ParaMag - n°346 - Mars 2016 - 31

ffp_346_Couv 01/03/2016 16:22 Page 10

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LES NON-LICENCIÉS

L'an dernier à Strasbourg, le colloque technique a été un échec, au
point qu'a été diagnostiquée ici «une fossilisation de la pensée».
Cette année à Talmont, la FFP a montré une étonnante capacité à
corriger ce qui n'allait pas. Les dirigeants et cadres techniques ont
écouté les participants avec une certaine humilité, preuve que la
FFP a encore des ressources.
Lors de la discussion libre du samedi matin a été posée une
question pertinente sur les conséquences du retrait hors FFP de
l'école de Péronne pour les pratiquants : qui pourra sauter chez
qui : les non-licenciés dans les écoles agréées, les licenciés dans
les écoles non agréées ?
Au-delà des structures et de l'encadrement (Péronne, FFP, GEPP,
BEES-BPJEPS...), le sort des pratiquants est plus fondamental.
Derrière les intérêts financiers, il y a des élèves et des pratiquants.
Certains auront des brevets-Péronne mais pas de brevets-FFP et
seront assurés AMTI mais pas assurés FFP. Pourront-ils sauter hors
de Péronne ? Et les licenciés FFP sauter à Péronne ?

D'après les dirigeants de Péronne, les autres membres du GEPP
devraient reconnaitre les brevets-Péronne. Confirmation par OJB,
président du GEPP, sur Facebook le 7 février : à la question
«Toujours pas de licence au saut ou à la journée ?», il a répondu
«Maintenant, il est possible de prendre juste une assurance et pas
de licence mais c'est quand même à l'année».
La pratique du sport est un droit et une liberté que la loi ne peut pas
soumettre à la souscription d'une licence fédérale, obligatoire
uniquement pour pratiquer la compétition. La seule obligation
concerne les établissements sportifs qui doivent assurer ou faire
assurer leurs pratiquants. Obligation remplie soit via une licenceassurance fédérale, soit directement auprès d'un assureur.
En revanche, les écoles agréées FFP se soumettent volontairement
à la réglementation FFP en signant la Charte des écoles qui stipule
que «L'école s'engage à respecter la présente charte», et que
«Toute école agréée est tenue de veiller à ce que l'ensemble des
pratiquants, sans exception, soient titulaires d'une licence
fédérale.» (articles 2.2.1 et 2.1.2.1).
Faut-il respecter sa signature et ses engagements ? Oui ? Mais une
règle ne vaut que par sa sanction, sinon elle n'est qu'un vœux
pieux. Sanction du non-respect de la Charte : le retrait de
l'agrément. C'est une arme risquée car la FFP au mieux y perdrait une
école, au pire créerait une brèche par où d'autres écoles pourraient
s'engouffrer. Elle n'a jamais osé l'utiliser, alors elle procrastine.
Quelle est la validité des brevets-Péronne au sein d'une école
agréée FFP ? La réponse n'est pas dans la Charte impunément
violée. Hors la Charte, rien ne s'oppose à ce qu'une école juge le
niveau technique d'un pratiquant à l'aulne d'autres critères que les
brevets-FFP. Les pratiquants brevetés-Péronne pourraient donc y
être acceptés si leur assurance les couvre.

D'où le risque d'être jugées à l'aulne des règles fédérales, surtout
celles ayant trait à la sécurité, en raison de la délégation de puissance

publique conférée par l'État aux fédérations «délégataires». Les
écoles hors FFP peuvent-elles donc s'affranchir totalement des
règles techniques fédérales ?
Illustration avec le tableau des surfaces de voiles. En cas
d'accident avec une voile plus petite que ne l'autorise le tableau
fédéral, l'école hors FFP, non tenue par les règles fédérales, pourrait
être jugée en fonction desdites règles. Les écoles hors FFP risquent
d'avoir à appliquer... les règles fédérales !!!
Démonstration à Talmont : un gérant-DT d'une école membre du
GEPP a demandé que le nouveau tableau des surfaces de voiles
soit publié rapidement par la FFP par crainte de nouveaux
accidents dans l'intervalle. De l'art de s'abriter derrière les règles
fédérales quand ça protège (y compris d'avoir à imposer une
contrainte impopulaire) et de s'en affranchir quand ça profite.
Les brevets-Péronne seront-ils un copié-collé des brevets-FFP ? Ce
serait curieux, car leur complexité est critiquée par Péronne
(Paramag 345). Ce serait contradictoire avec l'indépendance
revendiquée vis-à-vis de la FFP. Seront-ils imités mais différents ? Ils
devront être fort bien conçus pour être judiciairement crédibles. «Il
est plus facile de critiquer que d'imiter» (Zeuxis, 464-398 avant JC).
Autre bémol : la responsabilité civile des écoles agréées FFP est
souvent assurée par l'assurance fédérale qui soumet sa garantie au
respect des règles fédérales. Pour éviter un risque de refus de
garantie en cas de sinistre hors règles fédérales, elles seraient
avisées d'envisager de souscrire une assurance complémentaire,
ou au moins de demander une consultation écrite à un assureur.
En sens inverse, un licencié FFP peut-il sauter à Péronne ? Rien ne
s'y oppose si Péronne reconnaît les brevets-FFP. Mais l'assurance
FFP stipule que «La garantie (RC) est subordonnée à la pratique
des activités dans le cadre de structures affiliées et/ou agréées FFP.
Les garanties sont étendues aux activités pratiquées en dehors de
ces structures pour les titulaires du brevet B...» (article 3.1).
Seuls les licenciés titulaires du brevet B (ou plus) sont assurés pour
sauter à Péronne. Les autres doivent souscrire une assurance
complémentaire auprès d'un autre assureur, AMTI éventuellement,
mais ils payent ainsi deux assurances annuelles qui se
chevauchent.
On s'aperçoit que la difficulté principale provoquée par les
échanges de pratiquants est relative aux assurances, et à la
responsabilité pénale. Pas à la Charte des écoles dont personne ne
se soucie, tant il semble qu'au sein des écoles et DZ agréées FFP,
et même au sein de la FFP, chacun applique la réglementation
fédérale quelque peu à sa guise en fonction de ses intérêts et
contraintes propres.
Devant une possible pagaille si des brevets divers se multiplient,
l'État pourrait décider d'édicter lui-même les règles applicables par
tous. Et si renaissait le brevet de parachutiste sportif (BPS) délivré
par l'Aviation Civile (DGAC) supprimé en 1972 ? Un sénateur, Xavier
Dugoin, l'avait proposé en 1997 au Ministre chargé de l'Aviation
Civile. Amusant signe de modernité qu'un retour 44 ans en arrière !
Le parachutisme redeviendrait une activité aéronautique avec
brevets privés et pros de la DGAC, et la FFP une fédération
aéronautique de type FFVV (planeur). Le Conseil National des
Fédérations Aéronautiques et Sportives (aviation, vol à voile,
parachutisme, vol libre, aéromodélisme, giraviation, aérostation,
ULM) pourrait alors peut-être devenir l'interlocuteur unique de l'État
pour toutes les activités aériennes de loisir, parachutisme compris.
Sait-on jamais ? ■

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Mars16:346
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Un bémol : en cas d'accident grave ou mortel, une enquête est
toujours diligentée. Les enquêteurs et les juges cherchent d'abord
la réglementation applicable, et pour cela s'adressent en général à
la fédération délégataire car «Les fédérations délégataires édictent
les règles techniques propres à leur discipline» (Code du sport,
article L.131-6).

Par Yves-Marie Guillaud

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