «stress», est un facteur déterminant dans notre relation à la mort.

Février17:357
paramag.fr

D'après ces études, la façon dont nous
appréhendons l'alternance des phases
de stress et de déstress durant les sauts
pourrait être un héritage de nos ancêtres
préhistoriques.
L'homme chassait, pour se nourrir, pour
survivre, par nécessité. Le stress qu'il vivait en terrassant des bêtes sauvages
était lié à sa mise en danger. Pour
l'homme de Neandertal, dont l'espé-

rance de vie n'excédait pas 35 ans, la
vie elle-même était une mise en danger.
Manger pour survivre, se vêtir pour survivre, se battre pour survivre. Pour
l'homme de Neandertal, peut-on vraiment parler de période de «déstress»
comme celles que l'on écrit à propos des
parachutistes ?
Sans se baser sur les statistiques, il est
pourtant évident que la façon dont nous
appréhendons le danger relève de l'instinct de survie. Un instinct archaïque
très probablement forgé dès l'aube de
l'humanité et transmis de génération en
génération.
Dans ces temps reculés, l'homme qui ne
chassait pas mourait. Nous descendons
tous des chasseurs, nous sommes tous
dotés d'un instinct de préservation, mais
nous ne sommes pas tous parachutistes.

S'il n'est pas question de faire fi de
l'héritage génétique, la question
(pourquoi le parachutisme ?) peut se
poser autrement qu'en des termes
biologiques. Ce changement de point de
vue, loin d'être opposé à la biologie,
en est plutôt complémentaire.

Le risque de mort
Yves-Marie Guillaud, ici même dans
ParaMag, a ouvert une brèche dans
notre réflexion (2). Il met courageusement en perspective la question de la
prise de risque et plus profondément
encore celle des raisons fondamentales
qui nous poussent «vers une activité [...]
présentant par nature un risque de
mort.» Voilà qui concerne tous les
parachutistes.
C'est cette question que nous allons
placer sous un éclairage psychanalytique. Essayons de ne pas détourner
le regard... Parler de la mort peut aider à
préserver la vie, la nôtre en l'occurrence,
mais aussi celle des autres.

C'est avec l'avènement du monde
moderne que l'homme (socialement
et économiquement intégré) a pu
s'installer dans une routine où la
perspective de mourir ne se présente
plus guère qu'avec la réalité de la mort
d'un autre (maladie, accidents..., etc.)
ou dans les contextes de guerre.
Dans l'article où Patrick Passe (1) met
en évidence l'alternance de phases de
stress et de déstress inhérente aux
sauts, il souligne sans la nommer
la recherche inconsciente d'un état
de quiétude retrouvé de la part
des parachutistes.
Bien que cet état soit très recherché par
ces derniers, il n'est pas pour autant une
motivation primaire (originelle) de la pratique. Si vous n'avez du parachutisme
que l'image stéréotypée que l'on en
donne, vous irez plus probablement faire
du yoga plutôt que du parachutisme
pour vous détendre.

"La chute d'Icare", tableau grand
format réalisé en 1636 par Jacob
Peter Gowy, à partir d'une esquisse
de Rubens.
Musée du Prado, à Madrid.

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