ParaMag - n°331 - Décembre 2014 - 13

(#)

etsalconoci'l

LA PÉTITION

C'est du jamais vu dans le parachutisme sportif : une pétition
lancée sur les réseaux sociaux contre la DT 40 (Directive Technique
n°40) émise le 7 novembre par la FFP a recueilli plus de 1.000
signatures. Ce sont ainsi 7 % des licenciés pratiquants annuels de
la FFP qui ont protesté.
Cette DT 40 est relative aux conditions d'emport d'un appareil de
prise de vues et de suivi d'un saut avec prise de vues. La stipulation
qui a mis le feu aux poudres est relative au suivi d'un tandem.
Pour résumer : suivre un tandem sans emport d'un appareil de
prise de vues nécessite d'être titulaire des brevets BPA et B2 ou
Bi4, mais avec un appareil de prise de vues il faut être titulaire au
minimum du CQP vidéo-chute (ou d'un brevet de moniteur délivré
par l'Etat : BEES/BPJEPS).
Le CQP (Certificat de Qualification Professionnelle) est une
reconnaissance de capacité et de savoir-faire par une branche
professionnelle dans une Convention Collective lorsqu'il n'existe pas
de diplôme correspondant. La création de la CQP vidéo-chute est à
l'initiative de la FFP.
À l'heure où l'immense majorité des pratiquants emporte en chute
une mini-caméra, la restriction fait un pataquès dont le Bureau
Directeur et la Direction Technique Nationale de la FFP se déclarent
«surpris» dans un communiqué du 17 novembre rappelant que la
DT 40 ne fait qu'entériner une décision annoncée le 18 octobre
2013 pour application à compter du 1er janvier 2014.
Surprise sans doute sincère car la CQP a une double finalité : d'une
part protéger d'une concurrence déloyale les vrais professionnels et
d'un travail dissimulé les dirigeants, d'autre part garantir aux
passagers tandem la compétence en chute et en vidéo de
l'opérateur vidéo qu'ils rémunèrent.
Alors bien sûr, il ne sera plus possible à tout un chacun de filmer le
tandem de son beau-frère ou de sa grand-mère. Qui est dupe de
l'argument ? En réalité, il sera plus difficile de pratiquer la vidéo
tandem de façon faussement «bénévole», c'est-à-dire rémunérée
de façon dissimulée.
Le titulaire de la CQP vidéo-chute pouvant pratiquer en bénévole,
les dérives illégales resteront possibles mais seront identifiables
puisque ces titulaires seront répertoriés donc contrôlables.

La FFP a beau jeu de rappeler que l'obligation s'applique depuis le
1er janvier 2014, ce dont les dirigeants des structures agréées ont
été informés par lettre du 18 octobre 2013 sans que cela soulève la
moindre protestation.
La pétition, certes amplifiée par les réseaux sociaux, démontre que
la DT 40 bouscule des habitudes, bonnes ou mauvaises, dans le
secteur le plus rentable du parachutisme, mais aussi que les
dirigeants des écoles, muets en octobre 2013, semblent dépassés
par la base.

La DT 41, relative aux sorties «flotteur», fait suite à l'accident de
Tarbes (PM n°329 d'octobre 2014) et au 1er rapport du BEA

(Bureau Enquête Accident) de la DGAC (Aviation Civile). Elle impose
dans tous les avions : 1) des procédures de contrôle des parachutes
avec vérification du bon positionnement des rabats cache aiguilles,
2) un affichage dans l'avion de cette obligation de contrôle.
Réflexion sur un réseau social d'un moniteur PAC expérimenté de
plus de 10.000 sauts : «Personne ne touchera à mes rabats».
On le comprend et l'approuve.
En effet, les rabats des parachutes actuels sont solidement
verrouillés. Leur ouverture dans l'avion pour vérifier le
positionnement des aiguilles entraîne plus de chance de déplacer
une aiguille bien en place que de détecter une aiguille mal
engagée, avec des risques qu'ils soient mal repositionnés.
Il faut bouger le moins possible dans un avion largueur. La DT 41
impose le contraire : bouger et se contorsionner pour vérifier, ce qui
est d'autant plus délicat que l'espace disponible est très restreint.
Et qui va contrôler le parachute de celui qui est chargé de
contrôler ? S'il est moniteur, va-t-il devoir déléguer à un nonmoniteur le soin de contrôler son parachute ? Est-il par ailleurs
possible qu'une seule personne contrôle tous les parachutes d'une
extrémité à l'autre d'un Pilatus ?
Il incombe à tous dirigeants, pilotes, directeurs techniques,
moniteurs, initiateurs de faire respecter l'obligation de contrôle.
Alors le pilote devra-t-il avant le largage non seulement s'occuper
de son avion et de l'espace aérien, mais également s'assurer que
tous les parachutes ont été contrôlés ?
Que dire enfin de l'obligation «d'apposer une affichette dans tous
les avions » avec le message suivant : «Tous les parachutistes doivent,
avant toute mise en place, contrôler ou faire contrôler leurs
parachutes» ? Sans rire, qui va la lire ?
Les mesures à prendre auraient pu être : 1) vérification
systématique par un moniteur des parachutes au sol avant de
monter dans l'avion, car avec la protection des rabats actuels une
aiguille bien positionnée ne peut pas bouger. 2) limitation de tous
les mouvements inutiles dans l'avion.
Au-delà de la technique, les réactions des pratiquants portent un
message subliminal sur le processus de décision hyper centralisé et
fonctionnarisé de la FFP, délégataire de l'Etat.
Par lettre du 1er octobre 2014, la FFP a annoncé confier «une plus
large autonomie aux services administratifs», ajoutant : «Certaines
demandes pouvaient transiter jusqu'ici par les élus... Aucun
traitement ne sera effectué par ces derniers ; aussi nous vous
invitons à vous rapprocher directement des services administratifs
de la fédération». Et personne ne réagit, même pas les élus
marginalisés !

«C'est la technostructure qui inspire les décisions de l'Etat. C'est un
mal français : elle est persuadée qu'elle gère mieux que nous»
(J.Pélissard, président de l'Association des maires de France).
La FFP a été contrainte à un rétropédalage dès le 25 novembre sur
les réseaux sociaux dans ces termes : «La FFP est en préparation
du colloque/convention. Ce dossier y sera ouvert et débattu... Le
débat s'engagera autour de vos remarques... Nous invitons les
pratiquants désireux de nous questionner d'interpeller, par un
courrier nominatif, les élus ou le Directeur Technique National».
Débattre du dossier : la technostructure FFP abandonnerait-elle
son dogme d'infaillibilité ? Interpeller les élus : c'est déjà fait via les
réseaux sociaux sans passer par les services administratifs... ■

13
Décembre14:331
paramag.fr

La pétition est-elle aussi une manipulation ? La question se pose car
les pratiquants ont réagi à la DT 40 relative à la vidéo-tandem qui
les concerne peu mais atteint les intérêts financiers de quelquesuns, et ont moins réagi à la DT 41 qui les concerne tous et qui est
techniquement critiquable.

Par Yves-Marie Guillaud

http://www.paramag.fr

ParaMag - n°331 - Décembre 2014

Table des matières de la publication ParaMag - n°331 - Décembre 2014