MAGAviron - N°32 - Mai/Juin/Juillet 2018 - 35

A

la déclaration de guerre, Paul Maréchal,
annonce être obligé de suspendre la
publication du journal dont il est le
directeur : "jusqu'à nouvel ordre, d'autant
que la presque totalité des ouvriers de
l'imprimerie, y compris leur patron, a pris le fusil".
Il indique que "la correspondance doit lui être adressée
à Poissy où il est tenu de résider, s'étant mis depuis la fin
de son service militaire à disposition de l'autorité militaire
pour le ravitaillement du camp retranché de Paris ... Cette
correspondance arrivera quand elle pourra et les réponses
partiront aussi dans la mesure du possible".
Après 3 mois de guerre, grâce à l'énergie et à la volonté
de quelques uns, l'Aviron et La Vie Sur l'Eau va enfin
reparaître. "Notre publication sert depuis trop longtemps
de trait d'union entre les Sociétés, entre les Rowingmen ; il
faut donc continuer, même si les circonstances présentes
rendent la tâche encore plus difficile".
A partir de ce moment, le "Journal des Rameurs" va
traiter et diffuser les milliers de lettres reçues, collecter et
communiquer les informations les plus diverses, émanant
soit directement de rameurs, soit de clubs ou encore de
correspondants régionaux et même étrangers qui vont
accomplir un travail extraordinaire. Ce lien va représenter
un formidable soutien moral, certainement sans équivalent
dans d'autres disciplines.
Dans l'éditorial du 14 novembre 1914, Paul Maréchal
expose la politique de guerre de notre sport et précise
quelle sera la nouvelle orientation du journal l'Aviron
pendant la durée du conflit. Il lance un appel pour la
reprise des activités nautiques au moment où : "Un grand
nombre de nos membres sont partis aux armées où ils
donnent certainement l'exemple du courage et du sacrifice
pour bouter dehors l'envahisseur" ... "Notre gouvernement
vient de recommander de s'occuper sans retard de la
jeunesse et de l'aguérir par les exercices physiques en
prévision de l'avenir ... nous avons le devoir de reprendre
le "bout de bois" et d'attirer autour des anciens, la
jeunesse pour lui faire aimer le sport si utile et si complet
de l'aviron et pour leur inculquer l'esprit de cohésion et de
discipline, pour la préparer à la dure. Un autre devoir nous
incombe, celui de rechercher ce que sont devenus nos
camarades partis aux armées, afin de visiter nos blessés
si possible et de pouvoir graver au Tableau d'Honneur les
noms de ceux que nous ne reverrons plus».

La mobilisation
et l'appel de guerre
Bien que l'idée d'un conflit prochain ait été soigneusement
entretenu, la déclaration de guerre est une surprise pour
beaucoup.
Un document trop peu connu, constitué d'un recueil
de notes prises les 1er et 2 août par les institutrices et
instituteurs non mobilisables des villages de l'Isère, de la
Drôme et des Hautes Alpes, donne une idée précise de la
manière dont les paysans - qui composent les trois quarts
de nos armées - ont accueilli l'annonce de la guerre et,
dans quel état d'esprit, ils sont partis rejoindre leur unité.

L'attitude générale qui se dégage de centaines de fiches
établies est un sentiment initial de surprise mêlé de
profonde stupéfaction, car personne ne croyait la guerre
possible. Puis, c'est la résignation, par "pur devoir patriotique". "Les femmes pleurent, les hommes ont l'air triste
mais décidé, l'émotion est à son comble !" Les phrases
qui reviennent le plus souvent sont celles-ci : " Allons-y
! il faut en finir ! ça dure depuis trop longtemps. Puisqu'il
faut partir on partira. Enfin ceux qui viendront après nous
seront plus heureux".
Dans les grandes villes et à Paris en particulier l'atmosphère est différente. L'historien Jean le Naour, spécialiste
de la Grande Guerre, propose une vision de la situation
qui semble assez largement partagée : "Des manifestations nationalistes, il y en eut quelques unes, souvent à
proximité des gares, quand les soldats défilent avant de
s'embarquer pour la frontière. A Paris, les gares de l'Est
et du Nord sont le théâtre de ces réjouissances bruyantes
qui cachent une angoisse mal dissimulée. Un instituteur
remarque que les soldats chantent, plaisantent, s'interpellent, mais cherchent surtout à s'étourdir. On devine tout
ce qu'il y a de factice dans cette gaieté bruyante. Un autre
observateur trouve que les chants de ceux qui veulent
crâner sonnent faux, et qu'ils cachent leur inquiétude sous
une bonne dose d'alcool. Les femmes sont elles aussi plus
faciles avec les soldats et les embrassent bien volontiers.
Les maisons de tolérance ne désemplissent pas, car de
jeunes mobilisés, comme l'écrivain René Naegelen, ne
veulent pas quitter ce monde avant d'avoir connu l'amour
charnel ... L'hystérie nationaliste atteint son comble sur le
quai des gares, on y chante la Marseillaise quarante fois
par jour et l'on prend place dans des wagons bondés au
rythme du chant du départ".
Persuadés d'être dans leur bon droit et confrontés à ce
qu'ils perçoivent comme une agression, de la part de
l'Allemagne, les hommes partirent, selon l'expression de
l'historien Marc Bloch "résolus et déterminés". Ils feront ce
qu'on leur a dit être leur devoir, défendre la patrie d'abord,
et défendre leur foyer, cette petite patrie privée qui leur est
plus chère que tout.

Le départ la fleur au fusil ?
Le "Départ la fleur au fusil", expression immortalisée par
l'écrivain et journaliste fondateur du "Crapouillot", Jean
Galtier-Boissières, largement reprise et exploitée par la
propagande, est une image d'Epinal, bien éloignée de
la réalité historique, comme nous venons de le voir, plus
nuancée et beaucoup plus complexe.
Dans son recueil de souvenirs, l'auteur avoue avoir
connu un moment d'euphorie de circonstance lors du
départ sous les acclamations de la foule et en recevant
les baisers de femmes. Quelques jours plus tard, il sera
confronté à l'indescriptible horreur de la guerre et à la
vision des plus effroyables blessures : "Nom de Dieu,
on fout le camp ... A quinze mètres devant moi, un obus
tombe dans un fracas de tonnerre. Lorsque la fumée se
dissipe, il n'y a plus qu'une bouillie d'hommes, d'où sort
un horrible râle. Du tas de chairs et de draps fumants,
émerge brusquement, à grand coup d'épaule, un torse

MAGAviron
Numéro 32
Mai 2018

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Table des matières de la publication MAGAviron - N°32 - Mai/Juin/Juillet 2018

Sommaire
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