ParaMag - n°347 - Avril 2016 - 17

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LA REQUALIFICATION D'UN
«TRAVAILLEUR INDÉPENDANT»
EN SALARIÉ
Avis de risque de tempête sur les écoles de parachutisme,
associatives et commerciales, en raison de l'arrêt de la Cour d'appel
de Chambéry du 23 février 2016 dans l'affaire M.../Cavok.
Résumé des faits : en 2009, M... a réalisé un saut en tandem à
Lapalisse avec son propre parachute et une passagère cliente de la
société Cavok. Ouverture du secours, mise en miroir des deux
voiles, blessures à l'atterrissage. Par arrêt du 25 novembre 2015, la
Cour d'appel de Riom (chambre pénale) l'a déclaré civilement
responsable des dommages causés à sa passagère.

Dans cet arrêt, la Cour a jugé que M... «exerçait son activité
comme moniteur indépendant, justifiait d'une assurance à ce titre
ainsi que d'un numéro d'agrément délivré par la Direction
départementale de jeunesse et sports de Chambéry».
Mieux, l'arrêt a retenu que «Lors de sa première audition, il se
déclarait éducateur sportif parachutiste comme exerçant en qualité
de formateur éducateur sportif «en indépendant» auprès du club
de Lapalisse mais aussi en tant que parachutiste professionnel
exerçant à Colmar. À aucun moment il ne fait état d'un contrat de
travail ou d'un lien de subordination entre lui et la société Cavok».
Cependant, par arrêt du 23 février 2016, la Cour d'appel de
Chambéry (chambre sociale) «retient que M..., bien que travailleur
indépendant, intervenait au sein de la société Cavok dans un
service organisé et respectait les instructions et directives précises
de l'entreprise ; qu'il se trouvait ainsi dans un lien de
subordination». Donc «il était lié à la société Cavok par un contrat
de travail».
La Cour d'appel de Chambéry s'est fondée sur les pièces fournies
par Cavok : «fiche d'inscription client, licence/assurance
«passeport découverte» sur lequel apparait le numéro attribué à la
société par la FFP, factures émises au nom de M..., liste des noms
des stagiaires ayant effectué les sauts concernés par les factures
avec mention du prix des sauts», ainsi que sur des témoignages de
clients.

Déjà en mai 2013, l'iconoclaste écrivait, suite à une lettre de
l'URSSAF de Grenoble du 20 mars 2013 en réponse à une question
d'un parachutiste professionnel : «Il est clair que l'usage par une

structure d'un travailleur indépendant pour réaliser des tâches
destinées à ses «clients» la met dans une situation dangereuse visà-vis de l'URSSAF, du droit du travail et du droit pénal.»
Encore en décembre 2013, l'iconoclaste rappelait «l'article L.120-3
du Code du travail : l'existence d'un contrat de travail peut être
établi lorsque les personnes... fournissent... des prestations...
dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination
juridique permanente.»
«Le lien de subordination est défini par la Cour de
Cassation : l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur
qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en
contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son
subordonné. Critères jurisprudentiels : se soumettre à un
règlement, à des horaires et aux instructions de la direction.»
La conclusion de la chronique iconoclaste de mai 2013 était la
suivante : «Tant qu'il n'y a pas de contrôle ou d'accident, ça
fonctionne très bien...».
Il peut paraître étrange que M... puisse se déclarer travailleur
indépendant à Riom et se voir reconnaître salarié à Chambéry. C'est
parce que le statut social d'une personne est d'ordre public, ce qui
exclut la volonté des parties, et que seules les conditions de fait
dans lesquelles est exercée l'activité permettent de déterminer sa
nature salariale ou non.
La question n'était donc pas de savoir ce que M... et Cavok avaient
convenu, ni ce que l'un et l'autre déclaraient, mais ce que les faits
révélaient. M... a profité d'une faille.
Maintenant, la tendance est nette : les travailleurs indépendants
s'occupant des clients d'une école ont toutes les chances de
bénéficier d'une requalification en salariés sur la base de la
jurisprudence Cavok. C'est vrai aussi bien dans une école
associative que dans une école commerciale. C'est vrai aussi bien
pour les tandems que pour les élèves, la vidéo ou les pliages.
En revanche, le cas du travailleur indépendant ne traitant que ses
propres clients à l'exclusion de ceux de l'école n'est pas tranché.
Avec un avion qui n'est pas en libre-service et des sauts sous
l'autorité du DT au sein d'une structure organisée, un lien de
subordination pourrait être retenu. On ne le saura pas avant qu'une
demande de requalification dans cette configuration soit jugée.
Mais on peut être pessimiste.
Les travailleurs indépendants pourraient disparaître des écoles et
DZ. Seuls subsisteraient les vrais indépendants, ceux qui ont leur
propre structure. Le marché du tandem pourrait en être bouleversé,
et indirectement le secteur du parachutisme sportif.
On pouvait lire dans la chronique iconoclaste de septembre 2013 à
propos d'Empuria: «Kuri (le nouveau directeur) a déclaré : «Pour ce
qui est des moniteurs, pilotes tandem, videomen, et plieurs, nous
souhaitons à terme que tout le monde devienne travailleur
indépendant, et non plus salarié».
L'iconoclaste concluait : «À l'heure où en France la pression de
l'URSSAF et les procédures devant les Conseils de Prud'hommes
risquent bien de transformer nombre de travailleurs indépendants
en salariés pour respecter le Code du Travail, Skydive Empuria a la
liberté de choisir le chemin inverse».
«Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà» (Blaise Pascal).
En France, on réglemente tout et on ne résout rien. ■

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Elle en déduit :
■ «que le planning des interventions de M... était fixé par
l'entreprise (dates, horaires et durée des sauts),
■ Que la clientèle contractait directement avec la société
(inscription avec signature du contrat, fourniture certificat médical,
désignation du moniteur par l'entreprise elle-même),
■ Que les sauts étaient réalisés grâce aux moyens matériels et
humains de l'entreprise (aéronef, hangar, secrétariat, M...
fournissant simplement le parachute comme il est d'usage dans
la profession),
■ Que la société fixait unilatéralement le tarif des sauts
(prix identique et forfaitaire pour chaque moniteur),
■ Que l'entreprise contrôlait le bon déroulement des prestations
et encadrait les moniteurs,
■ Que la société disposait d'un pouvoir de sanction, en particulier par
le biais de l'exclusion du moniteur n'ayant pas donné satisfaction.»

Par Yves-Marie Guillaud

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