NEOMA Alumni Mag - N°14 - Mars 2018 - 18

PROFILS - ENTRETIEN -

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d'une entreprise. Les grands dirigeants sont justement ceux qui parviennent à conjuguer toutes les
options différentes pour synthétiser un nouveau
possible.
Il vaut donc mieux retenir un doute que ne
rien retenir du tout ?
Évidemment. Si vous vous dites « tant que je ne
sais pas, je ne tranche pas », la situation pourrit. Un
médecin face à un malade ne peut pas se permettre de voir son état de santé se dégrader. Une
entreprise, c'est pareil.

On ne peut pas segmenter sa foi, le samedi
à la synagogue, le vendredi à la mosquée,
le dimanche à l'église ou au temple, et tout
le reste du temps en entreprise.

BIO-EXPRESS
Haïm Korsia

1983-1987 Rabbin du Mans
1987-2000 Rabbin de Reims
1999 MBA à NEOMA BS
2000 Direction de l'aumônerie
générale de l'Armée de l'air
2007 Aumônier général israélite des
Armées et de École polytechnique
22 juin 2014 est élu Grand Rabbin de
France pour un mandat de sept ans

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Dans ce cas, à quoi tient une réussite et à quoi
tient un échec ?
L'échec n'existe pas. Et on pourrait dire la même
chose d'une réussite. Je peux prendre pour l'illustrer un exemple très biblique. Balak mène une
rébellion contre son cousin Moïse. La terre s'ouvre
et avale Balak et ses partisans. L'histoire est
a priori réglée. Mais le doute s'est insinué dans
l'esprit de tous. Moïse reçoit alors l'ordre de Dieu
que chaque tribu prenne un bâton et le mette
dans l'arche sainte. Le lendemain, le bâton
d'Aaron, le frère aîné de Moise, a fleuri, en donnant
un bourgeon et un fruit.
La question que je me suis toujours posée est la
suivante : pourquoi la fleur alors qu'il y a le fruit ?
Quel intérêt ? Le résultat final, le fruit, est déjà là.
Parfois, juste un bourgeon, donc un échec, a
donné une ouverture vers un possible. Il en va de
même dans l'entreprise où un insuccès n'est
jamais un accident industriel. Cela ne devient un
échec que si on le considère comme tel.
Rudyard Kipling, dans Tu seras un homme, mon
fils, dit la chose suivante : « Si tu peux rencontrer
triomphe après défaite/Et recevoir ces deux
menteurs d'un même front/Si tu peux conserver
ton courage et ta tête/Quand tous les autres les
perdront. »
Le principe du tikkun olam*, une référence
majeure du judaïsme, donne-t-il une boussole
fiable pour gérer un business ? Quelle définition personnelle d'ailleurs avez-vous du tikkun
olam ?
Il signifie que chacun de nos actes a nécessairement une incidence sur le monde afin de réparer
ses fêlures. J'aime bien cette citation de Jacques
Audiard : « Heureux soient les fêlés car ils laisseront passer la lumière. » Les brisures du monde
sont un appel lancé, non pas pour constater que
le monde est fragile, mais parce que nous devons
individuellement et collectivement agir pour le
monde, qui n'est nullement une donnée permanente.
Partant de là, je pense que ce n'est pas une boussole pour les entreprises, mais pour les dirigeants.
C'est une boussole personnelle : ce que je fais
est-il bien ou pas ? Si je délocalise mon entreprise,
je baisse mes coûts de production, c'est formidable. Sauf que j'appauvris des gens qui sont susceptibles d'acheter mes produits... Il y a toujours
des conséquences à mes actes. Il n'y a jamais de
bonheur seul. Réussir seul est impossible. Si ce
n'est pas partagé, alors cela ne sert à rien.
L'intérêt croissant du business pour le
spirituel pose question : la spiritualité ne
risque-t-elle pas d'être instrumentalisée ?
La foi n'est-elle pas en train de devenir un
produit marketing ?
Si cela plaît aux gens d'être uniquement dans la

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