Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 93)

LES RÈGLES GÉNÉRALES, DES RÈGLES CATÉGORIELLES 75 211. Dans l’affaire des Roulements à billes, la Cour souligne que l’article 3 d’un règlement du Conseil du 26 juillet 1977 « se distingue par la particularité qu’il ne concerne pas tous les importateurs, mais seulement ceux ayant importé les produits fabriqués par les quatre principaux producteurs japonais qu’il désigne et en déduit qu’il s’agit d’« une décision collective concernant des destinataires nommément désignés »218. 212. Même si la jurisprudence administrative française est moins fournie, certaines décisions révèlent que le Conseil d’État n’assimile pas lui non plus les catégories personnelles, ouvertes à tout être humain et les ensembles fermés d’individus. Il a en effet consacré l’existence d’un type particulier d’acte individuel, la décision collective219, qui vise plusieurs individus nominativement désignés. Même lorsque ces individus ne sont pas nominativement désignés mais sont déterminés concrètement à l’aide d’éléments spatio-temporels, le juge ne qualifie pas l’acte de réglementaire. Ainsi une délibération par laquelle le conseil municipal de Présailles a décidé de majorer à 200 F l’hectare le prix de la redevance exigée des ayants droit de la section de commune de Chaulet-Chabardeuil, est une décision individuelle, et plus exactement collective220. 213. Dans le langage juridique, une catégorie se distingue des ensembles fermés d’individus grâce à la prise en compte des éléments spatial et temporel qui délimitent le champ d’application des règles juridiques. § 2. LES DIMENSIONS SPATIALE ET TEMPORELLE DU CHAMP D’APPLICATION DES RÈGLES JURIDIQUES 214. Il importe de prendre en considération les deux dimensions, spatiale et temporelle de la norme221. Ces deux dimensions peuvent être considérées comme secondaires, dans la mesure où elles permettent de déterminer les personnes (personnes juridiques ou êtres humains) visées par la règle. En d’autres termes, les éléments spatio-temporels seraient des « sous-éléments » de la norme, renvoyant à sa dimension personnelle. S’agissant par exemple d’un arrêté de police qui interdit une manifestation dans tel ou tel lieu, ce lieu, cet élément spatial permet de déterminer les personnes visées par l’arrêté (celles qui comptent se rendre sur place). 215. Leur caractère secondaire ne fait pas obstacle à ce qu’on leur reconnaisse une importance certaine. Ainsi, si l’on s’abstenait de prendre en considération 218. CJCE, 29 mars 1979, NTN Toyo Bearing Ltd. Et autres c/ Conseil, aff. 113/77, Rec. p. 1185 (pt 11). 219. V. supra, chapitre 1, section 1, § 1, A, 1. 220. CE, 27 févr. 1995, Chapelle et autres, Leb., p. 107. 221. Ainsi KELSEN affirme-t-il, dans Théorie pure du droit (op. cit., p. 20), l’existence d’un domaine de validité spatial et temporel : « Étant donné que la conduite humaine, et de même ses conditions et ses effets se déroulent dans l’espace et dans le temps, il faut que la norme détermine et l’espace et le temps où se produisent les faits qu’elle vise. On peut dire qu’en tant que les normes réglant la conduite humaine en général, et par conséquent les normes juridiques en particulier, portent sur des processus spatio-temporels, la validité de ces normes a un caractère spatio-temporel. Affirmer qu’une norme vaut, c’est toujours affirmer qu’elle vaut pour un certain espace et un certain temps ; c’est-à-dire qu’elle se rapporte à une conduite qui, nécessairement, aura lieu et quelque part et à un moment donné (à supposer qu’elle se réalise effectivement). La relation d’une norme à l’espace et au temps constitue le domaine de validité spatial et temporel de cette norme ».

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