MAGAviron - N°26 - Décembre 2016 - 47

Les allers et retours entre la France et la Serbie, Cédric
Toublan - entraîneur à l'Athlétic Club Boulogne-Billancourt
- commence à en avoir un certain nombre à son actif. Il va
en effet entamer une troisième saison comme entraîneur de
bateaux pour la Fédération serbe. "Tout s'est fait par un
échange, explique-t-il, j'ai un très bon ami serbe qui est

venu s'entraîner à l'ACBB. Nous avons alors commencé
à tisser des liens avec un gros club de Belgrade, à
instaurer un échange avec les rameurs loisirs, mais
aussi avec les compétiteurs". La mayonnaise a rapidement
pris entre les deux structures, avec des rencontres de plus
en plus importantes, et une opportunité s'est offerte à Cédric
Toublan. "J'ai sympathisé avec un des rameurs et il

m'a demandé de la coacher au niveau international. Il
a fallu que l'on fasse nos preuves et que je démontre
mes capacités". Et ce fut le cas lors de l'étape de coupe
du monde de Lucerne en 2015 : Milos Stanojevic a terminé
deuxième de la finale du skiff poids léger. "JE l'ai fait pour
lui, sans être payé, je n'ai pas perçu de salaire". C'est
alors l'ensemble du groupe poids léger que l'entraîneur
francilien a pris en charge, avec de nombreux déplacements
à la clé : "Je vais une semaine par mois en Serbie, et les

rameurs viennent environ 10 jours par mois en France.
Je forme l'équipe ; cela sort un peu du cadre, mais la
Fédération serbe suit tant qu'il y a des résultats". Des
résultats probants mais avec un groupe jeune, Cédric Toublan
a encore beaucoup de choses à construire et à mettre en
place, si l'on ajoute au fait qu'en Serbie, les rameurs n'ont pas
le même statut qu'en France. "Là-bas, ils sont tous profes-

sionnels. Ils ne travaillent pas à côté et perçoivent
une rente, mais très faible. Le salaire moyen en Serbie
étant déjà à peine de 300 euros. L'équipe se situe dans
un centre national d'entraînement à Belgrade".
Pour se faire comprendre, Cédric Toublan n'a pas eu besoin
d'apprendre le serbe, c'est en anglais que les échanges se
font : "C'est un pays très anglophone, ils font davan-

tage d'efforts en ce sens que nous. N'importe qui peut
entrer en équipe nationale, des piges sont organisées
pour ça, mais le système privilégie les membres
du Partisan de Belgrade, un club qui dépendait de
l'armée.
Pour mener à bien ses nouvelles missions, il a pu compter
sur la compréhension et le soutien de son président, François
Banton. "Je ne prends pas de congés, mais après 20

ans passés au club, cela m'a donné de l'air de faire du
haut niveau, et cela apporte du dynamisme au club. On
a de bons retours chez les jeunes, c'est une locomotive
pour eux".

Au pays du soleil levant
Xavier Dorfman a quant à lui fait le choix de s'expatrier,
avec femmes et enfants, à l'autre bout du monde. C'est
à l'été 2015, à l'occasion des championnats du monde

à Aiguebelette, qu'il a eu les premiers échanges avec la
Fédération japonaise d'aviron. "Nous avions discuté de

la vision du haut niveau, des raisons qui faisaient que
je m'intéressais à eux". Quelques semaines plus tard, les
responsables nippons ont repris contact avec lui pour savoir
si une éventuelle mission auprès de leur fédération était
toujours d'actualité. L'entraîneur savoyard a confirmé son
intérêt et a passé vingt jours en décembre 2015 au Japon
pour rencontrer les dirigeants, mais aussi voir le fonctionnement japonais du haut niveau en aviron. "Le courant est

bien passé avec le staff, les athlètes, j'avais le sentiment que je pouvais les aider. Je suis rentré à Noël
et reparti le 5 janvier pour Tokyo. Le Japon, un pays
pour lequel il a toujours manifesté de l'intérêt, mais
Xavier Dorfman voyait aussi une opportunité de se
reconnecter au haut niveau international, par le biais
d'une fédération étrangère. Après 2000, j'ai passé deux
années à l'INSEP mais je n'ai pas été admis à l'examen
à cause d'une note éliminatoire. Aujourd'hui, je lui
dirais merci à cet inspecteur. J'ai toujours eu cet échec
en travers, mais j'ai compris aussi que mon avenir se
jouerait ailleurs. J'ai grandi en Afrique du nord, et la
France n'est pas le seul endroit où l'on peut vivre". Le
Japon, un pays radicalement différent, à de nombreux points
de vue : linguistiques bien sûr, mais aussi culturels et avec de
nombreux défis pour Xavier Dorfman. Avec seulement 10 000
licenciés, l'aviron nippon n'a pas encore d'aura internationale,
en raison de ses résultats qui ne sont pas forcément bons,
mais il est ancré dans le paysage avec de nombreux clubs
d'entreprises comme Toyota, Mitsubishi et une volonté de
reconnaissance avec les prochains Jeux olympiques qui se
joueront à la maison ; l'aviron a aussi fait beaucoup parler
de lui avec le coût de construction du bassin pour Tokyo
2020. "Pour l'instant je rencontre les équipes, les

entraîneurs, je prépare les saisons à venir, mais je ne
fais pas de coaching. L'organisation est différente,
mais si l'on devait comparer à la France, j'ai un rôle
de directeur des équipes nationales". Un manque
confiance régnait dans les rangs japonais ; une situation
que Xavier Dorfman a prise à bras le corps. "J'essaie de

faire évoluer l'état d'esprit, je leur explique qu'il ne
faut pas être complexé, les résultats positifs des
dernières échéances internationales ont fait du bien,
mais la cible reste 2020. Le projet est à long terme, il
faut travailler sur la formation des entraîneurs et des
rameurs avant d'espérer une médaille. J'ai beaucoup
d'écoute de leur part, les choses changent. Ce sont
des athlètes formidables, je n'ai jamais vu des gens
aussi consciencieux, ils ne font pas le choses à moitié
pour réussir, et toujours avec un profond respect. C'est
un vrai challenge". Sa famille l'a rejoint après les Jeux de
Rio et s'adapte doucement à cette nouvelle vie. Bénédicte
va pouvoir commencer à travailler sur place début 2017 et,
hormis une overdose de riz pour sa fille, la famille de Xavier
s'est lancée dans l'aventure japonaise sans aucun regret.

MAGAviron
Numéro 26
décembre 2016

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