MAGAviron - N°32 - Mai/Juin/Juillet 2018 - 44

Histoire

Les rameurs au cœur

de la grande guerre
dans l'entre-deux-guerres la figure de proue du nationalisme français. Enfant, il a connu la défaite de 1870 et
souhaite la revanche.

caractérise si bien le tempérament français, toutes les
qualités si utiles en temps de guerre et qui font du soldat
français le premier soldat du monde.

Pendant la Grande Guerre, il est un acteur important
de la propagande de guerre qui lui valut d'être élu par
Le Canard enchaîné, chef "de la tribu des bourreurs de
crâne." Romain Rolland, une des rares voix discordantes,
le surnommera "le rossignol des carnages"...

Reconnaissons que nos jeunes sociétaires sont mieux
armés pour cette lutte de sauvage, que les malheureux
que l'oubli d'un foulard en hiver cloue impitoyablement au
lit. Les historiens impartiaux de cette guerre mémorable
devront reconnaître que le développement physique de la
jeunesse a été un des grands facteurs de la victoire.

Mais le grand prix de l'outrance revient sans doute à Jean
Richepin, poète turbulent et excentrique rescapé de la
guerre de 1870 : "Le poète exalté que je suis doit nourrir
sans trêve la haine implacable nécessaire à notre combat,
mené à n'importe quel prix et jusqu'au bout. La conclusion
fatale est l'extermination d'une race en exécration, une
race démente, race en régression qui par sa barbarie
bestiale a fini par se mettre en dehors de l'humanité". Un
véritable appel au génocide !
Henri Desgranges dont nous avons évoqué la violente
tribune dans le Journal l'Auto du 3 août 1914, est plus
courageux. A 50 ans, il demande et obtient une dérogation
pour s'engager. Coubertin s'est aussi spontanément
présenté aux autorités militaires et politiques car il voulait
être envoyé au front, mais cela lui a été refusé à cause
de son âge, 51 ans. Il a finalement obtenu d'être engagé
comme interprète d'anglais à la Maison de la Presse
au Quai d'Orsay. Il a ainsi contribué à la propagande
nationale du temps de guerre. Il rédigeait des bulletins
à connotation historique pour servir la cause de l'humanisme français contre la "barbarie allemande".
Le monde de l'Aviron aura aussi ses prosélytes animés
autant par la passion de leur sport et un patriotisme
intense. Dans les colonnes de l'Aviron du 16 janvier 1915,
un "vieux rameur" appelle tous les jeunes gens à venir
"Ramer pour la Patrie" : "Au moment ou tous les jeunes
gens sont partis, abandonnant l'aviron pour le fusil, les
sorties devinrent impossibles. ... Pour ne pas laisser
péricliter notre sport bienfaisant, et pendant que nos
bateaux gisent lamentablement sur les portants, et que les
vieux se lamentent, nous devons faire connaître les vertus
de notre sport aux classes 16, 17 et 18, qui cherchent
une activité dans les gymnases, salles de boxe, sociétés
de football ou de course à pied ... nous nous sommes
engagés à former gratuitement les jeunes gens qui nous
seront envoyés par le journal "l'Auto" ...
Notre devoir à nous, que les ans ont éloigné des luttes
sportives et écartés pour notre plus grand chagrin de
celle suprême qui se livre pour la délivrance et l'honneur
de notre chère Patrie, notre devoir est d'inculquer à tous
ces jeunes patriotes, le sang froid, la ténacité, le courage,
la rapidité du coup d'œil, la débrouillardise, en un mot qui

MAGAviron
Numéro 32
Mai 2018

C'est pour venger nos morts que nous formons les corps
de ces jeunes hommes dont les âmes sont déjà si bien
trempées. Notre sport est un jeu, oui, mais nous ramons
pour la Patrie". Les "héroïques de l'arrière" du monde de
l'Aviron prendront très à cœur le rôle qu'on leur a assigné
de formation des jeunes recrues à travers la transmission
des valeurs de notre sport. Tout au long de la guerre, les
initiatives, encouragées par l'état, se multiplient et sont
rapportées dans l'Aviron et la Vie sur l'Eau.
Cet article inspira peut être Gallieni, nommé ministre
de la guerre après la bataille de la Marne. A ce titre
il n'hésitera pas à solliciter en personne les sociétés
nautiques et sportives pour leur demander d'encadrer la
jeunesse : "Tandis que les citoyens plus jeunes donnent
dans un héroïque sacrifice leur sang à la France, leurs
aînés offriront ce qu'ils ont de meilleur : leur savoir, leur
expérience et leur énergie. La Patrie dont eux aussi auront
bien mérité, reconnaîtra la grandeur et la beauté de leur
sacrifice".

Des pertes humaines
et des dégâts matériels
considérables
Nous avons évoqué les terribles pertes humaines du
début de la guerre. Les destructions de villages et de
monuments historiques, présentés par la presse comme
"systématiques et voulus" sont un autre désastre.
Le 19 septembre 1914, les Allemands bombardent la
cathédrale de Reims, joyau de l'art gothique où étaient
couronnés les rois de France. Le vénérable monument,
où se déclare un incendie, est sérieusement endommagé.
"Une horrible main l'a écorchée vive. (...). La cathédrale
de Reims n'est plus qu'une plaie", écrit le grand reporter
Albert Londres, dans un article du Matin resté fameux.
Un membre des Régates Rémoises, réfugié à Paris,
informe que les deux garages à bateaux, celui du Cercle
Nautique et celui de la Société des Régates Rémoises ont
été détruits. Le président actif des Régates Rémoises,
Monsieur Martinet, est tué dans le bombardement. Il fut
littéralement écrabouillé, au point qu'on a pas retrouvé sa
tête...

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