Clefs - Le système politique de l'Union européenne -9 - (Page 137)

LA NATURE POLITIQUE ET JURIDIQUE DE L'UNION sivement place à un euroscepticisme qui ramène l'ambition initiale à une simple union d'États. D'où un certain tabou qui entoure l'analyse de sa nature par référence au fédéralisme. Pourtant, ne serait-ce qu'en matière monétaire ainsi que dans les autres domaines où s'exerce la compétence exclusive de l'Union, il semble difficile de l'écarter. Aussi, Jacques Delors, après avoir hésité sur la qualiﬁcation à donner à l'« objet politique » européen, a-t-il eu l'intuition de le qualiﬁer de fédération d'États-nations. Nous-même, avec Maurice Croisat, observant les similitudes existant entre la pratique du fédéralisme coopératif au Canada et en Suisse, et le processus de décision au sein de la Communauté européenne, avions-nous cru pouvoir qualiﬁer cette situation de « fédéralisme intergouvernemental » 5. Depuis lors, l'expression « fédération d'États-nations » est venue éclairer ce débat dans la mesure où, contrairement à l'objection selon laquelle elle exprimerait une contradiction dans les termes, elle signiﬁe qu'au sein du système institutionnel de l'Union européenne, les gouvernements des États membres occupent en vertu du dédoublement fonctionnel une place prépondérante car ils sont à la fois colégislateur avec le Parlement européen et « exécutif gouvernemental » au sein du Conseil européen et du Conseil des ministres. Aussi n'est-il pas surprenant que les recherches théoriques les plus récentes sur le fédéralisme, mettant en cause l'opposition entre la Confédération d'États et l'État fédéral, ouvrent la voie à la reconnaissance de fédérations d'États qui ne relèvent d'aucune des deux catégories précédentes et offrent au fédéralisme une capacité heuristique que le droit constitutionnel et international traditionnel ne lui accordaient pas 6. Par conséquent, dans la voie tracée à la fois par Maurice Croisat et Olivier Beaud et sur la base de l'expérience vécue par Jacques Delors en qualité de président de la Commission européenne, il nous paraît pertinent de conclure à l'existence d'un fédéralisme européen dont la virtualité pourrait éclairer dans le long terme la spéciﬁcité. Sans qu'il conduise à la formation d'un super-État, il pourrait faire de l'Union européenne une puissance publique susceptible d'exercer une gouvernance qui se rapproche progressivement d'un mode de gouvernement. La revendication par la France, au sein de la zone euro, d'un « gouvernement économique européen » va dans cette direction. En matière régalienne, le système européen de Banques centrales s'inscrit déjà dans cette voie. Et dans le cas où se mettrait en place une coopération structurée permanente dans le domaine de la défense, comme le Traité de Lisbonne l'autorise, l'on se trouverait en présence d'une démarche de nature fédérale. 5 Maurice Croisat, Jean-Louis Quermonne, L'Europe et le fédéralisme, Clefs, Montchrestien, 2e éd., 1999 ; Dusan Sidjanski, L'approche fédérative de l'Union européenne ou la quête d'un fédéralisme européen, Études et Recherches, Notre Europe, 2001. 6 Olivier Beaud, Théorie de la fédération, Léviathan, PUF, 2007, notamment le chapitre 2 qui rend obsolète la distinction entre Confédération d'États et État fédéral. 137

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