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72 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS 199. L’abstraction peut concerner aussi bien les sujets que les choses ou évènements visés par la norme. Pierre Mayer définit assez confusément l’abstraction comme l’action de dégager un caractère d’un objet et, après l’avoir isolé, de ne plus considérer que lui : « L’abstraction correspond à une exigence plus précise que la généralité. Il ne suffit pas que le caractère ait été choisi indépendamment de la personnalité du sujet (exigence négative relative à la généralité), il faut aussi qu’il l’ait été en fonction de certains effets à produire (exigence positive relative à l’abstraction) »204. L’auteur illustre sa définition en opposant les deux normes suivantes. Soit la norme « les enfants adoptifs seront assimilés aux enfants légitimes… ». Cette norme est générale et abstraite parce que « les enfants adoptifs, sujets de la norme, sont considérés dans l’abstrait, en tant qu’ils présentent le caractère retenu (…). La règle ne vise pas primordialement des personnes mais s’attache à un type ». Ceci peut être vérifié par le fait que l’on peut aussi bien utiliser le pluriel (les enfants adoptifs) que le singulier (l’enfant adoptif), sans que la norme change de signification. Soit maintenant la norme « les occupants de l’immeuble situé à telle adresse doivent être expulsés » : cette norme « désigne ses sujets concrètement : le caractère retenu (être occupant de l’immeuble) n’a pas d’autre fonction que de définir une collection d’individus, envisagés en eux-mêmes ». Cette fois-ci, le pluriel et le singulier ne sont pas interchangeables. Le professeur Pierre Mayer donne comme autres exemples de décisions générales, l’amnistie de toutes les personnes qui auront commis une contravention antérieurement au 20 juin 1969205 ou encore, la nationalisation d’une catégorie d’entreprises ou le moratoire accordé pour une catégorie de dettes206. 200. En outre, Pierre Mayer estime que « du caractère abstrait de la règle de droit découle son caractère hypothétique. Puisque l’ordre contenu dans la règle est rattaché à un caractère présenté par une personne, une chose ou un évènement, il ne devient effectif que dans l’hypothèse où une personne, une chose ou un évènement déterminés présentent ce caractère »207. Les décisions sont au contraire catégoriques : elles ordonnent que tel effet juridique se produise ou ne se produise pas. Cet ordre n’est pas rattaché à un présupposé. 201. Au caractère hypothétique, Pierre Mayer associe la permanence. La relation entre l’hypothèse et l’effet juridique de la règle est permanente dans la mesure où l’hypothèse n’est pas un fait mais la référence à un type de situations. Au contraire, les décisions ne sont pas permanentes : « Il suffit qu’elles aient existé un instant pour que leur effet, et tout leur effet, soit produit. Elles ne laissent pas place à la fluctuation potentielle du nombre des intéressés »208. Elles ne produisent pas d’effets nouveaux dans le futur. 202. Afin de distinguer les règles des décisions, le professeur Pierre Mayer propose néanmoins de ne pas s’attacher à identifier les caractères abstrait ou hypothétique de la norme car ceux-ci sont trop difficiles à déterminer. Ce sont donc la généralité et la permanence qui doivent permettre de reconnaître une 204. Ibid., p. 41. 205. P. MAYER, thèse, op. cit., ici p. 40. 206. P. MAYER, « Existe-t-il des normes individuelles ? », Mélanges Michel Troper, L’architecture du droit, Paris, Economica, 2006, p. 679-681, ici p. 679. 207. P. MAYER, thèse, op. cit., ici p. 42. 208. Ibid., p. 46.

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