MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 54

Histoire

La grande passion méconnue

d'Alphonse Daudet :
le canotage
dais raconter, cette terrible scène, toujours avec les
mêmes intonations, les mêmes gestes et ce stéréotypé
des traditions de famille qu'on se lègue et qui restent là,
puériles et locales, comme des histoires de couvent. C'est
égal, jamais elle ne m'avait paru si intéressante. Je l'écoutais avec des soupirs hypocrites, des questions, un air de
faux intérêt, et tout le temps je me disais : "Demain matin,
en apprenant que le pape n'est pas mort, ils seront si
contents que personne n'aura le courage de me gronder"
Tout en pensant à cela, mes yeux se fermaient malgré
moi, et j'avais des visions de petits bateaux peints en bleu,
avec des coins de Saône alourdis par la chaleur, et de
grandes pattes d'argyronètes courant dans tous les sens
et rayant l'eau vitreuse, comme des pointes de diamant".
Marcel Labruyère et Jean Vermorel, biographes d'Alphonse Daudet (**) précisent que "Les parties de canot,
sport vivifiant, quoique dangereux, ne suffisaient pas à
Alphonse. il se livrait à des fugues aux environs de Lyon,
et fréquentait les cabarets où il prenait plaisir à boire de
l'absinthe, alors dans tout l'attrait de sa relative nouveauté.
Il avait, en commun avec quelques camarades, dont Louis
Mouillard, fils d'un soyeux lyonnais et pionnier de l'aéroplane, loué secrètement une chambre au 4e étage d'une
maison donnant sur la Saône. Cette chambre appartenait
à un pauvre ménage dans la débine, et dans lequel il y
avait une femme qui pleurait toujours. Il semble que cette
femme gémissante se prêtait aux caprices amoureux du
jeune Alphonse, et favorisait ses amours illicites."
Désirant faire une carrière littéraire, il rejoint son frère
Ernest à Paris en novembre 1857. Désargenté, il mène
une joyeuse vie de bohème et a son entrée dans quelques
salons littéraires et mondains. La fréquentation d'une des
dames de l'entourage de l'impératrice Eugénie lui vaut de
contracter une affection syphilitique extrêmement grave
dont il souffrira toute sa vie.
Fixé à Paris, Daudet retrouve le canotage. Il fréquente
désormais les soirées naturalistes de Zola et rencontre
entre autres, Flaubert, Tourgueniev, Maupassant et
Edmond de Goncourt, tous canotiers célèbres.
Avec le canotage, il retrouve le libertinage, la fraternité
virile de ses compagnons, autour des "déjeuners de canotiers", le langage cru des Goncourt et..., les cris délurés et
les appels gourmands des "canotières", les conversations
fort lestes entres hommes tous amoureux des femmes.

MAGAviron
Numéro 27
Février 2017

54

Les plaisirs des dimanches parisiens fascinent Daudet.
Dans Fromont jeune et Risler aîné, roman paru en 1874,
l'écrivain évoque encore cette Seine des canotiers, du
côté d'Asnières, là où se trouvent les établissements
de bains... et autres, où l'on loue des canots : "De ses
fenêtres, Sidonie pouvait voir les restaurants du bord
de l'eau, silencieux en semaine, débordant le dimanche
d'une foule bigarrée et bruyante, dont les gaietés se
mêlaient aux plongeons lourds des rames et partaient
des deux rives pour se rejoindre au dessus de la rivière
dans ce courant de rumeurs, de cris, d'appels, de rires
de chansons qui les jours de fête monte et redescend,
ininterrompu sur dix lieues de Seine".
C'était toujours une passion pour lui de parcourir avec des
amis, la Seine et les ruisseaux qui s'y jettent.
Cependant, peu à peu les souvenirs deviennent plus
cuisants. Diminué et rongé par les excès et la maladie,
il doit renoncer au plaisir de sa jeunesse, et finit par le
prendre en grippe, au point qu'il écrivit : "Je déteste
cordialement les parties de canot : je leur dois des durillons, trois coup de soleil et des rhumatismes" (***).
Voilà un portrait du "canotier" Alphonse Daudet, qui peut
sembler bien peu conforme à la représentation de l'auteur
des lettres de mon moulin qu'on nous a invités à imaginer
plutôt sagement installé derrière son pupitre d'écrivain, ou
contemplant du haut de son moulin, la campagne et les
cîmes des Alpilles.
Inattendue, ou déconcertante ; c'est la réalité de la
littérature et de la vie littéraire, avec sa face cachée bien
éloignée des programmes scolaires.
Charles Imbert
(*) Le pont du Change et le trou de la mort qui trompe
L'histoire de ce pont célèbre, qui fut l'un des premiers à franchir la
Saône, commence au XIe siècle. Cet ouvrage, comme beaucoup
d'autres édifices, a été construit en réutilisant des matériaux romains.
L'emplacement choisi pour édifier ce pont est surprenant car un hautfond de roches cristallines barrait la rivière. Ce battage générait sous
"l'Arche Merveilleuse", un rapide appelé "rapide de la Mort qui trompe",
rendant la passe périlleuse. Lorsque les eaux étaient basses, les roches
devenaient apparentes et la navigation était impossible. En temps
normal, seules deux passes sur chaque rive étaient en eaux profondes,
dont celle de "la Mort qui trompe", au nom évocateur. Le pont était
aussi le théâtre d'exécutions capitales. Des gibets ou des estrapades
étaient élevés sur le pont. Un trou dans le pavement permettait au
bourreau de plonger les condamnés à la noyade dans la Saône.
(**) Marcel Labruyère et Jean vermorel, Alphonse Daudet à Lyon.
Conférence imprimée dans les Amis de Guignol , 25 juillet 1926
(***) "Études et paysages dans les œuvres complètes publiées en 1874"



