L’école aujourd’hui Maternelle - n°25 - Janvier 2012 - (Page 11)

Dossier VIVRE LE THÉÂTRE, DE LA SALLE À LA SCÈNE Entretien Dominique Bérody Spécialiste du théâtre contemporain, Dominique Bérody nous rappelle que les enfants doivent toujours être considérés comme des spectateurs à part entière, entretenant avec les œuvres une relation singulière... Comment définir le théâtre jeune public ? Possède-t-il les mêmes caractéristiques que le théâtre dit pour adultes ? Le théâtre jeune public est avant tout du théâtre. Les questions qu’il pose doivent être les mêmes que celles que pose le théâtre pour adultes. Ce n’est pas la catégorie de public visée qui définit un art, c’est plutôt un art qui se destine, s’adresse, va à la rencontre de publics qui, quel que soit leur âge, sont des spectateurs à part entière. Il ne doit pas non plus y avoir de réduction de l’œuvre. Celle-ci est adressée à des enfants, parce qu’un auteur, un metteur en scène, des acteurs ont envie de raconter quelque chose à un moment donné à des jeunes, mais sans adopter une conception réductrice de l’enfant ou du théâtre. Trop souvent, la destination est devenue spécialisation. Comme si on savait ce qu’il faut a priori pour des enfants de cinq ans. Non, les enfants comme les adultes sont dotés d’une sensibilité, d’une capacité à s’émouvoir, à recevoir une œuvre qui va leur poser des questions et les faire réfléchir. L’adresse au jeune public ne doit surtout pas devenir un prétexte à la production d’une sorte de “prêt à penser” pour enfants. La relation à l’œuvre doit rester complexe, susciter le rêve, et ne pas tout dire. Les auteurs de théâtre ont-ils toujours eu envie de s’adresser aux enfants ? En fait, il s’est passé dans le domaine du théâtre ce qui est arrivé dans celui de la littérature. Jusqu’à la fin du xixe siècle, on considérait que les enfants ne pouvaient pas avoir accès aux œuvres littéraires. On adaptait donc les grands textes, contes ou mythes fondateurs par exemple, en les simplifiant ou en les résumant, afin de les mettre à portée des jeunes lecteurs. On concoctait ainsi une sorte de café “lyophilisé”, une paralittérature ! Et puis, il y a eu une période où l’on a pensé que le théâtre pouvait participer aux apprentissages : pour transmettre des leçons de morale, délivrer des messages qui suppléaient aux besoins d’éducation de la jeunesse. Cela a donné des pièces didactiques et schématiques, qui manquaient en définitive de dimension artistique, car s’emparant de la forme théâtrale au détriment de l’art lui-même. Qu’est-ce que l’enfant peut ressentir de “plus” en allant au spectacle ? Le théâtre est un art polysémique, qui utilise une grande étendue de signes et fait appel à tous les sens. Il transporte donc les spectateurs dans une atmosphère magique. “Un art fondamentalement enfantin” Dominique Bérody, délégué général jeunesse et décentralisation en Yvelines, est délégué général de la biennale de théâtre jeune et tout public “Odyssées en Yvelines”, créée par le Centre dramatique national de Sartrouville et des Yvelines en 1997 (direction Laurent Fréchuret). Il offre un prolongement de la vie sous une autre forme, et la possibilité de s’identifier avec des personnages de façon plus immédiate que ne le permet la lecture passant, elle, par le biais de représentations mentales. Le spectacle met l’enfant en contact direct avec un plaisir de vivre, dans un espace où, paradoxalement, la fiction et la réalité se confondent, où l’on rencontre des choses qui semblent réelles, mais qui sont jouées et représentées... Le théâtre est l’art du jeu, ce qui en fait un art fondamentalement enfantin. L’accès au symbolique commence par le jeu, le faire semblant, le “on dirait que…”. Au contact de cet art artisanal qu’est le théâtre, l’enfant mobilise ses capacités d’imagination, pour devenir un “coauteur” actif du spectacle, en réagissant aux propositions des comédiens, en tissant avec eux une relation intime. Pour toutes ces raisons, le théâtre contribue, je crois, à l’accès à la connaissance de soi et du monde. Propos recueillis par Agnès Ceccaldi janvier 2012 11 L’ÉCOLE AUJOURD’HUI MATERNELLE n°25 © Jean-Marc Lobbé

Table des matières de la publication L’école aujourd’hui Maternelle - n°25 - Janvier 2012

Edito
Sommaire
ACTU
- En bref 3 questions à Marie-Laure Guillaumin
- Le billet du médecin Comment fonctionne l’audition ?
- Une année avec… Sonoriser un album
DOSSIER - Vivre le théâtre, de la salle à la scène
- Introduction
- Entretien Dominique Bérody
- Reportage Un rôle pour s’affirmer
- Analyse Du théâtre, pour le plaisir !
- Bloc-notes Découvrir le théâtre
PRATIQUES PÉDAGOGIQUES - Oralité et mise en scène
- Introduction 3 questions à Jacky Biville
- Progressions PS MS GS
- Outils pour la classe
SÉLECTION
- Nouvelles technologies
- Pédagogie
- Coin thématique
- Jeunesse

L’école aujourd’hui Maternelle - n°25 - Janvier 2012