ParaMag - n°328 - Septembre 2014 - 14

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LA DÉMOBILISATION
DES BÉNÉVOLES

Les propos d'éminents dirigeants bénévoles sur le bénévolat,
publiés sur le site Internet de la FFP, ont inspiré une analyse sur la
«nouvelle génération de pratiquants», qui «ne veut plus s'investir
sans retour» selon Christine Blondeau et sur «une réflexion à
mener sur la place des bénévoles... de façon à ce qu'ils retrouvent
plaisir et reconnaissance» selon Jean-Claude Garangeat (voir
ParaMag n°327 d'août 2014).

Celui-ci, ancien président de ligue et président-fondateur d'une
école, a également dit une phrase lourde de sens : «Le bénévolat
est donc devenu, en partie, l'auxiliaire d'opérations commerciales
sans, souvent, rien recevoir en retour».
Elle est à rapprocher d'un autre entretien relatif à «la démobilisation
des bénévoles» au cours duquel il était déclaré : «Qui assumera
alors le travail ? ... Si je paye, c'est pour un produit complet, et je
n'entends pas participer à des corvées».
Il était expliqué : «La perspective actuelle réside dans une relation
professionnelle de type commercial. Des professionnels vendront
du saut et des services à des parachutistes acheteurs. Eh bien il ne
faudra plus compter sur moi pour aller déboucher les WC comme
actuellement».
Cet entretien a été publié dans ParaMag n°1 de juin 1987. La
personne faussement interrogée s'appelait Quochon de Peyan et
celui qui l'interrogeait n'était pas encore iconoclaste. Ce faux
entretien n'était-il pas prémonitoire, vu ce qu'en dit maintenant
Jean-Claude Garangeat ?
En 1987, le saut à Chambéry (association) culminait à 3.000
mètres en Cessna 207 (moteur à pistons) pour 93 francs, soit 23,25
euros actuels (érosion monétaire corrigée, base INSEE). Une autre
époque, mais aussi le début d'une évolution du bénévolat vers la
professionnalisation. Aujourd'hui, à Chambéry (société), le saut se
fait à 4.000 mètres en Pilatus pour 30 euros.
Les cadences de saut actuelles, les nombres de sauts annuels, les
ouvertures en semaine, les avions à turbines, les méthodes
d'enseignement, et plein d'autres critères font qu'à partir d'un
certain volume annuel de sauts, peut-être 6.000 ou 8.000 sauts, il
est inévitable de faire appel au moins partiellement à des
professionnels. Le bénévolat n'y peut plus tout faire.
Se côtoient donc inévitablement des bénévoles et des
professionnels dans les structures associatives. Les structures
commerciales, en revanche, n'ont par définition pas le droit de faire
appel à des bénévoles, ce qui constituerait sans coup férir le délit
de travail dissimulé.

Septembre14:328
paramag.fr

Dans ce contexte, est-il pertinent de dire que «le bénévolat est
donc devenu, en partie, l'auxiliaire d'opérations commerciales
sans, souvent, rien recevoir en retour» ?
Puisque bénévoles et professionnels se partagent nécessairement
les tâches au sein des structures associatives, la question induite
est celle d'une éventuelle hiérarchie entre lesdites tâches. Selon
Jean-Claude Garangeat, le bénévolat est «auxiliaire» d'opérations
commerciales, donc subalterne.

Par
Yves-Marie
Guillaud

Il est vrai qu'inévitablement sont remplies par les professionnels les
tâches réunissant deux critères, eu égard à la technicité requise : un
niveau élevé de qualification et un niveau élevé de rémunération.
Technicité et rémunération : la PAC est affaire de professionnels et
la méthode traditionnelle (OA) de bénévoles. Rémunération : le
tandem est affaire de professionnels et la gestion administrative et
financière est affaire de bénévoles. Rémunération et technicité :
l'initiation de spécialités est surtout affaire de bénévoles.
Technicité : l'entraînement de compétition est affaire de
professionnels. Etc...
Plus faible technicité et absence de rémunération hiérarchisent
professionnels et bénévoles au détriment de ces derniers. C'est
injuste, car avoir la responsabilité d'un élève en OA vaut bien celle
d'un élève en PAC, par exemple. C'est pourquoi il faudrait redonner
aux bénévoles non seulement «plaisir et reconnaissance» (JeanClaude Garangeat), mais également estime et respect.
En attendant - «En attendant Godot», devrait-on dire (pièce de
théâtre d'Eugène Ionesco de 1948), c'est-à-dire en attendant ce qui
n'arrivera vraisemblablement jamais - il est vrai que le bénévolat est
«auxiliaire d'opérations commerciales».
Mais l'est-il «sans rien recevoir en retour» ? Pour être vulgaire, les
bénévoles servent-ils la soupe aux professionnels alors que nombre
de professionnels pensent qu'ils servent la soupe aux bénévoles ?
La réponse tient dans cette dernière phrase. Puisque chacun pense
servir la soupe à l'autre, c'est peut-être que les deux œuvrent dans
un intérêt commun sans toujours le savoir, comme Monsieur
Jourdain faisait de la prose sans le savoir.
S'il n'y avait des bénévoles pour s'occuper de tâches faiblement ou
nullement rémunératrices, et/ou à plus faible technicité,
les professionnels devraient les assumer eux-mêmes.
Leur rémunération globale pourrait s'en voir affectée. Peut-on réaliser
10 tandems par jour si on doit aussi s'occuper d'autres choses ? Ou
alors on affrète un avion pour ne faire que ça dans son coin.
À l'inverse, non seulement il est devenu impossible de se passer de
professionnels à partir d'un certain volume d'activité, on l'a dit, mais
la rentabilité de la structure en serait mortellement affectée.
C'est encore Jean-Claude Garangeat qui le dit : «Les centres
doivent, pour conserver une activité sportive, pratiquer des coûts
inférieurs au coût réel... Les recettes entrent dans les caisses du
centre et les bénéfices sont répartis entre les pratiquants sous
forme d'une minoration du prix réel du saut».
Il ajoute son avis : «Les membres associés (les vrais pratiquants)
devraient payer le prix réel de leur activité». Si c'est dit sur le site
officiel de la FFP ...!!!
À Lyon-Corbas, association professionnalisée non subventionnée,
en 2010 une simulation du compte d'exploitation expurgé des
écritures liées au tandem avait démontré que le prix réel de chaque
saut était supérieur de 10 euros au prix pratiqué, et de 5 euros au
moins en expurgeant aussi les frais induits estimés (secrétariat et
encadrement).
Alors bénévoles et professionnels sont pour l'instant
complémentaires dans le parachutisme en France. Comme au jeu
de la barbichette, chacun tient le menton de l'autre et fait des
grimaces. Et le premier qui rira... ■

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