Table des matières de la publication MAGAviron - N°27 - Février 2017

Couverture
Sommaire
Zoom sur Le Red Star, une étoile décidée à ne pas perdre sa place
Championnats de France et d'Europe d'aviron indoor Indoor 2017 : l'édition de la démesure
Publireportage Le LiteQuattro fait ses preuves
International Vers la fin des poids légers aux Jeux olympiques ?
Publireportage Pageot : trente ans au service de l'aviron
Pratique Financement participatif : Fosburit, un site dédié au sport
Lutte anti-dopage Dopage, un sujet sensible mais pas tabou
Evénement Red Bull Eléments : une vitrine en moins pour l'aviron
Portrait de rameur Benjamin Lang : lever le pied pour mieux revenir ?
Histoire La grande passion méconnue d’Alphonse Daudet : le canotage
French Rowing Class Pour la beauté du geste
Santé La ventilation du rameur
En bref Les news de l'aviron
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - Couverture
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 2
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - Sommaire
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - Zoom sur Le Red Star, une étoile décidée à ne pas perdre sa place
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 5
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - Championnats de France et d'Europe d'aviron indoor Indoor 2017 : l'édition de la démesure
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 7
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 8
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 9
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 10
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 11
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 12
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 13
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - Publireportage Le LiteQuattro fait ses preuves
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 15
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 16
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 17
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 18
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 19
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - International Vers la fin des poids légers aux Jeux olympiques ?
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 21
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 22
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 23
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 24
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 25
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - Publireportage Pageot : trente ans au service de l'aviron
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 27
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 28
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 29
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - Pratique Financement participatif : Fosburit, un site dédié au sport
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 31
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - Lutte anti-dopage Dopage, un sujet sensible mais pas tabou
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 33
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 34
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 35
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 36
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 37
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 38
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 39
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 40
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 41
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - Evénement Red Bull Eléments : une vitrine en moins pour l'aviron
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 43
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - Portrait de rameur Benjamin Lang : lever le pied pour mieux revenir ?
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 45
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 46
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 47
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - Histoire La grande passion méconnue d’Alphonse Daudet : le canotage
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 49
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 50
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 51
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 52
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 53
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 54
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 55
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - French Rowing Class Pour la beauté du geste
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 57
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 58
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 59
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - Santé La ventilation du rameur
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 61
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - En bref Les news de l'aviron
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 63
MAGAviron - N°27 - Février 2017 - 64
http://www.nxtbook.fr/newpress/MediasAviron/MagAviron_1811-34
http://www.nxtbook.fr/newpress/MediasAviron/MagAviron_1808-33
http://www.nxtbook.fr/newpress/MediasAviron/MagAviron_1805-32
http://www.nxtbook.fr/newpress/MediasAviron/MagAviron_1803-31
http://www.nxtbook.fr/newpress/MediasAviron/MagAviron_1801-30
http://www.nxtbook.fr/newpress/MediasAviron/MagAviron_1709-29HS
http://www.nxtbook.fr/newpress/MediasAviron/MagAviron_1708-29
http://www.nxtbook.fr/newpress/MediasAviron/MagAviron_1705-28
http://www.nxtbook.fr/newpress/MediasAviron/MagAviron_1702-27
http://www.nxtbook.fr/newpress/MediasAviron/MagAviron_1612-26
http://www.nxtbook.fr/newpress/MediasAviron/MagAviron_1609-25HS
http://www.nxtbook.fr/newpress/MediasAviron/MagAviron_1608-25
https://www.nxtbookmedia.com