L’école aujourd’hui Maternelle - n°26 - Février 2012 - (Page 14)

Dossier S’OUVRIR AUX LANGUES ÉTRANGÈRES Analyse Quels objectifs retenir pour une langue seconde à l’école ? Beaucoup d’études montrent que l’apprentissage précoce d’une langue constitue un élément favorable à la réussite de cet apprentissage, même si un examen attentif peut montrer qu’il faut parfois prendre ces données avec précaution1 : on peut s’accorder au moins sur le fait que les capacités d’écoute des très jeunes enfants, par rapport à des structures phonologiques qui ne sont pas celles de leur langue maternelle, s’atténuent avec l’âge. Existe-t-il un “âge idéal” ? Peut-on déterminer – mais les psycholinguistes n’abordent la question qu’avec beaucoup de prudence – s’il existe un âge idéal, autrement dit si l’on peut se référer à une “frontière” plus ou moins stable à partir de laquelle l’apprentissage d’une seconde langue deviendrait clairement plus difficile ? Beaucoup des travaux classiques sur la question se référaient – pas toujours avec beaucoup d’arguments empiriques – à l’adolescence. Des données plus récentes font référence à un âge plus précoce. Johnson et Newport2 ont montré ainsi que les performances d’apprentissage seraient optimales jusqu’à 7 ans environ. Ils montrent surtout un phénomène intéressant : les différences individuelles dans les performances d’apprentissage sont faibles jusqu’à 7 ans, et deviennent plus importantes ensuite. L’interprétation proposée est que les adultes mettent en œuvre des stratégies d’apprentissage qui peuvent dépendre des expériences linguistiques et cognitives antérieures de chaque individu, ce qui ne serait pas (ou peu) le cas chez les jeunes enfants. L’idée est toujours d’une certaine “virginité“ linguistique du jeune enfant… Parler de “frontière“ à ce sujet constitue pourtant un abus de langage, dans la mesure où cette vir14 L’ÉCOLE AUJOURD’HUI MATERNELLE n°26 ginité supposée n’est toujours que très relative. Cette constatation vaut tout particulièrement pour certaines dispositions qui ont été étudiées par les chercheurs travaillant autour de Jacques Mehler2 à propos de la langue orale. L’oreille du nouveau-né est très rapidement (en quelques semaines !) “habituée” aux caractéristiques spécifiques de la langue de son entourage, et cette “habituation” a pour conséquence que les sons des autres langues qui n’entrent pas dans la structure phonologique de la langue maternelle deviennent progressivement plus difficiles à entendre pour l’enfant. scolaire, outre que l’âge du début d’apprentissage reste relativement tardif, les périodes d’exposition à la langue seconde ne sont jamais très longues (si l’on excepte le recours aux pédagogies d’immersion), et les situations d’apprentissage gardent toujours un caractère artificiel. Quelles priorités ? « On devrait profiter de l’école primaire pour habituer l’oreille à la “musique” de la langue, ou encore, pour ne prendre qu’un exemple, à la distinction entre voyelles longues et voyelles brèves. » Si donc les enfants ont des dispositions particulières à traiter les matériaux linguistiques auxquels ils sont confrontés, ces dispositions semblent s’affaiblir très vite : les avantages de l’enfance valent surtout pour les très jeunes enfants. Autrement dit, abaisser l’âge de l’enseignement d’une langue seconde ne conduit nullement à faire d’un tel enseignement une situation de bilinguisme. En situation février 2012 Cela ne signifie pas cependant qu’on ne puisse pas profiter d’un apprentissage “précoce” pour asseoir des acquisitions en se fondant prioritairement sur les capacités qui sont encore disponibles. L’objectif (on espère qu’il ira de soi s’agissant de l’école maternelle !) doit donc être d’un entraînement intensif de l’oral, et d’abord l’écoute de la langue orale, à partir d’énoncés judicieusement choisis. S’agissant de l’anglais (qui est vraiment une langue difficile !), on devrait profiter de l’école primaire pour habituer l’oreille à la “musique” de la langue (la prosodie, l’accent tonique), ou encore, pour ne prendre qu’un exemple simple parmi beaucoup d’autres, à la distinction – très mal perçue par les francophones – entre voyelles longues et voyelles brèves. Ces prérequis, qui “bloquent” souvent non seulement les apprentissages lexicaux et syntaxiques, mais surtout leur utilisation dans la langue parlée, devraient être en quelque

Table des matières de la publication L’école aujourd’hui Maternelle - n°26 - Février 2012

Edito
Sommaire
ACTU
- En bref 3 questions à Gilles Porte
- Le billet du médecin Que se passe-t-il quand on dort ?
- Une année avec… Créer des comptines numériques
DOSSIER - S’ouvrir aux langues étrangères
- Introduction
- Entretien Michel Candelier
- Reportage De vrais petits Européens
- Analyse Quels objectifs pour une langue seconde à l’école ?
- Analyse Jouer à la marelle multilingue
- Bloc-notes S’ouvrir aux langues vivantes
PRATIQUES PÉDAGOGIQUES - Découvrir le monde et les cultures
- Introduction 3 questions à Marie-José Moussu
- Progressions PS MS GS
- Outils pour la classe
SÉLECTION
- Nouvelles technologies
- Pédagogie
- Coin thématique
- Jeunesse

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