Centraliens - N°630 - La revue des Arts et Manufactures - Décembre 2013 - 4

Actus

Hommage au Centralien
de l'année 2013 Boris Vian
Jean-François Belhoste (71), de Centrale Histoire (avec le concours de Nicole Bertolt et Philippe
Denizet), revisite l'itinéraire d'un Centralien légendaire. Il raconte sa vie à l'École, ses amitiés centraliennes,
ses manifestations de Jazz rue Jean Goujon... et il a recueilli le témoignage de son camarade et ami
Alfred Jabes. L'Association consacre, par ailleurs, un ouvrage au Centralien Boris Vian dans la collection
"Parcours de Centraliens" Écrit à 3 mains - Jean-François Belhoste (71), Henri False (67) et Pierre Vareille (81)-,
il s'attache surtout à faire connaître l'ingénieur ingénieux.
La rédaction remercie chaleureusement Monsieur Alfred Jabès pour nous avoir conﬁé
son fond documentaire.

Boris Vian, le jazz

et la Maison des Centraux
Boris Vian eut une passion qui ne le quitta jamais jusqu'à son décès le 23 juin 1959 : le jazz.
Dès 1935, il entreprit de jouer de la trompette, devint en 1937 membre du Hot Club de France, association
estudiantine créée en 1932, et ne manqua désormais aucun numéro de sa revue mensuelle Jazz Hot.

Boris Vian entre 1937 et 1939.
Archives Cohérie Boris Vian.

Né dans une famille de mélomanes -sa mère
jouait très bien du piano-, et observateur à Ville
d'Avray des débuts de son voisin et ami le
jeune prodige Yéhudi Menuhin, il avait du
goût pour la chose musicale. Mais sa musique
à lui, c'était le jazz, musique jeune et dansante des surprises-parties zazou, qui faisait
rêver d'Amérique.
Lorsqu'en novembre 1939, reçu à Centrale, il
partit rejoindre Angoulême où l'École s'était
repliée du fait de la guerre, il emmena bien sûr
sa chère trompinette, mais aussi son pick- up à
aiguille en bois et sa collection de disques 78
tours afin d'animer les soirées de l'immeuble
où il résidait avec quelques camarades. Son
diplôme en poche et marié depuis juillet 1941
avec Michèle Léglise, il trouva vite, dès
août 1942, un emploi à l'AFNOR- l'Association Française de Normalisation. Pour tromper l'ennui qui très vite l'envahit, il eut la
chance alors de trouver place dans l'orchestre
qu'avait créé son ami polytechnicien Claude
Abadie et où ses deux frères Alain et Lélio
jouaient respectivement de la guitare et de la
batterie. À la Libération, les choses s'accélérèrent, l'orchestre put désormais se produire à
découvert, au Rainbow Corner notamment,
boulevard des Capucines devant les Gi's. La

référence était le style Nouvelle Orléans, celui
de Louis Armstrong et du trompettiste Bix
Beiderbecke dont Boris cherchait à imiter le
jeu. En bon intellectuel et méticuleux observateur des choses humaines, il développa aussi
une connaissance de plus en plus fine de sa
musique fétiche, nourrie par la lecture attentive, presque obsessionnelle de Jazz Hot. Il
élargit ainsi sa perspective, trouva matière à
analyser les contradictions de la société américaine, surtout la question noire, à partir de réflexions sur ce qu'était le jazz : une musique
universelle ou une musique que seuls pouvaient produire les descendants des esclaves
des plantations de coton du Sud ? En France,
et notamment à Paris, il faut dire que les jazzmen américains noirs comme Sydney Bechet
ou Louis Armstrong avaient reçu un accueil
particulièrement chaleureux dans l'avantguerre. Lorsqu'au printemps 1946, Boris Vian
fit connaissance avec Jean-Paul Sartre tout
juste rentré d'un séjour aux États-Unis, c'est
autour de longues discussions sur le jazz, sa
nature musicale et son contexte social que se
noua naturellement leur amitié.
Le petit monde des amateurs avertis, notamment celui de Jazz Hot, connut cependant à
partir de la fin 1946 un véritable traumatisme.
Centraliens no630 [décembre 201
3]

Centraliens - N°630 - La revue des Arts et Manufactures - Décembre 2013

Table des matières de la publication Centraliens - N°630 - La revue des Arts et Manufactures - Décembre 2013