ParaMag - n°344 - Janvier 2016 - 14

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L'UBÉRISATION

Une photo pleine page dans un magazine la veille de Noël.
Au milieu de la photo, un système de libération 3 anneaux bordé de
la languette jaune du système LOR et une poignée de libération
jaune... Page suivante, une photo d'une sortie tranche arrière avec
un parachutiste le corps dans le vide avec juste les pieds encore en
contact avec l'avion...

Légende des photos : «Capables d'emporter avec eux plus de 70
kilos de matériel ultrasensible, ces opérateurs du 13ème Régiment
de Dragons Parachutistes, spécialistes du renseignement, se
préparent à sauter depuis un Hercules C-130».

Reportage suivant sur le thème des théâtres : «Qu'est-ce qui fait
encore courir les directeurs de théâtre ?». Puis sur l'hiver au
Québec : «Toujours abondante, la neige invite aux réjouissances.
On s'y perd avec délice...». Le contraste est saisissant : guerreculture-loisirs...
Viennent à l'esprit des vers de Victor Hugo : «Depuis six mille ans
la guerre / Plait aux peuples querelleurs, / Et Dieu perd son temps
à faire / Les étoiles et les fleurs». Cependant, la parenthèse de
l'utopie hippie du Flower Power des années 70 a fait long feu et l'on
sait maintenant que nos soldats en guerre sont les protecteurs de
nos cultures, de nos loisirs, de nos libertés.
Ceux-là, les parachutistes militaires, utilisent des matériels souvent
issus du parachutisme sportif. On le voit sur la photo. Souvent, ils
s'entraînent au sein des écoles civiles de parachutisme sportif. En
cela, ils font partie de la grande famille des parachutistes, et c'est
avec raison que Paramag avait fait un reportage sur l'ETAP, l'école
de parachutisme militaire (PM n°333, février 2015).
Puisqu'il est question de famille parachutiste au sens le plus large
du terme, rappelons que la FFP a pour objet statutaire «de
promouvoir, organiser, orienter et coordonner le parachutisme sous
toutes ses formes».
Début 2008, en effet, les nouveaux statuts de la FFP ont vu
disparaitre l'adjectif «sportif» sur inspiration du chroniqueur
iconoclaste. L'objet de la FFP, de parachutisme sportif est devenu
parachutisme sous toutes ses formes. Cette rédaction visait à
pouvoir rassembler tous les acteurs du parachutisme et à éviter une
dispersion que la croissance des tandems exacerbait.
Il a été écrit dans la chronique iconoclaste (PM n°251, avril 2008) :
«La disparition d'un verrou purement sémantique offre ainsi la
possibilité d'ouverture et de rassemblement de l'ensemble des
acteurs du parachutisme.

Janvier16:344
paramag.fr

Par Yves-Marie Guillaud

Illustration dans Paramag en décembre dernier (PM n°343) : «Le
centre de Péronne ne s'affiliera pas à la FFP en 2016». Ainsi les
forces centrifuges sont-elles devenues supérieures aux forces
centripètes, ce qui sépare supérieur à ce qui rassemble.
Les choix politiques de la période 2009-2017 sont-ils en cause ? En
partie car rien n'est totalement neutre, et la défense des
associations a sans doute pu être interprétée comme une défiance
envers les sociétés commerciales, à tort ou à raison là n'est pas le
propos. Les pratiques commerciales de certaines associations ont
transformé la défiance en opposition.
La création du GEPP (Groupement des Exploitants Professionnels
du Parachutisme) en est un signe, et l'on subodore que ledit
groupement doit lui-même être en proie aux forces contradictoires
entre ceux qui veulent rester dans la galaxie fédérale et ceux qui
veulent le transformer en fédération bis.
Intéressons-nous aux raisons qui motivent Péronne, exprimées
dans Paramag : «La rupture avec la fédération n'est pas un choix
politique. Leur motivation est fondée principalement sur le
plan administratif et financier, estimant que les conditions
actuelles d'affiliation ne sont plus adaptées à leur mode de
fonctionnement». Qu'en belle langue de bois, langue de com,
ceci est exprimé !
Décryptons en retenant les termes qui laissent apercevoir l'arrière
de la façade : «administratif et financier». En langage courant : trop
de paperasse, trop d'argent... La FFP est perçue comme une
administration dont la lourdeur et le coût sont un frein à l'activité
entrepreneuriale.
Il se pourrait bien que l'on assiste à l'ubérisation du parachutisme
sous toutes ses formes. Qualifié de «tsunami économique» par le
magazine Capital qui ajoute que «cette nouvelle forme d'activité est
en train de gagner du terrain de façon fulgurante dans presque
tous les secteurs» ce néologisme vise la relation directe avec le
client via les réseaux numériques hors des circuits traditionnels.
Le phénomène n'est pas entièrement nouveau. Des sites
commerciaux sans attache géographique proposent via Internet
des sauts dans la France entière. Même des sociétés avec attache
géographique recrutent partout en France. Cherchez à faire un saut
tandem à Lyon, il vous sera proposé en premier d'en faire à Gap,
puis à Roanne, etc...
Pour le tandem, la messe est dite : l'ubérisation est une réalité sans
retour possible. Péronne, qui entend continuer à former une
centaine d'élèves PAC par an, est-il à l'avant-garde d'une
ubérisation de l'école de parachutisme sportif ? C'est possible.

C'est donc la possibilité d'un vrai choix politique qui sera offert lors
du renouvellement des équipes d'élus au début de l'année 2009.
La génération de dirigeants qui va quitter le devant de la scène
déverrouille le parachutisme».

Pour la FFP, tout dépendra de sa capacité à répondre au défi
«administratif et financier» qui lui est ainsi posé. Globalement, deux
choix s'offrent à elle : soit, néologisme contre néologisme, soit elle
bunkérise ses possessions, soit elle négocie un nouveau pacte avec
les écoles.

Les nouvelles équipes de 2009 sont celles qui vont quitter à leur
tour le devant de la scène début 2017. Sonne l'heure du bilan de
cet espoir de rassemblement exprimé en 2008. Mea culpa : le
rassemblement du parachutisme sous toutes ses formes était aussi
utopique que le Flower Power.

Bunkériser ? Les méthodes de formation, les brevets et leurs
contenus, etc..., étant réservés aux écoles affiliées, elle interdirait
aux écoles non affiliées de les utiliser. Négocier ? À quelles
conditions administratives et financières les écoles trouveraientelles plus d'intérêt à rester qu'à partir ?

On n'en est même plus à regarder la pratique des tandems quitter
la FFP. C'est la pratique école qui est maintenant concernée.

Avec un parachutisme en voie d'ubérisation, il n'y a d'autre choix
que de s'adapter. ■

ParaMag - n°344 - Janvier 2016

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