Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 71)

LES RÈGLES GÉNÉRALES, DES RÈGLES CATÉGORIELLES 53 réglementaires est qualitative et non quantitative. Une décision attribuant une indemnité de fonctions au préfet de Paris est réglementaire (…) ; une décision conférant une décoration à plusieurs centaines de personnes n’est pas réglementaire ». De même, pour le commissaire du gouvernement Rigaud, « le statut de l’agent comptable d’un établissement public déterminé est un acte réglementaire, bien qu’il ne concerne en pratique qu’une seule personne, car il s’agit d’une norme applicable en permanence à une fonction »115. « La limitation numérique des applications d’un acte administratif même à l’échelle d’un seul individu ne peut en abolir le caractère réglementaire dès lors qu’au-delà de l’individu, c’est bien une catégorie d’individus qui se trouve concernée », confirme Maurice-Christian Bergerès116. 141. La règle est générale même si elle concerne effectivement un nombre réduit d’êtres humains. Elle demeure générale, même si elle ne correspond dans la réalité qu’à un individu. Bien plus, elle est encore générale, même si elle ne concerne personne du tout à un instant t. Dans la mesure où les catégories juridiques sont des conventions, les autorités normatives d’un système juridique peuvent très bien créer des catégories qui ne correspondent à personne dans la réalité naturelle. b) L’absence de prise en considération de l’occasio legis 142. Une règle peut trouver son origine dans un évènement ou dans un individu particulier. « La cause de la loi (sa cause efficiente), c’est, dans la masse, un complexe de pratiques, de besoins, d’aspirations ; l’occasion de la loi (sa cause occasionnelle, si l’on préfère), c’est souvent un petit fait, sans lequel la cause profonde serait restée à l’état de virtualité. (…) On constate, pourtant, qu’assez souvent des réformes législatives, même arrivées à maturité ne sont tombées de l’arbre que parce qu’il y avait eu le choc de quelque incident imprévisible. Pourquoi ne croirions-nous pas que les lois liciniennes étaient dues à une chamaillerie entre sœurs, et le sénatus-consulte macédonien à un scandale mondain, alors que nous savons de source sûre que la responsabilité de l’État n’aurait pas été substituée, en 1899, à celle des membres de l’enseignement public sans les dramatiques souffrances de l’instituteur Leblanc ? »117. Le fait qu’une mesure ait été prise en considération d’un individu déterminé ne fait pas obstacle à ce qu’elle soit qualifiée de règle générale, dès lors qu’elle vise non pas la seule personne ou situation particulière mais une catégorie de personnes ou de situations. La généralité continue de s’apprécier sur le plan formel. 143. Les juridictions communautaires ont dû prendre position sur la question dans la mesure où le recours en annulation contre les règlements communautaires n’est en principe pas ouvert aux particuliers. Ceux-ci ont donc été amenés à discuter devant le juge communautaire la qualification de telle ou telle mesure de règlement, c’est-à-dire d’acte porteur de règle générale118. 115. J. RIGAUD, concl. sur CE, Sect., 19 nov. 1965, Époux Delattre-Floury, Leb., p. 623 ; JCP 1966. II. 14697. 116. M.-C. BERGERÈS, « Les actes non réglementaires », AJDA 1980, p. 3-18, spéc. p. 12. 117. J. CARBONNIER, Flexible droit - Pour une sociologie du droit sans rigueur, Paris, LGDJ, 10e éd., 2003, p. 180. 118. V. P. CASSIA, L’accès des personnes physiques ou morales au juge de la légalité des actes communautaires, préf. de P. Manin, Paris, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque des thèses », 2002.

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